À Tunis, la journée nationale de la femme, célébrée chaque 13 août depuis 1956, s’est transformée cette année en véritable journée de contestation. Au lieu des traditionnelles cérémonies officielles, militantes, syndicalistes, membres d’associations et représentants de partis progressistes se sont mobilisés sur l’avenue Habib Bourguiba, haut lieu symbolique des luttes sociales et politiques en Tunisie.
L’appel venait de Mousawat, branche féminine du Parti des travailleurs, qui souhaitait marquer cette date par un message clair : il ne s’agit plus de fêter, mais de résister face à la dégradation inquiétante des droits et des conditions de vie des Tunisiennes.
Le secrétaire général du Parti des travailleurs, Hamma Hammami, figure historique de l’opposition, a vivement dénoncé « une hausse sans précédent du nombre de prisonnières politiques, pire qu’à l’époque de Bourguiba et Ben Ali ».
Selon lui, les Tunisiennes sont aujourd’hui parmi les plus exposées au chômage, à la précarité, aux violences physiques et psychologiques, ainsi qu’aux féminicides. Hamma Hammami a appelé à une révision du Code du statut personnel de 1956, texte fondateur des droits civils des femmes tunisiennes, afin de renforcer et non d’amoindrir ces acquis. Il estime que le pays, sous la présidence de Kaïs Saïed, recule dans tous les domaines : libertés, droits économiques, justice sociale.
Dans un communiqué publié à l’occasion de cette mobilisation, Mousawat a dressé un constat sévère : après plus de cinq années de présidence Kaïs Saïed, la Tunisie fait face à une « crise globale », menaçant d’effondrement économique, d’explosion sociale et de divisions politiques profondes.
L’organisation accuse le pouvoir d’encourager ou de tolérer des campagnes rétrogrades visant à remettre en question des avancées historiques comme l’interdiction de la polygamie, les conditions du divorce, la garde des enfants et le droit à la pension alimentaire. La mobilisation ne s’est pas limitée au Parti des travailleurs. Un collectif large, rassemblant associations féministes, syndicats et partis progressistes, a publié un appel commun.
Pour ses signataires, le 13 août ne peut plus être une fête symbolique, mais doit devenir une « journée de lutte » contre la répression, les restrictions des libertés et la crise multidimensionnelle qui secoue le pays depuis le 25 juillet 2021. Dans un contexte où le pouvoir central concentre de plus en plus les décisions, les militantes redoutent un retour en arrière sur des droits acquis de haute lutte depuis près de sept décennies.
Mourad Benyahia