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Un athée vous souhaite sincèrement un bon Aïd

Mosquée de Hassan II

Image par Hans-Juergen Weinhardt de Pixabay

Ce n’est ni une provocation ni une insulte, bien au contraire. Je suis critique avec l’Islam du 7e siècle non réformé et ce qui en a été fait. Je suis en colère car personne n’exige cette réforme et ainsi ne peut se dédouaner de sa solidarité avec une partie du texte qui est absolument abominable envers les femmes, si je ne choisis que celle-là.

Une fête algérienne devrait être une fête de joie et de communion entre tous. C’est la raison pour laquelle je viens de la souhaiter sur un réseau social sans évoquer aucune réserve à ce sujet.

Nous serions enfin un peuple soudé si la laïcité et l’une de ses libertés, celle des cultes, étaient installées dans ce beau pays que j’aime et dont je fais partie.

C’est ainsi, contrairement à l’ouverture de mon texte, une provocation et une insulte à mon intelligence de me rétorquer que la constitution admet la liberté de culte. Vous me voyez prendre un verre à la terrasse d’un café dans quelque ville ou village que ce soit ?

En totale contradiction avec sa disposition précédente, la constitution décide que l’Islam est la religion officielle du pays. C’est une contrainte à la liberté que beaucoup de constitutions des démocraties dans le monde ont supprimé. Cela voudrait dire que notre choix d’athéisme nous exclut de la communauté officielle de l’Algérie.

Ce serait si simple autrement car les athées acceptent l’irrationnel qu’est une religion. Ils admettent sans aucune réserve que l’humanité ne peut être équilibrée avec seulement la rationalité. L’irrationalité est le propre de beaucoup d’êtres humains. Car même pour les athées, le rêve, l’espoir et les réflexions sont souvent des irrationalités car ils sont par nature hors de la réalité et ne sont pas sûrs de la rejoindre dans ses résultats.

C’est nous qui sommes exclus par la religion de la population algérienne car nous sommes exclus du lien avec elle. Pourquoi, nous aussi, ne serions-nous pas associés à la communion nationale autour d’un moment unificateur qu’est une fête nationale ?

Le premier novembre est colonisé par le tintamarre de l’armée et de la dictature. Il en est de même pour le 5 juillet et le 20 novembre. Pour les autres fêtes, elles sont entièrement dévouées à la religion.

Pourquoi sommes-nous exclus d’un moment de fête collective qui nous réunirait ? Pourquoi cet ostracisme et bannissement envers nous ? Nous refusons d’être embrigadés par une armée et une religion qui ne sont pas notre rationalité et qui nous obligent par une terreur à nous soumettre. Pourquoi ne fêterions-nous pas ensemble notre joie d’être une communauté unie sans autre référence obligatoire pour tous ?

Beaucoup de peuples dans le monde ont gardé le droit à la liberté spirituelle aux citoyens en permettant l’union d’une communauté nationale dans la fête et la fraternité.

Quels jours choisir ? Eh bien, c’est facile, gardons les mêmes dates que celles des commémorations nationales, comme celles de l’indépendance et celles des religions. Supprimons tout simplement la soumission aux militaires et celle de la religion non  réformée.

Beaucoup de pays démocratiques ont choisi cette option qui, en même temps, satisfait les croyants et les laïcs, comme la fête de Noël ou de Pacques. Que les uns célèbrent leur religion et que les autres rejoignent la fête sans une obligation spirituelle. Nous serions alors tous ensemble.

Nous serions si heureux et nous mangerions ensemble ce pauvre mouton qui sera sacrifié au nom de notre croyance pour les uns, celui du grand bonheur de se rassembler, pour les autres. 

Pour lui, c’est une exclusion jusqu’à la mort. C’est regrettable mais l’humain peut-il s’arrêter de se nourrir ? On lui exige juste de ne pas aller au-delà des besoins dans une orgie qui coute cher et qui fait gaspiller des centaines de tonnes de nourriture dans un pays où la cherté de la vie est déjà écrasante.

Et même cela les laïcs l’accepteraient car leur droit ne peut stigmatiser ceux des autres. Surtout que j’ai une immense et déraisonnable envie de côtelettes et d’abats. La gourmandise est irrationnelle, preuve qu’on peut tous s’entendre. 

En attendant, je souhaite un bon Aïd à tous. Notre pays est si beau et mérite notre effort collectif de rassemblement, les athées comme les croyants.

Bon, on peut tout de même rire sans irrespect de la chechia et des babouches, non ?

Boumediene Sid Lakhdar

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