Récemment, un ancien ministre, en l’occurence Abdelaziz Rahabi, aurait qualifié le soulèvement des Algériens d’opportunité historique. Très connaisseur des arcanes du système et observateur affiné de la scène politique depuis, au moins trente ans, l’homme ne saurait se tromper sur un événement d’une telle ampleur.

Où l’on peut trouver un peuple qui, au terme de 35 semaines de manifestations, se montre aussi battant que les premiers jours, quand il est sorti en masse contre le cinquième mandat ? Nulle part! Où l’on peut trouver un peuple aussi fécond en génie et en débrouillardise politique comme le nôtre, quand on voit l’élan de sympathie qui s’est enclenché dans toute la capitale au son des pilons, des klaxons, des youyous, en solidarité avec les détenus d’opinion incarcérés injustement dans les geôles algéroises ? Où l’on va trouver un peuple qui n’a rien cassé, rien sali, rien touché aux édifices publics ni aux biens de l’Etat, suscitant l’admiration de tant d’autres peuples de la planète? 

Les Algériens sont déterminés d’en finir, dans le calme et la paix, avec les métastases d’un système qui gangrène la totalité du corps social. Ils sont « dégoûtés » d’entendre les mêmes sornettes de la bouche de ceux qui, il y a seulement quelques mois auparavant, faisaient des pieds et des mains pour faire passer, au mépris de toute logique,  un candidat impotent au poste du président de la République sur un fauteuil roulant.

La réalité algérienne est, à vrai dire, si complexe que prétendre la cerner dans une chronique n’est que pur pédantisme. Qui aurait cru, à titre d’exemple, que tant d’officiels véreux seront jetés en prison,en si peu de temps, accusés publiquement de traîtres à la nation, au nom d’une justice rapidement « réformée » ? Et qui aurait cru qu’en même temps, ces officiels-là, côtoieront, pour certains d’entre eux, dans leurs cellules humides, des militants démocrates longtemps engagés contre  la dictature?

En un mot, qui veut gâcher la fête algérienne, en brouillant les cartes, après que le peuple ait découvert ceux qui l’ont « vraiment » trahi ? Ceux qui ont vidé les caisses de l’Etat pour leurs propres intérêts, ceux qui ont détourné le grand pactole de l’autoroute Est-Ouest, ceux qui ont monnayé les projets de Sonatrach contre des privilèges personnels, par le biais de contrats gré à gré fort juteux, ceux qui ont détruit l’école, la justice, notre système de santé, et envoyaient leur progéniture étudier et se soigner à l’étranger aux frais de la princesse alors que nos jeunes se noient en Méditerranée, à la recherche d’un hypothéique avenir, ceux qui ont usurpé la souveraineté du peuple, au nom de faux idéaux historico-nationalistes, ceux qui ne traînaient derrière eux qu’une grande imposture comme projet de société.

Le mouvement du 22 février a dénudé toutes les tares d’un système qui n’a fait que trop duré. Un système au seuil de la mort, dont les restes exploitent aujourd’hui leurs dernières cartes pour perpétuer le calvaire des Algériens.