Le président Abdelmajid Tebboune a dit soutenir le Soudan face à « une conjoncture difficile », en réservant un accueil solennel au général Abdel Fattah Burhane, le chef de l’armée soudanaise, arrivé dimanche pour une visite officielle de deux jours à Alger.
Recevant le général Abdel Fattah al Burhane, Tebboune cultive le non-dit et l’ellipse L’Algérie « se tient aux côtés du Soudan pour surmonter la conjoncture difficile et faire face aux forces du mal qui le ciblent », a déclaré M. Tebboune, sans préciser à qui il faisait allusion. Le président Tebboune s’est dit convaincu que le Soudan «saura surmonter cette épreuve induite par un acharnement éhonté à son encontre». Qui s’acharne sur le Soudan ? Quel pays ou partie vise le chef de l’Etat algérien ? Il ne le précise pas. Il préfère garder le mystère.
Mais qu’est venu chercher Burhane chez Tebboune ? On ne peut imaginer que le chef de l’armée soudanaise est à Alger pour entendre Tebboune soutenir des généralités !
Tout en ayant l’air de ne pas prendre partie dans la guerre que se font Abdel Fattah Burhane et le sinistre général Mohammed Hamdane Daglo, Tebboune a tout de même reçu avec les honneurs le premier. Ce qui sous-entend qu’il a choisi Burhane. Surtout quand on sait que Mohammed Hamdane Daglo a des soutiens qui ne sont pas en odeur de sainteté avec l’Algérie : le maréchal Haftar et les EAU.
Au Soudan, les combats font rage depuis le 15 avril 2023 entre l’armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), menés par le général Mohammed Hamdane Daglo, ancien numéro deux du pouvoir militaire.
En février 2019, alors que les manifestations monstres sont organisées contre le régime d’Omar el-Béchir, le vieux dictateur nomme le général Abdel Fattah al-Burhane inspecteur général de l’armée soudanaise. Quelques semaines plus tard, le 12 avril 2019, ce haut gradé, peu connu du grand public, prend la tête du Conseil militaire de transition, au lendemain de la chute d’Omar el-Béchir, renversé après des mois d’une vaste contestation populaire.
Abdel Fattah al-Burhane a reçu début février 2023 à Khartoum Eli Cohen pour la première visite officielle d’un chef de la diplomatie israélienne dans le pays. Un accord a été annoncé à l’issue de cette visite.
Drones iraniens
Selon l’agence de presse américaine Bloomberg, des indices confirment l’implication de l’Iran aux côtés de l’armée soudanaise dirigée par le général Abdel-Fattah al-Burhane dans la guerre qui ronge le pays depuis 10 mois. Tehéran aurait livré des drones à ce dernier.
Selon l’agence américaine citant trois sources occidentales anonymes, des drones iraniens Mohajer 6 ont été livrés à l’armée soudanaise, rapporte Rfi. Preuve en est, rapporte l’agence, des images satellites captées le 9 janvier d’une base militaire au nord de Khartoum et qui laissent apparaitre l’un de ces appareils. Des photos largement partagées sur les réseaux sociaux il y a plus de deux semaines montrent également les restes d’un drone Mohajer 6 abattu par les FSR.
Après l’implication des Émirats arabes unis dans la guerre au Soudan aux côtés des Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le général Mohamad Hamdane Daglo, l’Iran serait-il impliqué dans cette guerre ? Si l’on en croit l’agence de presse américaine Bloomberg, ce serait le cas.
L’Emirat qu’on ne peut qualifié de grand ami de l’Algérie a choisi son camp depuis plusieurs années dans ce conflit qui déchire le Soudan.
Le maréchal Haftar est-il derrière le conflit entre généraux au Soudan ?
«Complot» contre le Soudan
« Le Soudan fait face à un complot avec la complicité de partenaires internationaux et régionaux », a répondu le général Burhane au président Tebboune, en remerciant l’Algérie, « qui est présente à chaque table de discussion ou de négociation arabe ou régionale ». Toutefois, toutes les tentatives de cessez-le-feu ont échoué.
Le conflit a fait plus de 13.000 morts, selon une évaluation très sous-estimée de l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled), et plus de sept millions de déplacés, d’après l’ONU.
Les généraux Burhane et Daglo s’étaient auparavant alliés pour mener un putsch et évincer, en octobre 2021, les civils du pouvoir, mettant fin à deux années de transition démocratique.
Le patron des FSR, désormais rival du général Burhane, a multiplié ces dernières semaines les déplacements en Afrique.
Incapables de prendre l’avantage depuis le début de la guerre, les deux camps piétinent mais aucun n’entend faire de concession à la table des négociations.
Depuis novembre 2023, c’est l’ancien chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, qui est devenu l’envoyé spécial de l’ONU pour le Soudan. Le même Lamamra renvoyé du gouvernement par Tebboune. Depuis, d’ailleurs, la diplomatie algérienne collectionne les revers.
L. M./Agences