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Une gouvernance immobile et des ministres silencieux

Selon la une du journal El Khabar du 21 octobre 2024, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a récemment exhorté ses ministres à sortir de leur inertie. Cependant, dans la réalité algérienne, l’activité des ministres semble souvent se limiter à l’inauguration d’événements, de conférences ou de colloques liés à leurs secteurs respectifs.

Ces interventions, qui devraient être des moments privilégiés pour annoncer des réformes concrètes ou répondre aux urgences nationales, se transforment trop souvent en exercices de style dépourvus de contenu. Les discours deviennent des formalités, remplis de généralités et de formules convenues, laissant les citoyens et les professionnels frustrés par l’absence de solutions tangibles.

Prenons le secteur de l’éducation. Lors de l’ouverture de l’année scolaire, le ministre de l’Éducation nationale n’a même pas jugé utile de prononcer un discours, abandonnant enseignants et élèves sans directives claires. Pourtant, le système éducatif algérien fait face à des défis structurels : manque d’infrastructures, programmes inadéquats aux exigences du marché du travail, et taux élevé d’échec et d’abandon scolaire. Ces problèmes, cruciaux pour l’avenir du pays, n’ont pas été abordés, et aucune solution concrète n’a été proposée.

Le secteur de la justice n’offre pas un tableau plus reluisant. Souvent accusé d’être instrumentalisé pour régler des conflits politiques, il est critiqué pour l’usage abusif des interdictions de sortie du territoire national (ISTN). Ces mesures, prises parfois sans justification légale, restreignent la liberté de mouvement des activistes, journalistes et personnalités politiques. Ces abus, pourtant flagrants, sont systématiquement éludés dans les discours officiels, qui se contentent de rappeler des principes abstraits de l’État de droit sans jamais aborder les dysfonctionnements réels du système judiciaire.

Dans le secteur du commerce, la population subit une inflation galopante et des pénuries de produits essentiels. Néanmoins, le ministre responsable se focalise principalement sur la lutte contre la spéculation, sans proposer de mesures immédiates pour réguler les prix et garantir la disponibilité des biens de première nécessité. Les Algériens, confrontés à ces problèmes au quotidien, attendent des actions concrètes.

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Le secteur de la santé n’est pas épargné. Les inaugurations d’hôpitaux deviennent des occasions pour le ministre de vanter les infrastructures, occultant les problèmes chroniques tels que le manque de personnel médical, la mauvaise gestion des hôpitaux publics et les pénuries de médicaments. Ces problèmes sont pourtant des préoccupations majeures pour les citoyens et les professionnels de la santé, mais ils restent largement ignorés.

L’absence de dialogue avec les parties prenantes est un autre problème récurrent. Par exemple, dans le secteur de l’environnement, le ministre est souvent présent lors d’opérations de nettoyage des plages ou de campagnes de reboisement.

Cependant, les véritables enjeux environnementaux, tels que la gestion des déchets urbains, la pollution industrielle et la préservation des ressources en eau, sont rarement abordés. Ces événements pourraient pourtant être des occasions de dialogue direct avec les experts, associations écologistes et citoyens, mais cette opportunité est systématiquement manquée, renforçant le sentiment que le gouvernement est déconnecté des réalités du terrain.

Il est impossible de dissocier cette situation de la responsabilité du chef de l’État. En tant que garant de la cohérence de l’action gouvernementale, c’est à lui de fixer le cap, de corriger les dysfonctionnements, et de fournir à ses ministres les moyens d’agir. En tolérant cette routine bureaucratique, il contribue à l’immobilisme qui paralyse l’action publique.

Par une centralisation excessive du pouvoir de décision, il restreint la liberté d’action de ses ministres, les réduisant à de simples exécutants. Cela limite leur capacité à initier des réformes et à résoudre les problèmes concrets du pays.

Cette gouvernance hyper-centralisée empêche toute dynamique de changement et étouffe la créativité et l’innovation, pourtant essentielles pour relever les défis auxquels l’Algérie est confrontée. Plutôt que de permettre à ses ministres d’apporter leur expertise et de prendre des décisions adaptées aux réalités locales, le pouvoir central les enferme dans une logique protocolaire, ce qui nuit à la réactivité des politiques publiques.

Un ministre ne doit pas se limiter à la gestion administrative ou aux obligations protocolaires. Il doit être un leader et un visionnaire, capable d’anticiper les enjeux futurs et de mettre en œuvre des réformes structurelles.

Par exemple, en Norvège, le ministre de l’Énergie a joué un rôle clé dans la transition énergétique en adoptant des politiques ambitieuses pour réduire les émissions de carbone et promouvoir les énergies renouvelables.

De même, à Singapour, le ministre des Transports, Khaw Boon Wan, a supervisé des projets majeurs d’expansion et de modernisation du système de transport public, anticipant les besoins futurs. Ce type de leadership proactif, fondé sur une vision stratégique à long terme, est ce que les citoyens algériens attendent de leurs dirigeants.

Le chef de l’État doit donc créer un cadre qui encourage ce type de leadership, en offrant plus de liberté d’action aux ministres et en promouvant une véritable culture de responsabilité.

Chaque intervention publique d’un ministre devrait être une opportunité pour marquer les esprits, annoncer des réformes ou présenter des avancées concrètes. Cependant, ces moments sont souvent gâchés par des discours sans impact. L’absence d’initiatives audacieuses et la réticence à prendre des positions claires privent l’Algérie d’une dynamique de changement pourtant nécessaire.

Si les ministres se retrouvent dans l’incapacité d’agir, la responsabilité ultime incombe au chef de l’État. C’est à lui de redéfinir les priorités et de permettre à ses ministres de sortir de cette logique bureaucratique paralysante.

Certains pourraient arguer que les ministres sont eux-mêmes prisonniers d’un système rigide qui leur laisse peu de marge de manœuvre. Si tel est le cas, alors la démission s’impose comme une solution. Lorsqu’un ministre se sent incapable d’agir en raison de blocages institutionnels, la responsabilité et la dignité exigent qu’il renonce à son poste.

Démissionner serait un acte de courage, reconnaissant les limites d’un système figé et envoyant un signal fort sur la nécessité de réformes structurelles profondes. Cela permettrait l’arrivée de responsables plus aptes à instaurer les changements nécessaires.

Si les ministres ne peuvent plus ou ne veulent plus agir efficacement, la démission devient une voie honorable et nécessaire. Il est temps pour les responsables politiques algériens de sortir de cette routine stérile et d’ouvrir la voie à un véritable renouveau politique.

Mohcine Bellabas, ancien président du RCD

Tribune publiée sur le mur de l’auteur

2 Commentaires

  1. Tous les algériens auront remarqué que les ministres
    – et le premier ministre –
    sont parfaitement inutiles et ne servent à rien ….
    Et ils coûtent les yeux de la tête au Trésor Public.
    Tout passe par Tebboune
    qui lui-même reçoit les ordres
    – parfois contradictoires –
    du « Club des Décideurs ».
    Ce que font aujourd’hui les ministres,
    les Secrétaires Généraux pourraient parfaitement s’en charger
    (peut-être en mieux)
    et cela fera énormément d’économie.
    Quant aux ministres, seuls les avantages liés à la fonction les intéressent
    (et tous les profits annexes)
    sans oublier la retraite dorée du FSR.
    l’Algérie
    – assimilée a un vulgaire butin –
    est le dernier de leurs soucis.

  2. Un pouvoir hyper centralisé : c’est comme un pilote en perdition, il a beau actionner toutes manettes mais aucune ne répond.
    Au pays des ignares, la répression et l’inaction sont les deux mamelles de junte.
    Pauvre Algerie et le malheur des Algériens qui s’accentué.

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