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Stade de Tizi-Ouzou, une bataille sans nom

 

Je lis, pour la première fois, des protestations contre le refus de nommer ce stade du nom de Matoub Lounes. Et que des âmes mal intentionnées, que je pensais être les autorités publiques (on m’en a soufflé la raison) voudraient imposer des noms peu recommandables.

La chose était tout à fait plausible et je ne m’en suis pas étonné, par expérience d’un pays entièrement livré à des pulsions autoritaires et de propagande.

Alors, mon soutien a été immédiat pour le nom de Matoub Lounes dont je ne voyais pas ce qui pouvait s’y opposer. Mais après tous les soutiens du début à ma position, une voix dissonante s’est fait entendre, suivie d’autres de même nature.

L’autre son de cloche

Voici le texte dont je reporte les propos avec fidélité et sur lequel je ne porte aucun jugement ni ne valide l’accusation ou la réfute. C’est juste que ce message d’une résidente en Kabylie me réveille à la réalité, la polémique est basée sur des arguments bien plus diverses et complexes.

« Boumediene Sid Lakhdar, vous proposez Matoub Lounès car je pense que vous aimez ce côté rebelle qui vous ressemble. Mais soyons sérieux et objectif, je pense que Abane Ramdane ou Krim Belkacem ou Mouloud Mammeri. Ou même Hocine ait Ahmed serait un choix plus objectif.

Pour les personnes qui le connaissaient Matoub Lounes était un homme avec peu de personnalité, sur les bords, raciste et qui cherchait à diviser le peuple algérien.
Certes, son combat politique est louable mais ce n’est pas suffisant.
En ces temps de trouble et de division, le peuple algérien a besoin de symboles forts qui unissent et apaisent ».

Dès lors, la polémique prend un tout autre sens quelle que soit la vérité des uns et des autres. Je serais inconscient de refaire la même erreur en intervenant de nouveau avec mon opinion.

Alors, je sors du débat pour aborder une autre question, légitime et pleine de sens, je le crois.

Quel usage pour le nom d’un stade ?

L’origine du mot stade est à rechercher dans les connaissances de notre enfance, à l’école. C’est une mesure grecque de distance représentant un certain nombre de pas. Le stade avoisine 180 mètres de nos jours.

Les stades, pendant la période antique grecque et romaine, à l’équivalent des amphithéâtres pour la culture, étaient des lieux de jeux que l’on qualifie aujourd’hui d’athlétisme ainsi que des sports de combat.

Alors, tout naturellement découle l’idée que le nom d’un stade devrait être en cohérence avec le sport. Le nom du stade de Tizi Ouzou devrait donc, selon cette vision, porter le nom d’un grand sportif ou d’un personnage ayant promu ou dirigé une activité sportive.

C’est un réflexe de pensée qui me semble logique mais qui, cependant, n’est pas la majorité des usages, loin de là. Cela semble se confirmer pour le stade de Tizi-Ouzou vu l’absence (ou la grande minorité) de ces noms d’origine sportive dans les propositions que j’ai eu à lire. Il faut de nouveau retourner aux racines antiques pour recherche d’autres options.

Cette première constatation est en fait involontairement conforme à la signification de la naissance du concept des stades. Car nous devons éviter l’anachronisme qui est toujours en embuscade lorsqu’il y a évocation du passé. Ainsi nous nous apercevons que notre regard contemporain sur les stades antiques ne correspond pas tout à fait à son objectif de l’époque.

Les jeux et les joutes étaient, chez les Grecs, le moyen de vouer un culte à la virilité du combat, de la compétition. C’était la manifestation de  la force guerrière d’un peuple conquérant.

Ainsi, contrairement à l’idée édulcorée que nous avons de la civilisation grecque, probablement par l’héritage que nous ont laissé les philosophes, les astronomes, les médecins et les architectes, la civilisation grecque était entièrement au service du culte de la guerre, de la puissance, de la pureté de la race et de la conquête des territoires pour soumission des peuples.

Et c’est là où nous pouvons paradoxalement rejoindre les Grecs ou les romains sans en avoir une doctrine aussi barbare.

En effet, un stade reste une glorification, un hymne à la grandeur d’une population, un hommage à ses constructeurs et donc aux citoyens. De même que les noms des dieux avaient   été privilégiés par les civilisations antiques ou les noms des empereurs et rois bâtisseurs.

Dans notre vision contemporaine, nous avons de grands hommes et assez de femmes méritantes et prestigieuses pour baptiser de leur noms un lieu d’hommage à la communion populaire et républicaine.

N’est-ce pas le cas des écoles et bibliothèques ? Le sport n’est-il pas, avant tout, un outil pédagogique pour la construction de la citoyenneté et de la fraternité ? Ces illustres hommes et femmes, ne pourraient-ils pas honorer de leurs noms de tels lieux.

Enfin, en corolaire de ce second point, l’usage antique avait souvent été d’honorer le lieu du stade, soit une ville, une région. Les célébrissimes stades, Maracana ou Wembley et bien d’autres, portent le nom d’un quartier de la ville. N’est-ce pas honorer un lieu et ses citoyens ? Le stade de France, ou de St Denis, n’est-ce pas le projet de sortir la Seine Saint Denis de son statut de banlieue pauvre et parfois hors des standards de l’Ile de France, du point de vue urbain comme de la sociologie des populations ?

Alors, pourquoi pas ce choix pour celui de Tizi Ouzou ? Tout cela n’est bien entendu qu’un plaidoyer pour expliquer la diversité des possibles.

L’important est avant tout que le choix, même s’il a un temps divisé et provoqué des rancœurs, soit, au final, accepté par tous comme honorable. Que ce lieu soit dédié au sport, à la culture ou à l’instruction, il importe qu’il honore l’humanité.

Et bien que cela ne soit pas ma première position naturelle, je conçois que ce choix puisse être la marque de la région. Car la personnalité, le sportif, l’intellectuel, le militant politique qui aura cet honneur participera en retour à honorer l’Algérie entière.

En conclusion, tous ceux qui ont déjà lu mes écrits lorsque je parle de ce sujet concernant le football, devinent ma pensée et ma déclaration.

Quel que soit le choix du nom du stade, Oran donnera une raclée royale à la JSK, à la hauteur de la majesté de ce lieu.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant

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