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Une quarantaine d’églises protestantes fermée en Algérie 

En Algérie, toutes les églises protestantes sont désormais fermées, sur décision de la justice. Depuis 2006, les autorités ont institué des règles coercitives strictes pour encadrer la pratique de tout culte autre que musulman. Bienvenue à « l’Algéristan » !

C’est un truisme que de le dire : en Algérie, les atteintes aux libertés et droits fondamentaux des citoyens ne se limitent pas au seul domaine politique (liberté d’opinion, d’expression, de création, de réunion, droit syndical et de grève).

Les restrictions s’étendent aussi au champ cultuel, à la liberté du citoyen à exercer la religion de son choix. Ou de proclamer son droit à ne pas en avoir. Le pouvoir dirige tout. A la vie, à la mort ! Aucune liberté ne doit transpirer hormis de nos dirigeants.

Malgré les protestations récurrentes des ONG de défense des droits de l’homme, qui n’ont cessé d’alerter sur l’oppression des libertés religieuses, le phénomène suscite toujours l’inquiétude des associations de défense des droits cultuels et des défenseurs des droits humains. 

Le Vatican a exprimé sa préoccupation, Amnesty International et Human Rights Watch ont  condamné ces restrictions. Pour sa part, le gouvernement algérien justifie sa démarche par le maintien de l’ordre public. Voire ! C’est dire qu’être catholique ou bouddhiste était hautement subversif pour ceux qui dirigent le pays.

Dans son index mondial 2025, publié mercredi 16 janvier dernier, l’associaton Portes ouvertes, une ONG chrétienne d’obédience protestante a épinglé l’Algérie.

Dans son rapport sur la persécution des chrétiens dans le monde, l’ONG évoque « un tour de vis très sévère » des autorités algériennes qui « ne tolèrent plus les conversions au christianisme ».

Les autorités ont procédé à la fermeture de des quatre églises protestantes qui restaient ouvertes jusqu’au mois de mai 2024, dans le pays.

Depuis 2018, ce sont pas moins de vingt lieux de culte chrétien (protestants et catholiques) qui ont été fermés. Actuellement, les 48 églises protestantes qui activaient de longue date dans le pays sont toutes fermées. Les églises protestantes touchées par la fermeture sont gérées par l’association EPA (Église protestante d’Algérie). Un sacré record ! 

L’interdiction a touché les églises protestantes (évangéliques) qui jouissaient d’une relative liberté d’action jusqu’au milieu des années 2000.

Il faut croire que l’intronisation de Tebboune à la présidence a vu avec lui l’arrivée d’une faune d’individus du courant islamo-baathiste, islamistes et diablement affairistes, qui ne recule devant rien pour régir la foi des Algériens.

Des communautés chrétiennes constituées essentiellement d’Algériens qui ont adhéré au mouvement évangélique se sont formées dans de nombreuses villes algériennes, notamment Oran, Annaba, Alger, Tizi-Ouzou, Bejaia…

Cédant à la pression des islamistes et du courant conservateur dominant au sein la société algérienne, les autorités ont élaboré un arsenal législatif dont la visée est d’encadrer la pratique des cultes autres que l’islam. 

La mise en œuvre de ces lois et réglementations (loi de 2006 : réglementation des associations cultuelles, loi de 2012 : exigences renforcées pour l’enregistrement des églises et décret présidentiel de 2019 : restrictions aux activités religieuses non musulmanes) s’est mué progressivement en une véritable camisole de force empêchant l’activité libre de ces neo-convertis au christianisme.

Cette gestion du champ cultuel par les pouvoirs publics est illustrée par une répression judiciaire sans précédent. Plusieurs personnes ont été déférées devant les juges  pour non respect des dites loi. 

Selon le rapport de l’ONG « Portes ouvertes », une vingtaine de chrétiens convertis sont actuellement aux prises avec la justice.

Le 2 mai 2024, a Cour d’Appel de Tizi-Ouzou a confirmé la condamnation du pasteur Youssef Ourahmane, vice-président de l’Église protestante d’Algérie (EPA) à 1 an de prison ferme pour « célébration d’un culte non autorisé » dans un «édifice non permis à cet effet», pour avoir organiser une retraite spirituelle sur un site abritant une chapelle fermée par les autorités, signale l’ONG « Portes ouvertes ».

Etre non-musulman en Algérie : un parcours du combattant

L’action coercitive des autorités s’est étendue à la fermeture des lieux du culte sous prétexte d’absence d’autorisations. Celles-ci sont, bien entendu, délivrées au compte-gouttes. Quand elles ne font pas foi de refus catégorique et non motivé.

Là aussi, le prétexte est tout trouvé : pour pratiquer librement leur culte, les personnes qui ont proclamé leur foi chrétienne doivent s’organiser en association pour pouvoir ouvrir un lieu de prière. Une démarche qui donne lieu à un véritable parcours du combattant qui, généralement, pour ne pas dire toujours, se heurte à l’intransigeance des directions de la réglementation et l’administration générale (DRAG) au niveau des wilayas.

Les fonctionnaires en charge de ces dossiers invoquent toutes sortes de prétextes pour s’abstenir de délivrer le fameux sésame. Comme c’est le cas, d’ailleurs, pour toutes les demandes de constitution par les citoyens d’associations culturelles, sociales, voire même  de quartier. 

Le subterfuge fonctionne à merveille inhibant toute initiative citoyenne autonome. Dans leur cas, les convertis au culte protestant sont pris dans un engrenage administratif  toxique et dissuasif.

Un cercle vicieux qui cache mal l’aversion des pouvoirs politiques successifs à l’exercice de la liberté de conscience par les citoyens. 

Ce droit, en principe, protégé par la Constitution, s’avère être, dans les faits, une simple profession de foi. Un « mensonge » politique qui agit comme un véritable cache-sexe pour l’obsession maladive des autorités à surprotéger un monothéisme castrateur des libertés. 

A ce titre, selon la Constitution, les non-musulmans ne peuvent accéder aux plus hauts niveaux du gouvernement. 

L’ordonnance 06-03 datant de 2006, interdit les cultes non-musulmans en dehors de bâtiments préalablement agréés et criminalise tout ce qui pourrait «ébranler la foi d’un musulman». Sic ! 

Selon les chiffres de l’ONG chrétienne, l’Algérie compte, aujourd’hui, plus de 60.000 chrétiens évangéliques et 42.900 pentecôtistes. Des convertis qui doivent désormais pratiquer leur foi clandestinement. 

A noter que les quatre diocèses catholiques d’Algérie bénéficient de la liberté de culte. Et en l’espèce l’archevêque d’Alger ne réagit pas à ces fermeture. Et pour cause, Mgr Jean-Paul Vesco, élevé le 6 octobre 2024 au titre de cardinal par le Pape, entretient de bonnes relations avec les autorités algériennes.

Samia Naït Iqbal

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