Vendredi 14 août 2020
Tiferdoud : un exemple, une solution, une démonstration s’il le faut
Ce petit village perché à 1197 mètres d’altitude, qui, ces dernières années a quelque peu redonné l’espoir à cette jeunesse avide de vivre son âge, libérer son trop plein d’énergie comme toute celle de l’univers civilisé, et d’en finir surtout avec cette sinistrose ambiance.
Par ses réalisations, œuvre solidaire de ses seuls citoyens, qu’elles soient écologique, culturelles, qu’infrastructurelles sportives ou autres lieux de détente à l’image de ces jardins d’enfants, salles des fêtes, de danse, de musique, médiathèque, bibliothèque etc.
Et de par ces festivités estivales, multiculturelles, particulièrement celle du Festival Racont’Arts, qui avaient vu des multitudes de comédiens, chanteurs, troubadours jongleurs et autres groupes de musiques toutes tendances confondues, à l’exemple de ces gnawa, jazzmans, kabyles, français, chawis, Alaoui, raï etc.
De ces créateurs artistes peintres qui avaient par leurs talents agrémentés les murs du village de leurs œuvres et partagé leur art, pour le bonheur de cette population et touristes de toutes les régions d’Algérie, et même de l’étranger avide de cette culture universelle, celle qui prône le savoir et l’intelligence.
D’après le Comité du village pour la seule période du Festival Racont’Arts soit une semaine, ce minuscule village a reçu environ 200.000 visiteurs.
Ce village d’Igawawen est le plus haut de Kabylie, situé aux pieds de cette célèbre montagne du Djurdjura (Mons Ferratus), et de cette néanmoins renommée commune N’ath Vu Youssef, ex-Michelet.
Un village, comme j’ai tendance à trop le répéter, qui est si près du ciel, mais bien loin de ses bienfaits, qui a néanmoins engendré depuis la nuit des temps une descendance ; tels ces Quinquegentiens, Circoncellions, ces Saints et Justes comme qualifiés par une certaine église révolutionnaire, ou tous ces résistants à travers les siècles, mais surtout ces bâtisseurs, ces audacieux novateurs ; aussi dure et résistante que ces rochers sur lesquels s’est élevé sa cité.
Une région des plus pauvre d’Algérie, rocailleuse, aride, dépourvue de tout, ou rien ne semble pousser, sinon l’arboriculture, et ce, grâce à cette inébranlable volonté de ses habitants à la maintenir vivace quelques seraient les aléas naturels ou autres fâcheux événements ayants eu à parcourir le pays, et à surtout la rendre attractive ne serait que pour sa très nombreuse diaspora et présentement à ces touristes ébaubis.
Mieux, dans cet esprit citoyen, solidaire qui a de toujours présidé à leurs comportements et à la prise de décision, et pour êtres aussi à la hauteur des attentes, les Tiferdoudiens avaient réalisé des prodiges ; et ce, pour êtres imprégnés et héritiers de ces valeurs anciennes sur lesquelles ils veillent jalousement pour les pérenniser, afin d’administrer leur village démocratiquement, solidairement, et en phase avec la modernité.
Faut-il rappeler que cette république citoyenne, égalitaire et laïque ; ‘’dite primitive’’, du village kabyle est contemporaine de celle de la Grèce antique.
Aucun citoyen n’est au dessus des lois ou de l’autre, quels que serait son statut ou fortune.
Les premiers chercheurs français venus en Kabylie vers 1861 s’enquérir sur la façon de vivre et de se mouvoir, mais surtout sur l’organisation de cette poignée d’individus qui leurs ont donné du fil à retordre lors de leur conquête (ce minuscule coin d’Algérie qui se trouve n’être qu’à 147 kilomètres d’Alger n’a été conquis réellement par les français, et ils furent les premiers à le faire, que 42 ans après la capitulation totale des Turcs) ; ont été ébahis par ce qu’ils allaient découvrir chez ces ‘semi-barbares’ ou qualifiés de tels par certains de leurs briscards.
Ils ont découvert une gouvernance, je les cite : « de rêve des utopistes » et de conclure : « l’organisation politique et administrative du peuple kabyle est une des plus démocratique et en même temps des plus simples qu’ils puissent imaginer ; jamais peut-être, le système self-government n’a été mis en pratique d’une manière aussi complète », et plus loin :
« L’idéal d’un gouvernement juste et bon marché, dont les philosophes cherchent encore la formule à travers mille utopies », et de poursuivre : « il est la conséquence naturelle de l’esprit d’association et de solidarité ».
Tiferdoud est un village d’environ deux milles habitants dont les deux tiers vivent dans les villes algériennes ou à l’étranger, laborieux ; ils sont professeurs, médecins, avocats, ingénieurs diplômés des grandes écoles, anthropologues, etc. à Alger, Paris, Londres, Montréal ou New York.
Il est toujours gouverné par ‘Thajmaath’ ou comité du village démocratiquement élu par les citoyens résidants et dont l’autorité s’étend même à sa diaspora.
Tiferdoud intra-muros, est la survivance de cet idéal républicain fait de laïcité, de la tolérance et du vivre ensemble, et pour cause ; les islamistes ou réputés tels, les athées, ces néo-chrétiens dont le nombre ne cesse d’augmenter, vivent en harmonie et dans le respect mutuel.
Et, jamais et au plus fort du règne de l’intégrisme par ailleurs, et grâce surtout à cet esprit laïc qui a de toujours présidé aux rapports entre les villageois il n’y avait eu d’incident à déplorer aussi minime serait-il.
Sinon de pleurer et d’enregistrer malheureusement que la première victime des islamistes intégristes à Alger, était issue du village de Tiferdoud ; en l’occurrence feu Kamel Amzal, cet inénarrable martyr, héros de la démocratie, de la laïcité et du devoir.
Dans ce monde de tous les extrêmes et des intolérances ; Tiferdoud qui par ses actes et à travers ces concours régionaux a fait l’unanimité autour de son œuvre et ses réalisations ; et il devra par conséquent servir d’exemple, ne serait que pour tous ces villages qui à un moment de leur histoire avaient eu à se gérer de la même façon.
La solution, s’il le faut, pour faire renaître toutes ces valeurs citoyennes, démocratiques, laïques et de tolérance serait dans la multiplicité de cette façon d’agir, c’est-à-dire en réhabilitant ce valeureux et ancien procédé de la gestion de la cité.