Samedi 10 novembre 2018
Soutenir la lutte démocratique, sur tous les terrains
Fethi Gharès, candidat du MDS à la présidentielle.
Les derniers événements survenus, depuis cet été, sur la scène politique nationale illustrent à la fois l’aiguisement des contradictions et l’obstination du pouvoir à contrarier l’essor de la lutte démocratique. Sans surprise, l’affaire de la cocaïne et les arrestations de personnalités civiles et militaires qui lui font suite trouvent des prolongements dans les forces politiques, au sein desquelles les décantations s’accélèrent.
Toutes ces tensions ne pouvaient pas manquer d’atteindre la presse qui a déjà dû supporter tant de coups et qui devra affronter les nouvelles épreuves, justement parce qu’elle a résisté et tente de conquérir de nouveaux espaces de liberté. Un premier procès contre certains journalistes de la presse électronique vient heureusement de donner lieu aux libérations que la société exigeait. Mais cette densification de la lutte politique jette la lumière sur le sens à donner à la présidentielle de 2019.
Les néo-libéraux adossés à la rente contrôlent l’APN
La crise mûrit dans une situation nouvelle. L’APN vient de donner le pouvoir législatif aux tenants du national-libéralisme ; aux anciens intérêts néolibéraux adossés à la rente, il reste une arène pour mener des affaires, ils devront juste respecter de nouvelles règles ; seule la parole des partisans du changement radical ne s’y fait pas entendre. Ils ont pourtant besoin, eux aussi, de ce type de tribune institutionnelle. Ils ont besoin de la campagne électorale pour mener, dans la société, la lutte autour de la rupture. Et ils ont besoin d’une organisation capable de diriger le travail politique dans son ensemble, c’est-à-dire dans les institutions et dans les mouvements de protestation, dans les grèves et dans les différents cadres que la société se donne. Et il faut être aveugle pour ne pas voir que ceux qui refusent de se hisser au niveau de ces exigences, confondant nihilisme et radicalité, ne sont que les fruits du chaos et de la désagrégation de la classe politique suite à l’avancée du bouteflikisme.
Avec l’aiguisement de la crise, nous voyons de mieux en mieux se dessiner les contours des trois courants qui se manifestent dans le champs politique.
Nous avons les partisans de la rupture, dont – petit à petit – les idées gagnent du terrain, nous avons les néolibéraux adossé à la rente qui veulent le statu quo et enfin le national-libéralisme qui lutte contre le statu quo et contre la rupture, ce que les nihilistes voient mal et comprennent tout aussi mal. Et, parce qu’ils hésitent – finalement – entre un nouveau compromis et la rupture, les nihilistes rejettent l’idée d’un 5ème mandat, mais sans s’exprimer clairement sur toute candidature issue du système. Et il ne faudrait pas s’étonner si, au final, ils se retrouvent un jour au gouvernement, rappelant ceux qui avaient boycotté la dernière fraude du siècle, avant de se laisser convaincre de soutenir la politique de Concorde civile.
Le national-libéralisme, qui dispose de l’initiative, souhaite occuper le centre d’une alliance pour la réforme et disposer de forces d’appoints à sa droite et sa gauche.
A sa droite, il est en voie de se soumettre le néolibéralisme adossé à la rente, après une campagne d’arrestations qui aura affaibli son hostilité au changement. Il sera difficile aux tenants de la rupture de ne pas céder à la tentation qui emportera vite, très certainement, les nihilistes et les mettra en situation d’être la force d’appoint de gauche. Mais si on voulait, de force, leur mettre ce choix en main, les partisans de la rupture sauront se rappeler que leur esprit de responsabilité sera jugé, en dernier ressort, sur leur faculté à faire aboutir le changement radical et non pas sur leur capacité à faire des compromis, même si ceux-ci ne sont pas mécaniquement synonymes de compromission.
Les tenants authentiques de la rupture se sont donnés, quant à eux, pour tâche d’utiliser la lutte du national-libéralisme contre le despotisme néolibéral adossé à la rente et de neutraliser ses hésitations et sa volonté de faire l’impasse sur l’objectif de rupture. Pour cela, les forces du changement radical prennent soin de ne pas se retrouver sur les mêmes orientations que le pouvoir qui assimile radicalisme et nihilisme, qui dénonce le populisme et la démagogie et finit par justifier le réformisme et le compromis. L’action pour la rupture étant présenté comme incantation et inaction et le soutien au pouvoir comme action et garantie d’accumulations mécaniques. La société a l’expérience de ses pratiques du pouvoir, elle en connaît les tenants et les aboutissants, elle peut se prémunir des mauvaises conclusions.
Les tenants de la rupture utilisent donc la lutte électorale du national-libéralisme pour le pouvoir, sans aucunement laisser la société se mettre à croire dans le national-libéralisme, tout cela afin de développer, de renforcer la poussée en faveur de la rupture. C’est la tactique du MDS.
En présentant Fethi Gharès comme candidat à la présidentielle de 2019, il poursuit, sur le terrain électoral, sa lutte contre l’idéologie islamo-conservatrice du despotisme néolibéral adossé à la rente qu’il faut déloger des institutions et contre l’opportunisme des tenants du national-libéralisme. Il en fait un champ de confrontation entre deux conceptions du rassemblement, d’une part le large gouvernement du travail dont il fait la promotion et d’autre part le front populaire que veut construire le pouvoir. De là, les mots d’ordre de séparation du politique et du religieux, de changement de monnaie et de rejet de l’amnistie pour les prédateurs qui pillent notre pays, pour faire contrepoids à ceux qui, au nom de la réconciliation nationale, souhaitent poursuivre la politique de compromis avec l’islamisme en l’élargissant aux forces de l’argent sale.
La tâche que s’est donné le MDS est de préparer les citoyennes et les citoyens et cela en chaque lieu, à chaque instant, dans toutes les formes de travail, dans tous les domaines de la vie sociale, dans toutes les situations où pourraient nous mettre les manœuvres du despotisme néolibéral adossé à la rente, une victoire sans partage du national-libéralisme ou un rebondissement de la crise au niveau international. Il veut mettre à bas les illusions. Il veut permettre à la société de cristalliser la conscience démocratique la plus élevée. Il veut l’aider à se donner les cadres de lutte dans lesquels s’exprimera cette conscience.
Regardez les nihilistes. Ils crient haut et fort : nous sommes des démocrates. Mais ils s’acoquinent avec les islamistes. Ils peuvent se réunir au siège du MDS ou avec le MDS, mais ne peuvent pas clairement mettre en évidence le caractère réformiste du national-libéralisme qu’ils accusent de conservatisme au moment où eux-mêmes se tournent vers des forces archaïques et sanguinaires.
Pourquoi refusent-ils de reconnaître ce caractère réformiste ? Parce qu’il est essentiellement dirigé contre l’alternative de rupture dont ils ne perçoivent pas comment elle permettra de réaliser leurs intérêts spécifiques, pourtant méprisés par le pouvoir. Pour faire illusion, leur rejet du 5ème mandat est alors présenté comme l’expression la plus « élevée » de leur hostilité au conservatisme. Mais quant ils ignorent le travail du MDS et les épreuves du MDS – dont le candidat vient d’être acquitté suite aux poursuites dont il était l’objet à Ghardaïa,- quant ils ne font aucun effort d’organisation de la société, ne sont-ils pas objectivement dans le sabotage du travail long et patient d’encadrement et d’orientation de la société en faveur de la rupture ? En travaillant à démobiliser la société, y compris sur le terrain électoral, ne favorisent-ils pas l’option réformiste qui apparaît, alors, comme la seule alternative au statu quo ?
Le MDS, quant à lui, travaille à édifier l’alternative au statu quo ainsi qu’au réformisme et voit, dans le déploiement actuel du national-libéralisme, l’expression indirecte de l’essor démocratique, dont l’ampleur justifie les efforts du pouvoir à le contrarier. Le Mouvement démocratique et social utilise la lutte contre le national-libéralisme ainsi que contre le néolibéralisme adossé à la rente et ne cède pas à des mots d’ordre qui aboutiront à une capitulation devant le national-libéralisme, comme risquent de s’y résoudre les nihilistes. Sa tâche est de développer l’essor démocratique, de prendre soin des forces nouvelles acquises à l’idée de changement radical qui se développent de manière nouvelle dans une Algérie nouvelle, celle de la jeunesse. Il cherche à devenir vigoureux et vaincre en dépit du national-libéralisme, parce que, sans cela, aucun triomphe de ce dernier n’apportera de changement sérieux à la situation en Algérie.
Il est dorénavant incontestable qu’il existe un essor démocratique. Il progresse d’une manière plus pénible, plus lente, plus compliquée que nous l’aurions désiré, mais il progresse quand même. C’est lui qu’il faut soutenir de toutes nos forces et développer par un travail électoral et d’autres actions. C’est en s’organisant, en contribuant à forger les autres forces démocratiques, en critiquant sans pitié le nihilisme, en encourageant l’émergence d’un mouvement démocratique libéral progressiste indemne des fautes de ses prédécesseurs, mais surtout et avant tout en empêchant, qu’en son sein des évolutions ne soient interprétés comme un soutien au national-libéralisme, en développant le travail dans la société et en renforçant le débat démocratique dans ses rangs, que le MDS va enraciner ses orientations dans la société.
Des forces commencent à se demander si l’option du 5ème mandat n’était pas une diversion et un ancien président de l’APN avance même le nom d’un éventuel candidat alternatif à Bouteflika.
Ce n’est pas la fin des illusions mais c’est le début de nouvelles illusions qu’on tentera de répandre, une fois encore, au bénéfice du national-libéralisme. Le MDS est engagé, quant à lui, depuis son dernier congrès, dans la construction d’une alternative de rupture au plan électoral. Fethi Gharès, son candidat à la candidature, mène courageusement une pré-campagne, qui vise à construire l’organisation qui lui permettra de défendre le projet de rupture dans l’arène électorale en 2019 et au delà.
Le projet de rupture s’imposera-t-il face aux options de réforme ou de statu quo ? Comment se résoudra la crise qui est en train de mûrir ? Cela ne dépend pas du MDS, mais de milliers de causes comme l’état d’esprit de la société, une nouvelle prise de conscience dans la classe politique, le repli national-conservateur qui permettrait aux puissances hégémoniques d’affronter des États isolés et affaiblis, dont le comportement chauvin et égoïste mettra en échec toutes leurs aspirations au multilatéralisme, les tensions internationales entre puissances globales ou une crise économique mondiale ; par contre ce qui dépend du MDS, c’est de mener dans la société un travail conséquent et sans défaillance, inspiré de ses meilleures traditions. C’est le seul travail qui laisse toujours des traces. C’est le travail dans lequel il est engagé.
Alger, le 10 novembre 2018
(*) Yacine Teguia est membre du bureau national du MDS