Taos Amrouche fut une cantatrice d’exception. Des chants traditionnels kabyles interprétés sous forme de complaintes à vous donner la chair de poule. Elle fut la véritable gardienne de ces chants du terroir qui nous proviennent des temps reculés de notre Histoire, et qui ont failli disparaître à jamais de notre mémoire collective.
Elle représente l’étalon féminin de la censure imposée par le pouvoir d’Alger à la culture berbère dès notre accession à l’indépendance, et peut-être bien avant.
En 1967, Taos Amrouche obtient le Grand prix de l’académie pour son inestimable disque «Chants berbères de Kabylie ».
Au faîte de sa carrière, elle se produit sur de nombreuses scènes internationales sauf celles de son pays, puisqu’elle n’est pas invitée au Festival culturel panafricain d’Alger, en 1969. Elle s’y rend néanmoins pour chanter devant les étudiants de l’Université d’Alger.
Voilà ce qu’avait écrit Bouguermouh sur cet épisode : « Elle était séquestrée et gardée par la police, Des Kabyles de Sidi-Aich, qui travaillaient dans cet hôtel, m’avait aidé à faire sortir Taous, par la porte de derrière, On est allé à Beni Douala, aux Ouadhias, à Fort national, puis, à Ighil Ali, son village natal… Elle voulait voir sa maison, mais il y avait quelqu’un qui l’avait séquestrée. De là, on est repartis par le col de Tirourda. Arrivés au col, elle m’avait demandé de m’arrêter, elle est descendu de la voiture. Sa voix était d’abord nouée par la douleur. Puis elle s’est mise à chanter. Elle chantait à en faire tomber le Djurdjura, et elle pleurait. Arrivée à Alger, j’ai appelé Ben Mohamed (poète) pour lui dire que Ahmed Taleb Ibrahimi, ministre de la Culture, avait fait séquestrer Taous Amrouche à l’hôtel. Il est venu avec Hend Sadi, de nuit, et l’ont emmenée à la cité universitaire de Ben Aknoun. Et là, ce fut le plus beau gala que j’ai vue de toute ma vie. Ils étaient des milliers à l’applaudir, ça lui a fait chaud au cœur » .
Il faut dire qu’en ces temps-là, la censure imposée par le pouvoir du patibulaire Boumediene à tout ce qui rimait avec tamazight battait son plein sur tout le territoire algérien. La nouvelle Algérie de Tebboune semble d’ailleurs s’inspirer de ces années de dictature pour mater une Kabylie rebelle !
Signalons la reprise arrangée de l’air folklorique recueilli par Taos « Assif yeččayi » par Ferhat Imazighen Imula dans son premier album Chants révolutionnaires de Kabylie, édité sous l’ère de la dictature Boumedieniste, dans les années 1970. À noter aussi que dans cet album, Ferhat fait bien référence à Taos Amrouche. Ce qui démontre, si besoin, l’intégrité de notre maquisard de la chanson kabyle, contrairement aux nombreux pilleurs qui ne s’encombrent point de déontologie pour reprendre les airs du terroir sans en citer les références !
N’oublions pas non plus, le vibrant hommage que lui a rendu Oulahlou, avec un titre qui se passe de commentaire « Marguerite Taos Amrouche ». Une ode à découvrir absolument !
Mais Marguerite n’était pas seulement cette cantatrice connue et reconnue, c’était une artiste touche-à-tout qui excellait aussi bien dans la littérature que dans le chant. Parmi ses œuvres littéraires, citons Jacinthe noire, L’amant imaginaire, ou encore Solitude ma mère.
Biographie (*)
Marguerite Taos Amrouche est née le 4 mars 1913 à Tunis, et morte le 2 avril 1976 à Saint-Michel-l’Observatoire (Alpes de Haute-Provence), est une artiste, écrivaine d’expression française et interprète de chants traditionnels kabyles. Elle est la fille de Fadhma Aït Mansour Amrouche et la sœur de Jean Amrouche.
Origines
Taos Amrouche est issue d’une famille kabyle christianisée et francisée. Marie-Louise est son prénom chrétien. Ses parents, Antoine-Belkacem Amrouche (1880-1958) et Marguerite-Fadhma Aït Mansour (1882-1967) sont tous deux des Kabyles convertis au catholicisme dans leur jeunesse. Ils se sont mariés vers 1898. Après avoir vécu chez les parents de Belkacem dans un village des Monts Bibans de l’actuelle commune d’Ighil Ali, Béjaïa, où Jean Amrouche est né en 1906, ils quittent l’Algérie pour s’installer à Tunis en 1910. Ils y obtiennent la nationalité française de plein droit.
Formation
Elle obtient le brevet supérieur à Tunis puis s’installe à Paris et se consacre aux chants berbères de Kabylie.
Carrière littéraire et lyrique
Son premier roman, Jacinthe noire, est publié en 1947. Son œuvre littéraire, au style très vif, est largement inspirée par la culture orale de Kabylie dont elle est imprégnée par l’influence de sa mère, mais aussi par son expérience de femme. En signe de reconnaissance envers sa mère, qui lui a transmis tant de chansons, contes et éléments du patrimoine oral, elle signe Marguerite-Taous le recueil Le Grain magique, joignant à son prénom celui sous lequel sa mère a reçu le baptême.
Parallèlement à sa carrière littéraire, elle interprète de très nombreux chants amazigh. Ces textes sont par ailleurs traduits par son frère Jean. Dotée d’une voix exceptionnelle, elle se produit sur de nombreuses scènes, comme au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966. Seule l’Algérie lui refuse les honneurs : elle n’est pas invitée au Festival culturel panafricain d’Alger en 1969. Elle s’y rend tout de même pour chanter devant les étudiants d’Alger.
Taous Amrouche a participé à la fondation de l’Académie berbère de Paris en 1965. Elle fut l’épouse du peintre français André Bourdil, Prix Abd-el-Tif 1942.
Taous Amrouche a recueilli des contes que sa mère lui a racontés dans son enfance : ce sont des récits venus de Kabylie, du côté des hautes montagnes qui bordent le nord du Sahara.
Émissions radiophoniques
Comme son frère Jean, Taous Amrouche a produit des émissions pour la radio française, comme « L’heure de Shéhérazade » et « L’heure de Shakespeare ».
Ces émissions de fiction furent coproduites par André Bourdil et diffusées sur Paris-Inter en 1951.
L’Étoile de chance
Cette émission, dont le titre lui est venu de la disparition d’Antoine de Saint-Exupéry, est une émission bimensuelle dans laquelle elle reçoit une personnalité qui vient dévoiler sa biographie, son itinéraire, et les étoiles de chances qui ont permis l’éclosion de sa vocation. Émission diffusée sur France-Inter et Inter-variétés du 27 septembre 1961 au 29 septembre 1972, et dans laquelle la fille de Taos, Laurence Bourdil, lisait des extraits de textes des invités.
La chanson « Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ » est le premier titre de l’album « Taos Amrouche best-of » dont la transcription et la piste audio vous sont proposés ci-après. Le premier quatrain dit à peu près ceci :
Allez viens suis-moi pour partir
Ô Jeune fille aux pas de perdrix
Allez viens suis-moi pour partir
Nous partons changer de pays.
Une Harraga de première, en somme !
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
A taqcict am tsekkurt
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Ad nruḥ ad nbeddel tamurt
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Seg taddart ad nekk luḍa
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Ad lesbaḥ deg laɛwina
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Iya-d ma ad nerkeb tura
Iya-d ma ad tedduḍ ad nruḥ
Ad nesbaḥ deg Ԑennaba
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
A Marie Marie ya Marie
Iruḥ wayla-w yeğğa-yi
Kacem Madani
(*) Biographie reprise de Wikipedia