25 novembre 2024
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Tchad : Idriss Déby, autocrate soutenu par la France

PORTRAIT

Tchad : Idriss Déby, autocrate soutenu par la France

Il a troqué son boubou pour une cape de soie bleu nuit brodée de feuilles de chêne en fil d’or, bâton « modèle Empire » en main: le 11 août, le président autocrate tchadien Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, est élevé au rang de maréchal.

Chevillé à son pouvoir absolutiste, l’homme se réinvente un destin pour demeurer au pouvoir. Idriss Déby ne souffre aucune opposition. Son titre de maréchal se veut un moyen de s’élever au-dessus du Tchad.

La cérémonie d’élévation au rang de maréchal est surannée. Elle se veut une consécration absolue pour ce fils d’éleveur modeste qui se présente encore à l’envi, à 68 ans, comme un « guerrier ».

C’est cette image, façonnée depuis ses premières armes aux côtés de Hissène Habré – qui prend le pouvoir en 1982 – jusqu’au treillis qu’il enfile volontiers encore aujourd’hui, qui lui vaut un soutien quasi unanime de la communauté internationale, malgré un bilan très critiqué en matière de droits humains.

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Commandant en chef de l’armée sous un Habré qui sera condamné en 2016 pour crimes contre l’humanité, Idriss Déby renverse le dictateur en 1990, les armes à la main. Grâce, déjà, au soutien de la France.

Aujourd’hui, ce président décrit comme tantôt affable et à l’écoute, tantôt colérique et intraitable, veut rempiler pour un sixième mandat. Il a toutes les chances de le remporter, comme les cinq précédents scrutins, en muselant et en empêchant l’opposition de manifester.

Intimidation et népotisme

Il exerce un pouvoir sans partage. « En colère, il fait un peu peur », commente un syndicaliste.

Son régime est régulièrement accusé par les ONG internationales de violer les droits humains. Ce fut le cas notamment dans les années 1990 quand sa « Garde républicaine » et sa police politique étaient accusées de tuer à grande échelle.

Aujourd’hui, les méthodes sont moins brutales. Mais, s’il laisse certains de ses opposants s’exprimer relativement librement, ses services veillent consciencieusement à ne pas laisser la critique gagner la rue, par des interpellations ciblées et en interdisant tout rassemblement politique, comme ces derniers jours. Sans jamais provoquer de réactions outrées dans les capitales occidentales.

Mais c’est au sein du pouvoir qu’il règne plus volontiers par l' »intimidation » et le népotisme, selon ses détracteurs.

Il place sa famille ou des proches à des postes-clés de l’armée, de l’appareil d’Etat ou économique, et ne laisse jamais les autres longtemps en place. Dix-sept Premiers ministres se sont succédé entre 1991 et 2018, avant que M. Déby ne fasse supprimer cette fonction pour ravir toutes les prérogatives de l’exécutif.

« Il a une grande capacité d’écoute et de synthèse », argumente un proche collaborateur, qui requiert toutefois l’anonymat.

« Tout est centralisé à la présidence, il use de toutes les armes du pouvoir absolu en brutalisant la société », avance Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.

Le maréchal ne veut tout simplement pas renoncer au pouvoir avant sa mort, se désintéresse de sa succession et après lui le déluge, résume en substance Mahamat Nour Ahmed, secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’Homme.

C’est grâce à l’armée que ce militaire de carrière, passé par l’Ecole de guerre en France, a assis son pouvoir. Encadrée essentiellement par des officiers de son ethnie zaghawa et commandée par ses proches, elle est considérée comme l’une des meilleures de la région. « Le budget de la défense engloutit 30 à 40 % du budget national », selon l’ONG International Crisis Group (ICG).

Soutien français

Malgré cela, Idriss Déby a manqué de chuter au moins par deux fois. En 2008, des rebelles l’encerclent dans son palais, il s’en sort grâce à l’aide décisive de l’armée française. Laquelle intervient encore en 2019 en bombardant une imposante colonne rebelle qui progresse vers N’Djamena.

Mais c’est en tenant bon gré mal gré son pays, entouré d’États aussi faillis que la Libye, la Centrafrique ou le Soudan, que M. Déby apparaît comme l’élément stabilisateur d’une région tourmentée.

En 2013, il envoie ses soldats combattre les jihadistes au Mali aux côtés des militaires français des opérations Serval, puis Barkhane. L’armée tchadienne fournit aux Casques bleus de l’ONU au Mali l’un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad).

Mais le pays paye un lourd tribut à la lutte contre les jihadistes. Le groupe nigérian Boko Haram multiplie les attaques meurtrières autour du lac Tchad, contraignant M. Déby à remettre le treillis pour mener lui-même –au moins devant les médias– une contre-offensive jusqu’en territoire nigérian en mars-avril 2020.

L' »ami encombrant de la France » et des Occidentaux, comme le qualifient nombre d’experts de la région, a donc su se rendre indispensable à leurs yeux contre les jihadistes.

Mais sur le front social et économique, ses détracteurs accusent le « guerrier » d’avoir été un piètre combattant en 30 ans.

Le Tchad, pourtant producteur de pétrole, est le 187e pays sur 189 au classement de l’indice de développement humain (IDH) de l’ONU.

Auteur
Avec AFP

 




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