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Une dizaine de candidats pour la mascarade présidentielle

Tebboune candidat

Tebboune candidat à sa propre succession risque d'entraîner le pays vers l'irréparable.

Une dizaine de personnalités ont déposé leur candidature jeudi en vue de l’élection présidentielle du 7 septembre en Algérie qui s’apprente à une énième mascarade puisque Tebboune est donné gagnant.

Sans grande surprise, Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, a annoncé le 11 juillet vouloir briguer un deuxième mandat. Il a remis son dossier en personne à l’autorité électorale Anie. « Je remercie tous ceux qui me soutiennent, les partis, les organisations et les citoyens », a-t-il déclaré. Puis d’ajouter avec un brin d’humilité qui ne trompe personne : « J’espère que l’autorité acceptera le dossier que je viens de déposer ».

Contre toute attente, Abdelmadjid Tebboune avait décidé en mars d’anticiper -de quatre mois- à début septembre l’organisation de la présidentielle dans le pays nord-africain de 45 millions d’habitants, riche en hydrocarbures et premier exportateur de gaz d’Afrique.

Il avait été intronisé en décembre 2019 à la tête de la présidence par Ahmed Gaïd Salah le tout sous couvert d’un scrutin à faible participation. Cette intronisation a eu lieu en plein manifestations populaires du Hirak.

Quelques mois auparavant, en avril 2019, alors que la rue algérienne grondait de colère contenue, Ahmed Gaïd Salah poussait un Abdelaziz Bouteflika démuni à renoncer à un 5e mandat et à démissionner. De fil en aiguille, il neutralisait le clan de Saïd Bouteflika qui voulait sa tête.

La séquence restera dans l’histoire. On y voyait l’homme qui avait régné 20 ans sans partage sur le pays en simple pyjama baragouiner quelques mots incompréhensibles à l’équipe de la télévision nationale dépêchée par le tout puissant général-major Ahmed Gaïd Salah pour immortaliser l’événement. Pathétique.

En décembre, alors même que les Algériens descendaient dans la rue par millions pour dénoncer cette « présidentielle » et réclamer un changement pacifique de régime, Gaïd Salah et ses pairs maintiennent ce simulacre de course à la présidentielle et installe Tebboune à El Mouradia. Bien entendu, si rien de semblable ne s’écrit dans la presse, ceci n’est pas un secret pour les Algériens.

Un scrutin vidé de sens

Aucun observateur censé ne croit que Tebboune va perdre cette échéance du 7 septembre. Comme à la belle époque de Bouteflika, Tebboune est d’ores et déjà assuré de l’appui de quatre formations politiques, connues pour être des relais de premier plan pour l’Etat profond : l’ancien parti unique FLN (Front de libération nationale) et le mouvement crypto-islamiste El Bina d’Abdelkader Bengrina, arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, le RND, El Moustakbel ainsi qu’une flopée d’organisations toutes affiliées et télécommandées par le régime.

Avec ça s’il reste du suspense… Si Louisa Hanoune, la patronne du PT a retiré sa candidature, Youcef Aouchiche, lui accepte de jouer les lièvres. Pourtant, Louisa Hanoune a de l’expérience en la matière, puisqu’elle a joué par le passé les seconds rôles dans des scrutins présidentiels sans surprise. Mais là, l’entourloupe est trop grosse s’est-elle dit.

https://lematindalgerie.com/presidentielle-youcef-aouchiche-candidat-du-ffs/Alors elle laisse le candidat du Front des forces socialistes (FFS) dont les dents raclent déjà le parquet pour participer à la mascarade la présidentielle. Tout imprégné de son rôle, Youcef Aouchiche a déploré un « climat peu propice à l’activité politique », se réjouissant d’avoir « surmonté de nombreux obstacles », lors d’une conférence de presse avant son dépôt de dossier. Ah si Aït Ahmed, Si Lhafidh Yaha et nombre de valeureux fondateurs du FFS pouvaient revenir et voir le sort fait à ce parti !

Une autre curiosité de cette mascarade est Saida Neghza, responsable d’une des plus grandes organisations patronales. Cette femme d’affaires au fait de la chose du sérail a souhaité que le « processus électoral se déroule dans un climat de transparence et d’intégrité, sans favoritisme aucun ». On croit rêver ! Elle a concédé que le « processus » pour « collecter le nombre de soutiens nécessaires » est « très difficile ».

50 000 signatures individuelles à réunir dans plusieurs wilayas : un sacré marathon que seuls les partis bien implantés ou les candidats soutenus par l’Etat profond sont capables de réaliser. Il reste Zoubida Assoul, avocate engagée dans la défense des libertés, qui pour le moment maintient sa candidature.

Femme du sérail, ancienne du Conseil national de transition dans les années 1990, Mme Assoul qui dirige un petit parti se voit un destin national, comme au demeurant beaucoup d’agitateurs qui se sont illustrés par des déclarations fracassantes pendant les manifestations du peuple avant de disparaître de l’actualité.

Pour se porter candidat, les prétendants devaient présenter une liste comportant au moins 600 signatures individuelles de membres élus de différentes assemblées et réparties à travers 29 wilayas ou bien une liste comportant a minima 50.000 signatures individuelles d’électeurs inscrits sur une liste électorale, avec au moins 1.200 signatures par wilaya.

Le président du principal parti islamiste, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abdelaali Hassani, a ouvert le bal des dépôts de dossiers, fort de « plus de 90.000 signatures de citoyens » et « de 2.200 élus », selon Ahmed Sadok, un responsable du MSP.

La liste des candidats retenus sera annoncée le 27 juillet et la Cour Constitutionnelle tranchera sur de possibles recours le 3 août.

Toute cette agitation a lieu pendant que les arrestations arbitraires de militants pacifiques continuent sans émouvoir nos courageux candidats. Les procès pour délit d »opinion est le pain noir de nombre d’activistes. Les interdictions de quitter le territoire nationale, de se réunir, de manifester, la censure,… le climat politique et des libertés est des plus exécrables. En février, Amnesty International a estimé que le pouvoir algérien continuait de « réprimer les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique », en « ciblant les voix critiques de la dissidence ». Plusieurs ONG de défense des droits humains rappellent le régime à ses dépassements quotidiens, en vain.

Alors, si la mascarade présidentielle du 7 septembre agite une poignée de figurants pour faire pièce à un Tebboune donné gagnant avant même d’annoncer sa candidature, les Algériens se préoccupent plus des problèmes d’eau, de chômage, de visa pour quitter le pays…

Sofiane Ayache

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