dimanche, 26 octobre 2025
Accueil360°Tunisie : l’affaire Abir Moussi renvoyée, Amnesty dénonce une "détention arbitraire"

Tunisie : l’affaire Abir Moussi renvoyée, Amnesty dénonce une « détention arbitraire »

Date :

Dans la même catégorie

spot_imgspot_img
- Advertisement -

Le dossier judiciaire de la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, continue d’alimenter la controverse à Tunis. Vendredi soir, la chambre criminelle du tribunal de première instance a décidé de reporter l’examen de son affaire dite du “Bureau d’ordre” au 14 novembre 2025, sans statuer sur son statut juridique. Une décision qui, pour ses avocats, prolonge une situation d’arbitraire déjà dénoncée par plusieurs ONG, dont Amnesty International.

En vrai, sous le régime autocratique de Kaïs Essaïed, on commence à s’habituer à ces revirements administratifs et à l’arbitraire ordinaire d’une justice aux ordres.

L’un de ses défenseurs, Naef El-Aribi, a indiqué que la cour n’a pris “aucune décision relative à sa position légale, entre détention et liberté provisoire”, alors que la validité des mandats d’incarcération émis contre elle serait arrivée à expiration. Selon lui, “aucun jugement définitif exécutoire ne justifie son maintien en prison”.

Deux ans de détention et une accusation politique

Arrêtée le 3 octobre 2023 alors qu’elle tentait de déposer un recours contre des décrets présidentiels au bureau d’ordre de la présidence, Abir Moussi est depuis détenue dans des conditions dénoncées comme illégales. Elle est poursuivie sous le chef d’accusation d’“atteinte à la sûreté de l’État” sur la base de l’article 72 du code pénal tunisien — un texte prévoyant la peine de mort pour toute tentative de “changer la forme du gouvernement” ou “provoquer les citoyens à s’attaquer les uns les autres”.

Cette qualification, jugée “extrêmement grave” par ses soutiens, repose selon eux sur un acte politique pacifique, assimilé à un crime d’État. Son parti, le PDL, issu de la tradition bourguibiste, s’est imposé ces dernières années comme l’un des principaux opposants au président Kaïs Saïed, notamment depuis la concentration de tous les pouvoirs entre ses mains à partir de juillet 2021.

ONG et juristes alertent sur la dérive autoritaire

Dans un communiqué publié le 24 octobre, Amnesty International Tunisie a exigé la libération immédiate d’Abir Moussi et l’annulation du jugement et des condamnations prononcées à son encontre. L’organisation estime que la militante “fait face à des accusations fabriquées en raison de son activité politique pacifique et de ses tentatives de contester les décrets présidentiels”. Elle rappelle que Moussi a déjà été condamnée à 40 mois de prison pour “atteinte à la sûreté publique”, une peine qualifiée d’“injuste” et “contradictoire avec le droit à la liberté d’expression”.

De son côté, l’association Intersection for Rights and Freedoms (تقاطع) dénonce une “multiplication des poursuites judiciaires” contre Moussi et une “violation systématique de ses droits fondamentaux”, notamment celui à un procès équitable et à la participation politique. Pour cette ONG, ces poursuites relèvent d’une stratégie visant à neutraliser les voix dissidentes dans le paysage politique tunisien.

Un signal inquiétant pour l’opposition tunisienne

L’affaire Moussi s’inscrit dans un climat de répression croissante en Tunisie. Plusieurs opposants, journalistes et syndicalistes ont été arrêtés depuis le début de l’année sous couvert de “complot contre la sûreté de l’État”. Des formations comme le Parti républicain ou le Courant démocratique dénoncent une instrumentalisation de la justice et appellent à des procès publics pour les détenus politiques.

Si Abir Moussi reste une figure controversée — accusée par certains de nostalgie autoritaire et de proximité avec l’ancien régime —, son incarcération prolongée sans jugement renforce les inquiétudes quant à l’état des libertés publiques dans le pays. “Cette affaire dépasse la seule personne d’Abir Moussi”, commente un avocat tunisien. “Elle traduit la peur du pouvoir face à toute forme d’opposition organisée.”

En attendant l’audience du 14 novembre, la dirigeante destourienne demeure privée de liberté depuis plus de deux ans, sans décision judiciaire définitive. Pour Amnesty et d’autres organisations de défense des droits humains, le cas Moussi devient emblématique du recul de l’État de droit en Tunisie — un pays où, dix ans après la révolution, la promesse démocratique semble s’éloigner chaque jour davantage.

Mourad Benyahia 

Dans la même catégorie

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici