La justice tunisienne a décidé vendredi de remettre en liberté Samir Sassi, journaliste du bureau local de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera, a indiqué à l’AFP son avocat Ayachi Hammami.
Un juge d’instruction au tribunal de l’Ariana, en banlieue de Tunis, a décidé la libération du journaliste Samir Sassi, a précisé l’avocat, sans être en mesure d’indiquer les raisons de son arrestation ni s’il reste poursuivi.
Selon des médias locaux, ce journaliste tunisien de 55 ans, proche du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, bête noire du président Kais Saied, avait été placé en garde à vue et faisait l’objet de soupçons d' »adhésion à un groupe terroriste ». Il y a quelques jours, Samir Sassi publiait un post sur les réseaux sociaux, où il expliquait pourquoi il refusait de soutenir son confrère, le journaliste Zied El Heni également visé par des poursuites. Samir Sassi a commencé par préciser qu’un journaliste n’est pas au-dessus des lois s’il viole l’éthique et commet une erreur en matière de droits publics et que « son expérience » lui permet de ne pas être solidaire avec 90% des journalistes, même s’il se contraint à soutenir « tout journaliste persécuté pour le bien de son travail journalistique, car le journalisme n’est pas un crime ». (…) « Je reviens à ma position personnelle. Les méchancetés que j’ai rencontrées de la part de nombreux acteurs du secteur me rassurent pour déclarer, en toute insolence, mon manque de solidarité, malgré les différents faits. Ils ont refusé de me soutenir en tant que journaliste alors qu’on m’a empêché de travailler et de bénéficier d’une carte professionnelle au motif que je suis islamiste. Zied El Heni m’a dit que le régime de Ben Ali n’a fait que se conformer à la loi (…) Le journalisme n’est pas un crime, mais beaucoup d’acteurs du secteur en Tunisie sont des criminels contre la presse et le pays » a-t-il poursuivi.
Samir Sassi avait été interpellé mercredi soir après une perquisition de son domicile par les forces de sécurité ainsi que la saisie de son ordinateur, son téléphone et ceux de sa femme et de ses enfants, selon le directeur du bureau d’Al Jazeera de Tunis, Lotfi Hajji.
« L’acharnement contre les journalistes en Tunisie est scandaleux et inquiétant. C’est de la pure intimidation », a déploré auprès de l’AFP Zied Dabbar, président du Syndicat des journalistes tunisiens (SNJT).
Le bureau d’Al Jazeera, chaîne télévisée basée au Qatar, est officiellement fermé depuis le coup de force par lequel le président Kais Saied s’est octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021. Aucune explication officielle n’avait été fournie pour cette fermeture et les journalistes de la chaîne ont été autorisés à continuer de travailler.
Le 1er janvier, un autre journaliste tunisien, Zied Heni, a été placé sous mandat de dépôt en attente d’un procès prévu le 10 janvier. Il est accusé d’avoir porté « atteinte à la personne » de la ministre du Commerce, Kalthoum Ben Rejeb, lors d’une émission radio qu’il anime régulièrement.
M. Heni est très connu depuis sa participation active à la Révolution qui a fait chuter le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011 et donné le coup d’envoi du Printemps arabe dans toute la région.
Une vingtaine de journalistes font actuellement l’objet de poursuites en Tunisie, dont deux sont en détention.
Fin juin, le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, avait fait part de « sa profonde inquiétude » face aux atteintes aux libertés en Tunisie, en particulier la liberté de la presse.
Avec AFP