De violents combats se poursuivent dans les provinces d’Idleb, au nord-ouest de la Syrie, et Alep, au nord, après une offensive surprise lancée mercredi à l’aube par les groupes jihadistes et les rebelles pro-turcs contre les forces gouvernementales syriennes.
Les combats ont fait au moins 277 morts dont 24 civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, qui indique qu’une large partie d’Alep est sous contrôle des forces jihadistes.
Les jihadistes et les rebelles progressent sur tous les fronts en Syrie. Les informations sur l’avancée des rebelles sont confirmées par des sources indépendantes et par des milieux proches de Damas, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) affirme que les forces anti-gouvernementales, conduites par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), ont pris cinq quartiers d’Alep, la deuxième ville de Syrie, sans rencontrer de véritable résistance, mettant fin à des années de calme relatif dans le nord-ouest syrien.
Surprises par la force de l’attaque, les troupes gouvernementales se sont retirées en désordre des quartiers ouest de la ville, de peur d’être totalement encerclées, après que les rebelles ont coupé la route reliant Damas à Alep, principale voie de ravitaillement.
Une vingtaine de localités occupées
Ces combats ont fait au moins 277 morts, selon un bilan donné par l’OSDH, et sont les plus violents depuis 2020 dans la région, où la province d’Alep, en grande partie tenue par le régime de Bachar al-Assad, jouxte le dernier grand bastion rebelle et jihadiste d’Idleb.
Les jihadistes et leurs alliés ont aussi occupé la ville stratégique de Saraqeb et 20 autres localités autour de l’autoroute M5, qui traverse la Syrie d’Ouest en Est, en passant par les provinces d’Idleb et d’Alep. Les autorités syriennes ont fermé jusqu’à nouvel ordre l’aéroport international d’Alep, situé au sud de la ville, où tous les vols ont été annulés, et les routes principales menant à la ville. Un vaste mouvement d’exode des habitants vers les provinces de Hama, Homs et Damas, plus au sud, est en cours.
« Ma famille est pétrifiée par la peur »
« Il y a deux jours, l’Armée libre est entrée dans le secteur de Khan al-Assad, situé à seulement 10 kilomètres d’Alep. Depuis, ils ont avancé vers la nouvelle ville, le quartier d’Al-Hamdanyah, et même peut-être jusqu’à Al-Furqan, avant de prendre finalement le contrôle de la quasi-totalité de la ville d’Alep. Depuis leur arrivée, les bombardements pleuvent sur la ville – c’est une situation d’angoisse et de chaos », confie une mère de trois enfants, prise au piège par les combats et qui cherche un moyen de quitter Alep, au micro du correspondant de Rfi au Kurdistan irakien.
« Les déplacements sont complètement interdits, les minarets des mosquées de la ville ont averti la population : ne sortir de chez soi sous aucun prétexte. Même les sorties essentielles, pour aller faire des courses, sont complètement interdites. Ma famille est pétrifiée par la peur », poursuit-elle.
Envoi de renforts dans la zone
Les troupes gouvernementales et leurs alliés envoient des renforts pour tenter de stopper l’avancée des jihadistes et des rebelles. L’OSDH rapporte qu’un convoi de 40 véhicules de combattants irakiens pro-iraniens a été dépêché de la ville de Deir Ezzor, dans l’est de la Syrie. Des unités de la 25e division des forces spéciales de l’armée syrienne ont également été envoyées vers Alep.
Des unités de la 4ème division de la Garde républicaine, dirigée par Maher al-Assad, le frère du président Bachar al-Assad, ont de leur côté été attaquées dans le désert central de Syrie par le groupe État islamique, alors qu’elles se dirigeaient vers Alep.
Le front de l’ouest d’Alep a été affaibli par le retrait, ces derniers mois, de milliers de combattants du Hezbollah envoyés en renfort dans le sud du Liban pour faire face à l’offensive israélienne.
Réaction prudente de la Turquie
De son côté, la Turquie n’est pas directement impliquée dans l’offensive en cours en Syrie, mais elle ne semble pas s’y être opposée, elle qui avait dénoncé les attaques récentes du régime syrien et de son allié russe sur la province d’Idleb, rapporte notre correspondante à Ankara, Anne Andlauer. Des attaques décrites comme autant de violations des accords conclus entre la Turquie, la Russie et l’Iran dans le cadre du processus dit « d’Astana ». Même si elles ne sont pas majoritaires, certaines formations de rebelles syriens proches d’Ankara participent à l’offensive sur Alep aux côtés du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham.
Dans sa première réaction officielle, la Turquie s’inquiète néanmoins de « l’escalade » en cours à ses frontières. Toute instabilité dans la région d’Idleb risque en effet de pousser vers son territoire des centaines de milliers de réfugiés que la Turquie ne veut pas accueillir.
Ankara semble également considérer l’offensive en cours — qui met en lumière les faiblesses du régime de Damas — comme un moyen de pression sur Bachar el-Assad. Le président turc Erdogan cherche depuis deux ans à négocier une « normalisation » des relations turco-syriennes, mais refuse d’envisager le retrait des troupes turques du nord de la Syrie — une des conditions du régime syrien.
RFI