Sommet en demi-teinte, échec diplomatique, sommeil arabe, les Arabes, combien de divisions ?… Les petites phrases empreintes de pessimisme n’ont pas manqué aux observateurs pour qualifier la 31e session du sommet de la Ligue arabe qui s’ouvre à Alger en ce 1er Novembre.
Pourtant ce sommet se voulait sous le signe de l’unification des rangs et le renforcement de l’action arabe commune. Rien n’y fit.
Cela ne semble pas décourager Alger qui a mis les petits plats dans les grands pour garantir un meilleur accueil des dirigeants arabes et la réussite d’un sommet qui ne s’est pas tenu depuis trois ans pour cause de crise sanitaire planétaire (Covid-19).
Un sommet et des doutes
Au vu de la réduction drastique du nombre de participants de haut niveau (La ligue arabe compte 22 membres), le pari de la réussite d’une rencontre au sommet qui ambitionnait de réconcilier « les frères arabes » risque de ne pas être atteint.
L’absence de Mohamed Ben Salmane, prince héritier du royaume d’Arabie saoudite, du roi de Jordanie, du souverain émirati, de celui des Emirats arabes unis ont fortement pesé sur la crédibilité de la rencontre. Et la défection à la dernière minute du monarque alaouite, Mohammed VI a donné lieu à une profusion de commentaires.
Les organisateurs algériens qui avaient tenu pour acquis, et ce depuis de longue date, la participation de l’émir du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, ont dû avaler leurs cravates quand ils ont appris son absence. Ils ont dû toutefois pousser un ouf de soulagement après l’arrivée du maréchal-président égyptien, Abdel-Fattah Al-Sissi à quelques heures seulement du début des travaux. Au final, c’est le seul dirigeant de poids de ce sommet. Tous les autres Etats et monarchies se sont contentés d’envoyer des ministres, ou des vice-premiers ministres.
🇩🇿🇲🇦 | Le ministre #marocain des Affaires étrangères, Nasser #Bourita, reçu par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune au palais de conférence pour assister au début des travaux du Sommet arabe d’#Alger. #Algerie #Maroc #SommetArabe pic.twitter.com/WJrYOkcvfz
— Maghreb Analyse (@MaghrebAnalyse) November 1, 2022
Kaïs Saïed, le président tunisien, n’a jamais fait mystère de sa venue. C’est un proche des autorités algériennes dont il a le soutien dans la crise interne que vit la Tunisie. Et Mahmoud Abbas qui a bénéficié de chèques des autorités algériennes ne pouvait être absent. Pourtant l’homme a perdu de sa superbe et est isolé avec ses fidèles dans la Moqataa.
Y figurent aussi des noms de de chefs d’Etats qui ne peuvent pas se prévaloir d’une grande influence au sein de la Ligue des Etats arabes. Comme le président de la République de Djibouti, Ismaïl Omar Guelleh. Le président somalien, M. Hassan Sheikh Mohamoud, est arrivé dans la matinée. Il sera suivi par le secrétaire général des Nations unies, M. Antonio Guterres, et le président du Mouvement des non-alignés, M. Ilham Aliyev, en tant qu’invités d’honneur du Sommet d’Alger.
Plusieurs dirigeants étaient à Alger dans la journée du lundi. Il s’agit du président des Iles Comores, M. Azali Assoumani, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président du Conseil présidentiel libyen, M. Mohamed Younes Al-Menfi, ainsi que le président mauritanien, M. Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani.
Le vice-président, Premier ministre des Emirats arabes unis, Cheikh Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, représentant spécial du président des Emirats arabes unis, Cheikh Mohamed Bin Zayed Al Nahyan, est à Alger aussi.
Etaient arrivés également le président du Conseil de souveraineté de transition de la République du Soudan, le maréchal Abdel-Fattah Al-Burhan, le président du Conseil de direction présidentiel de la République du Yémen, M. Rachad Mohammed Ali Al-Alimi, et le président irakien, M. Abdellatif Djamel. Tout comme le président en exercice de l’Union africaine (UA), M. Macky Sall, qui participe au sommet en sa qualité d’invité d’honneur.
Le Liban représenté est représenté à ce sommet par le président du Conseil des ministres, M. Najib Mikati, le Bahreïn par le vice-Premier ministre, Cheikh Mohammed Bin Mubarak Al Khalifa, représentant spécial du roi de Bahreïn, le Sultanat d’Oman par le vice-Premier ministre chargé des Relations et des Affaires de coopération internationale, représentant spécial du Sultan d’Oman, Asa’ad Ben Tariq Al Saïd.
Quels dossiers sur la table ?
C’est connu : la Ligue arabe ne parle pas la même langue dans bien des grands dossiers qui agitent le monde. La question des relations avec Israël, la Syrie et la guerre en Ukraine sont les meilleures illustrations. Même le dossier libyen est au cœur de luttes d’influences entre l’Egypte, le Qatar et l’Algérie.
Le conflit israélo-palestinien, la situation en Syrie, la guerre fratricide qui déchire le Yémen et la Libye sont les sujets épineux qui sont inscrits à l’ordre du jour.
Le Sommet arabe d’Alger s’est fixé comme objectif de parvenir à un consensus sur ces dossiers et bien d’autres. Ambitieux, diront certains quand on connaît les divisions de cette Ligue. Les travaux ne seront pas de tout repos pour les participants qui auront à aplanir les différents entre plusieurs membres, notamment la crise entre le Maroc et l’Algérie. Eu égard à la complexité de ces dossiers, il est fort probable que le sommet se contente au final d’une déclaration d’intentions qui restera sans suite.
Le dossier de l’ingérence de la Turquie et de l’Iran, de la Russie dans les affaires internes de certains pays membres, sera sur la table des dirigeants des Etats arabes. Ce dernier point pourrait cristalliser les échanges quand on sait que certains pays comme l’Algérie sont de grands amis de la Russie de Poutine.
La question palestinienne qui est considérée historiquement comme une question fondamentale pour les membres de la Ligue arabe ne l’est plus. Elle fait face désormais à une nouvelle donne : la normalisation des relations de nombreux de ces Etats avec Israël.
Alors les Arabes arriveront-ils à parler la même langue pour une fois ?
Sofiane Ayache