La justice tunisienne a condamné Abir Moussi, présidente du Parti constitutionnel libre, à douze ans de prison dans le cadre de l’affaire dite du « bureau du greffe ». Cette décision a immédiatement suscité de vives réactions dans le pays, opposants politiques, associations et acteurs de la société civile dénonçant un jugement « injuste » et motivé politiquement.
Abir Moussi avait été arrêtée le 3 octobre 2023 alors qu’elle se rendait au bureau du greffe de la présidence pour déposer des recours contre des décisions présidentielles. Elle est accusée, selon le code pénal tunisien, d’avoir tenté de « modifier l’organisation de l’État » et d’inciter à des affrontements violents. Son assistante, Mariem Sassi, a écopé de deux ans de prison dans la même affaire.
Le Front du Salut, coalition politique de l’opposition, a dénoncé une procédure « arbitraire » et un « contrôle du pouvoir exécutif sur la justice », appelant à une mobilisation générale pour défendre les libertés et l’indépendance du système judiciaire. Pour le porte-parole du Parti républicain, Wissam Al-Saghir, « défendre les droits et les libertés ne doit jamais être sélectif. Accepter l’injustice aujourd’hui envers un opposant, c’est ouvrir la porte à ce que tous puissent être frappés demain ».
De son côté, le Courant démocratique a critiqué « la transformation d’une simple démarche administrative en accusation grave », dénonçant ce qu’il considère comme un détournement de la justice à des fins politiques. Plusieurs juristes et universitaires jugent l’affaire exemplaire d’« abus de procédure et de manipulation du droit » et estiment qu’elle servira de référence pour étudier les dérives judiciaires dans le pays.
Les organisations de défense des droits humains, dont « Taqatu’ pour les droits et libertés », ont alerté sur le « climat de répression » et le recours croissant à des procès politiques pour faire taire les voix critiques. Elles appellent à une réaction collective de la société civile et des partis politiques afin de protéger les droits fondamentaux, en particulier la liberté d’expression, garantie par la Constitution et les conventions internationales.
Ce jugement s’inscrit dans un contexte de restriction accrue des libertés en Tunisie, marqué par la multiplication des arrestations et poursuites contre les opposants et les militants, selon plusieurs organisations nationales et internationales de défense des droits humains.
Mourad Benyahia

