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Tchad : oppositions et junte se retrouvent pour dialoguer

 

Au Tchad, le dialogue national inclusif et souverain (DNIS) doit s’ouvrir samedi au palais du 15-Janvier de Ndjamena. Retour sur le programme de ce grand dialogue très attendu.

Est-ce une nouvelle page qui s’ouvre au Tchad après trois décennies de dictature Déby ? Trop tôt pour le dire. Mais tout porte à croire qu’une grosse partie de l’opposition et le régime sont en passe d’enterrer la hache de guerre pour des séquences de dialogue. Rien n’est simple néanmoins.

La journée de demain sera entièrement consacrée à la cérémonie d’ouverture du DNIS. L’événement commencera à 10h, heure locale, par l’arrivée du président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby Itno. Peu après devrait s’effectuer l’inauguration de la statue de la Paix, du Pardon et de la Réconciliation, déjà installée sur l’esplanade du palais et actuellement recouverte d’une bâche bleue.

Ensuite vont se succéder des discours d’officiels. Selon le président du comité technique du comité d’organisation du dialogue, Njelgotar Armand, des interventions du maire de Ndjamena, Ali Haroun, et du président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, ne sont pas exclues. Enfin, c’est le chef de l’État, Mahamat Idriss Déby Itno, qui devrait conclure cette première partie par son discours. Tout cela en présence de représentants d’instances régionales, dont la Cemac, la Banque africaine de développement et la Banque des États d’Afrique centrale. L’après-midi sera principalement dédié à des spectacles, pour présenter la diversité culturelle du Tchad.

Les organisateurs utiliseront ensuite la journée de dimanche pour préparer la grande salle du palais au début effectif du dialogue le lundi. Un règlement intérieur sera adopté, nécessaire pour la mise en place d’un présidium.

Entre 21 et 30 jours de dialogue

La durée du dialogue est fixée à 21 jours, 30 jours maximum d’après les organisateurs, pendant lesquels les autorités tchadiennes pour s’entretenir ouvertement avec les groupes politico-militaires. Plusieurs chefs de ces groupes sont arrivés à Ndjamena ces derniers jours. Ils sont des dizaines de leaders, tous signataires de l’accord de paix conclu en début de semaine dernière à Doha au Qatar.

Parmi eux, on peut surtout noter la présence de Mahamat Nouri, chef de l’UFDD, et de Timan Erdimi de l’UFR. Les deux figures de la rébellion tchadienne sont rentrées à Ndjamena jeudi après plus de 15 ans d’exil. Ils ont été accueillis à l’aéroport par une foule de proches et de sympathisants. Tous deux appellent à un vrai dialogue qui instaurera définitivement la paix dans le pays.

Les opposants Timan Erdimiet et Mahamat Nouri rentrent au Tchad

Malgré tout, tout le monde ne se félicite pas de la tenue de ce dialogue national. Une vingtaine de mouvements rebelles n’ont pas signé l’accord de Doha, notamment le Fact, qui a lancé une offensive ayant conduit à la mort de l’ancien président Idriss Déby Itno en 2021.

Des organisations de la société civile et des partis d’opposition dénoncent également la configuration du dialogue. La plateforme Wakit Tama le décrit comme non inclusif, avec un nombre de participants principalement acquis à la junte au pouvoir. Wakit Tama avait d’ailleurs appelé à manifester aujourd’hui. Une mobilisation interdite par les autorités et qui s’est limitée à quelques actions sporadiques et des pneus brûlés dans la capitale.

Dès le lendemain de la mort du maréchal Idriss Déby Itno, le conseil militaire de transition dirigé par son fils, s’est engagé à organiser une transition. Le processus doit mener à des élections libres et transparentes qui permettront de remettre le pouvoir à un civil. Du coup, le système politique tchadien s’est recomposé en deux camps.

D’un côté, ceux qui soutiennent le gouvernement de transition. Dans ce groupe, on retrouve des opposants à Déby père comme Saleh Kebzabo ou Mahamat Ahmat Alhabo. Pour ces derniers, il faut aider les militaires à créer les conditions d’une réconciliation entre les filles et fils du Tchad.

Ceux qui s’opposent au nouveau régime n’ont, de leur côté, eu de cesse de réclamer la révision de la charte de transition pour la rendre plus démocratique. Ils demandent aussi la révision des conditions d’organisation du dialogue pour permettre à plus de sensibilités de s’exprimer. Ce groupe, composé en majorité des membres de la coalition Wakit Tamma, a été rejoint dans ses revendications par les mouvements rebelles qui ont refusé de signer l’accord de Doha le 8 août dernier. C’est cette composante de la société tchadienne qui ne sera pas présente aux assises qui s’ouvrent ce samedi matin.

Les drapeaux bleu-jaune-rouge ont fleuri le long de la rue de 40 mètres, menant au palais du 15-Janvier où doit se tenir le dialogue national.

Devant sa boutique de chaussures, Haroune, tout sourire, attend beaucoup de ce grand rendez-vous. Il explique que l’économie va mal, que le pays est, dit-il gangréné par la corruption. Et espère que tout va changer avec le dialogue.

Mais à côté de lui, peu de commerçants partagent son enthousiasme. Les préoccupations du quotidien prennent le pas sur les débats politiques.

À commencer par le prix des denrées alimentaires sur les marchés de la capitale. Le kilo de farine de mil se négocie à 800 francs CFA contre 500 francs CFA il y a quelques semaines. Le prix du sac de sucre a lui augmenté de près de 30%.

Autre préoccupation pour les ménages tchadiens : le gaz domestique, devenu presque introuvable et les inondations. À chaque pluie, des quartiers se retrouvent les pieds dans l’eau et des maisons menacent de s’écrouler. Au moins 22 personnes ont été tuées depuis juin au Tchad à cause des pluies diluviennes et plus de 110 000 sont sinistrées, selon un rapport de l’ONU.

Avec RFI

 

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