Ceux qui militent pour la liberté meurent. Ceux qui ne militent pas pour la liberté donnent des leçons de liberté aux autres. Ceux qui ne donnent pas de leçons de liberté aux autres regardent les autres se faire emprisonner.
Ceux qui ne regardent pas les autres se faire emprisonner font de la politique. Et ceux qui ne font pas de politique, la politique s’occupe d’eux. C’est un peu comme cela, avec quelques approximations teintées de faux espoirs et de volonté molle, que nous avons tous appris à ne pas faire de la politique.
Pourquoi faire de la politique ? C’est une arme que seuls les militaires savent manier, avec autant de dextérité à la détente que de calme et de zénitude dans le choix de la cible du moment. C’est au grès d’un calendrier politique totalement innocent et impromptu que la politique s’invite dans nos maisons.
C’est souvent au moment où se produit un glissement de munitions, d’un clan à un autre, et que les étals du marché se vident en même temps que les mosquées se remplissent, que la politique s’opère, sans que l’on soit un tant soit peu anesthésié.
C’est d’ailleurs une opération à haut risque, qui demande à être tout le temps derrière le président, à lui passer les ciseaux au moment de couper le ruban, à lui chuchoter à l’oreille combien il est efficace quand ils parlent aux journalistes et que ces derniers, mus par le devoir de mensonge, s’adressent à nous, pour nous dire oh combien la politique est une chose assez sérieuse pour ne pas la laisser entre les mains des civils.
Khaled Nezzar règle ses comptes et dément tout contact avec le pouvoir
Alors qui mieux que Saïd Chanegriha pour faire de la politique ? Avant lui, il y a eu toujours des généraux décideurs qui chuchotaient à l’oreille des présidents. Le seul qui parlait à la cantonade, c’est Khaled Nezzar. Lui, au moins, il a toujours assumé avoir décidé de ce qui était bon pour lui et pour ses amis. Maintenant qu’il est mort, il n’a plus besoin de dire, les autres continuent de le faire. Ils continuent à nous parler en parlant entre eux, tout en jouant à la chaise musicale. Pour chaque dignitaire limogé, traqué, voire emprisonné, une chaise sur mesure est à combler.
Et comme il y a autant de chaises vides à combler que d’infinies indépendances à arracher, les batailles idéologiques ne sont plus que des batailles sémantiques. Tant que Saïd Chanegriha s’occupe de la politique, Tebboune peut continuer à habiller docilement la chaise qu’on a bien voulu lui assigner. Il sait qu’à un moment ou un autre, de façon aussi impromptue que mouvementée, lorsque tous les clans ne seront qu’un seul clan monolithique, il devra quitter la ronde, s’il ne veut pas que la ronde des généraux qui l’ont désigné le quitte.
Mais Tebboune sait qu’il n’est pas bon à la chaise musicale, encore moins à la marelle, où il faut savoir compter, viser et sauter. Il ne prendra pas le risque de perdre en cours de route celui qui va l’avoir désigné pour surjouer le rôle auquel il n’a jamais concouru. Comme il veut avoir tous les avantages de la politique sans aucun de ses inconvénients, Tebboune a décidé qu’il ne sera pas le candidat à sa propre succession. Dans l’isoloir où il se rendra accompagné de Chanegriha, il saura choisir, consciencieusement, son futur président!
Mohand Ouabdelkader