La présidence a tranché. Rachid Hachichi, désormais ex-PDG de Sonatrach, a été démis de ses fonctions et remplacé par Noureddine Daoudi, un cadre chevronné du secteur énergétique, ancien patron de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (ALNAFT).
La cérémonie d’installation, présidée dimanche par le ministre d’État chargé des Hydrocarbures et des Mines, Mohamed Arkab, vient clore une séquence dont le scénario semblait écrit d’avance. La fin du désormais ex-PDG était déjà écrit depuis plusieurs jours.
Avant d’être limogé, Hachichi avait en effet été livré à la vindicte médiatique à travers une série d’articles courageusement non signés publiés dans Le Soir d’Algérie et El Khabar. Ces textes, critiques et parfois injurieux, remettaient en cause sa compétence et sa gestion à la tête de « la locomotive de l’économie nationale ».
Dans les milieux informés, cette offensive médiatique a été interprétée comme une campagne commanditée depuis l’intérieur même de la présidence, destinée à préparer l’opinion à sa mise à l’écart. Comme s’il fallait tout ça pour ça. En vrai, il fallait humilier Hachichi avant de le renvoyer. A quoi bon ? Allez savoir, hormis que le système Tebboune passe désormais pour un maître en la matière.
Une valse managériale qui en dit long
La nomination de Noureddine Daoudi, saluée par Arkab comme un « choix d’expérience et de compétence », s’inscrit dans une longue série de changements à la tête de Sonatrach. En dix ans, plus d’une dizaine de PDG se sont succédé, souvent emportés par des rivalités internes, des luttes d’influence ou des arbitrages politiques opaques.
Ce turnover étourdissant qui rappelle celui qui a touché la DGSI fragilise la vision stratégique de la compagnie et accentue le sentiment que Sonatrach demeure un instrument de pouvoir autant qu’un acteur économique.
Le hic : un contrat historique suivi d’un limogeage brutal
Le hic — car il y a un vrai hic — c’est qu’aucune explication officielle n’a été donnée sur les raisons de ce limogeage, survenu à peine quelques jours après la signature d’un accord majeur entre Sonatrach et Midad Energy, filiale du groupe pétrolier saoudien Al-Fozan Holding.
Active dans plusieurs segments du secteur énergétique, la société saoudienne venait de conclure avec Sonatrach le plus important contrat gazier de type “partage de production” de l’histoire du pays, pour un montant d’investissement estimé à 5,4 milliards de dollars, dans la wilaya d’Illizi.
Un tel enchaînement — une signature suivie d’une éviction brutale — ne peut qu’alimenter les interrogations. Faut-il y voir un désaccord stratégique au sommet de l’État ? Une entourloupe dans ce contrat présenté comme historique ?! Une contestation du contenu du contrat ? Ou, plus simplement, une lutte d’influences autour de la manne énergétique ?
Autant de questions laissées sans réponse, mais qui rappellent que dans l’Algérie de Tebboune, la rationalité économique reste souvent subordonnée à la logique du pouvoir. Voire à des humeurs erratiques d’un chef d’Etat sans boussole économique et politique.
La façade des “grandes priorités”
Officiellement, le ministre Arkab a exposé une feuille de route ambitieuse : renforcer la production gazière, développer la pétrochimie, augmenter la valeur ajoutée nationale et ouvrir de nouveaux partenariats avec des majors comme Chevron ou ExxonMobil. Des sociétés américaines, comme pour plaire à la Maison Blanche !!! Des objectifs récurrents, déjà promis à plusieurs reprises par ses prédécesseurs, et dont la réalisation reste hypothétique tant que la gouvernance du secteur demeure soumise à des calculs politiques.
Dans ses premiers mots, Noureddine Daoudi a salué la confiance des hautes autorités et promis de répondre aux “grandes aspirations du pays”. Un ton mesuré, institutionnel, qui laisse entrevoir une transition sous haute surveillance plus qu’une rupture réelle.
Quant à Rachid Hachichi, il quitte la scène sans mot dire — remercié pour ses “efforts” par un ministre qui n’a pas cherché à le défendre quand la presse le livrait en pâture.
Ainsi s’achève un épisode qui, au-delà de la façade technique, révèle une constante du système : dans le secteur des hydrocarbures comme ailleurs, le sort des dirigeants se joue moins sur leurs résultats que sur leur degré d’utilité politique. Un destin que devrait méditer tout hiérarque du régime.
Samia Naït Iqbal

