14.9 C
Alger
AccueilCommuniquésTunisie : quand l’humanitaire devient une faute politique

Tunisie : quand l’humanitaire devient une faute politique

Date :

Dans la même catégorie

Algérie : entre lutte contre le terrorisme et criminalité organisée

Entre le 10 et le 16 décembre, l’armée nationale...

À Tizi Ouzou, « La Colline révoltée » filme la mémoire des villages en lutte

Dans le village de Mmniɛ, commune d’Iferhounène, à l’est...

Meskiana : trafic de psychotropes et malaise social

Trois jeunes individus ont été arrêtés, le 15 décembre...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

En Tunisie, l’affaire Shérifa Riahi dépasse largement le cadre d’un dossier judiciaire ordinaire. Elle s’inscrit dans une séquence politique où l’action humanitaire, autrefois reconnue comme un devoir civique et moral, est désormais traitée comme une menace potentielle pour l’État.

Présidente de l’association Tunisie Terre d’Asile, Shérifa Riahi est poursuivie dans un contexte lourd, marqué par une criminalisation croissante du travail associatif, en particulier lorsqu’il touche aux questions sensibles de la migration et de l’accueil des exilés africains. Les accusations portées contre elle – notamment liées au financement et à l’activité de son association – restent, à ce stade, des allégations. Pourtant, l’arsenal judiciaire déployé et la sévérité de la mesure de détention provisoire interrogent.

L’élément le plus troublant de cette affaire demeure son arrestation alors qu’elle se trouvait en congé de maternité, mère d’un nourrisson âgé de quelques semaines. Un fait que nul juridisme ne peut neutraliser. Car emprisonner une femme dans cette situation, ce n’est pas seulement priver une citoyenne de sa liberté avant jugement : c’est rompre un lien vital, suspendre la maternité au nom d’une logique de dissuasion qui dépasse la personne concernée.

Ce qui se joue ici n’est pas tant la culpabilité ou l’innocence d’une responsable associative – que seule une justice indépendante devrait établir – mais le message politique envoyé à l’ensemble du tissu civil tunisien. À travers Shérifa Riahi, ce sont les associations, les bénévoles, les militants humanitaires qui sont placés sous surveillance, sommés de se justifier, contraints de prouver qu’ils ne constituent pas un “État dans l’État”.

Depuis plusieurs mois, le discours officiel amalgame financement étranger, migration et complot contre la souveraineté nationale. Cette rhétorique, martelée au plus haut sommet de l’État, crée un climat où l’humanitaire devient suspect par nature, et où la solidarité est assimilée à une entreprise d’ingérence. Or, aucune société ne se renforce en transformant ses acteurs civiques en ennemis intérieurs.

Le recours quasi systématique à la détention préventive, devenu en Tunisie une forme de peine anticipée, achève de fragiliser la crédibilité du discours sur l’État de droit. La justice ne peut être perçue comme un instrument de régulation politique sans perdre son sens. Et lorsqu’elle oublie la proportionnalité, elle cesse d’être un rempart pour devenir un avertissement.

L’affaire Shérifa Riahi pose, au fond, une question simple et redoutable : que reste-t-il de l’idée même de justice quand l’intention humanitaire devient une circonstance aggravante ? En attendant une réponse claire, c’est toute une société qui observe, inquiète, le rétrécissement de l’espace civique et l’effacement progressif de l’humain derrière le sécuritaire.

Pour la Tunisie, ce dossier n’est pas anecdotique. Il est révélateur. Et il engage l’avenir.

Mourad Benyahia 

Dans la même catégorie

Algérie : entre lutte contre le terrorisme et criminalité organisée

Entre le 10 et le 16 décembre, l’armée nationale...

À Tizi Ouzou, « La Colline révoltée » filme la mémoire des villages en lutte

Dans le village de Mmniɛ, commune d’Iferhounène, à l’est...

Meskiana : trafic de psychotropes et malaise social

Trois jeunes individus ont été arrêtés, le 15 décembre...

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici