23 novembre 2024
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Viol et féminicide en Algérie : la sacralisation de la haine de la femme au lieu de son amour

TRIBUNE

Viol et féminicide en Algérie : la sacralisation de la haine de la femme au lieu de son amour

On nous dira que c’est un malade, le violeur. Mais, oui, naturellement. Les monstres c’est dans les bandes dessinées et les films.

Sans doute que l’innommable renforcera-t-il les adeptes de la peine capitale, de la solution par le ressentiment et fera-t-il oublier l’essentiel : pourquoi les sociétés très conservatrices comme les nôtres sont généralement dangereuses pour les femmes ? Pourquoi déteste-t-on à ce point la femme ? Comment est-on arrivé à écrire des commentaires aussi orduriers sur une jeune femme violée, assassinée et brulée ?

Quand je lis les commentaires qui justifient le viol et le meurtre de la jeune femme, je me dis que la révolution en Algérie n’est pas pour demain. La société est islamisée jusqu’à la moelle épinière. Le bigotisme a le vent en poupe.

Des fillettes assassinées pour des charlatans qui prétendent guérir par la talisman et l’amulette et ça ne suscite guère de polémiques, pendant que 5 minutes de télé montrant une fille qui fume, un bisou échangé entre deux jeunots et une pubère sirotant une bière sur une terrasse algéroise fomente un ouragan dans le chaudron magmatique de nos impensés.

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Au pays de la femme mineure à vie, d’un code de la famille puisée dans la gadoue tréfoncière du patriarche autoproclamé, il ne fait plus bien ou bon d’être une femme, encore moins une femme qui ne croit pas que les cheveux au vent provoquent les séismes et un peu de jambe ou de cou fomente les ouragans.

L’infâme n’a pas été commis à l’encontre de Chaïma Saadou uniquement, violée et brulée à la fleur de l’âge, mais contre toutes les femmes qui croient être des êtres capables de contenir un cerveau qui pense, un corps qui désire, un œil qui a le droit de dompter sa part de l’horizon.

Il faut faire un petit tour sur Internet pour comprendre l’ampleur du désastre causé par l’école fondamentale, l’abîme qui a fait des hommes des réceptacles passifs de la bondieuserie, les conneries qu’on a paré d’or pour aliéner les foules, les houris chimériques qui ont pris la place des femmes réelles à aimer, étreindre et protéger.

Buvons jusqu’à la lie la connerie débilitante du cagot ! Pour d’aucuns, caboche aseptisée jusqu’à la dernière cellule capable d’émettre un clignotement de raison, la faute est à Chaïma ; elle avait les cheveux au vent ; était belle et peu habillée. Elle aurait pu s’enterrer sous le voile de l’effacement, pensent les bondieusards.

Terrible engeance qui rêve des pays laïcs pour y aimer librement, se rincer l’œil comme il lui sied, explorer l’océan du corps et ses mille et une îles du désir… et qui souhaite la charia pour les siens, la lapidation pour les femmes libres…

Vivement une école nouvelle avec au menu beaucoup de sciences humaines pour expliquer que la religion est une fiction inventée par l’homme, comme la démocratie, comme les droits de l’homme, comme toute idéologie. À ceci près que  c’est un homme qui déteste les femmes, ou qui ne les aime qu’à son impétueuse bandaison.  

Un pays où la religion n’explique pas que la mort, mais la vie aussi, la chimie et la physique quantique, un pays où la parole de l’imam pèse davantage que celle du savant, est une fabrique sophistiquée de la haine de la femme, du corps, du beau, de la délicatesse, des fragilités qui revendiquent des ponts pour la rencontre.  

On nous dira que c’est un malade, le violeur. Mais, oui, naturellement. Les monstres c’est dans les bandes dessinées et les films. Sans doute que l’innommable renforcera-t-il les adeptes de la peine capitale, de la solution par le ressentiment et fera-t-il oublier l’essentiel : pourquoi les sociétés très conservatrices comme les nôtres sont généralement dangereuses pour les femmes ? Pourquoi déteste-t-on à ce point la femme ? Comment est-on arrivé à écrire des commentaires aussi orduriers sur une jeune femme violée, assassinée et brulée ?

Eh bien, la réponse est dans les questions. Dans une société où les femmes sont les égales de l’homme, relativement au moins, eh bien, les hommes sont moins violents. Ils aiment et sont aimés. Des femmes. La première altérité de l’homme.  Les chevelures onduleuses, les jambes fermes et polies, la démarche ondoyante, le sourire à la rencontre des yeux, n’attentent ni aux hommes ni aux dieux.    

En vérité, une société fermée usine la frustration, l’obsession, la détestation de la féminité. Les cagots ont beau vanter je ne sais quelles fantasmatiques époques ou vertus, un homme a besoin d’une femme et vice versa. Et quand il n’assouvit pas son désir normalement. Il le fait anormalement. Ou monstrueusement pour être dans la littérature.   

Exemple. L’église catholique loue le célibat, l’abstinence, la retenue. Au lieu de marier les prêtres, les curés et les chefs de l’église, eh bien, on s’obstine encore et encore à nier la vérité comme le soleil qui, dit-on, fait tout voir, mais ne se laisse pas regarder. Conséquence : l’institution catholique est devenue indissociable de l’infamie. Au lieu qu’un quelque pape courageux promulgue la fin du célibat,  on préfère encore fabriquer des curés malades qui violent des enfants ! Et une hypocrisie huilée pour nier. Toujours nier.   

Le violeur de Chaïma est un malade. Il faut qu’il soit soigné.  Des malades aussi, tous ceux qui justifient le viol et le meurtre. Il faut les soigner. Comment ? Au lieu de se taper des films porno la nuit et d’être les premiers à la mosquée l’aube pour quémander l’absolution; au lieu que notre société loue ses puretés fantasmatiques via ses chouyoukhs autoproclamés, ses tartufes, elle ferait mieux de vite, tel un médecin qui sait que l’amputation est la seule garantie pour stopper la gangrène, établir l’ordonnance révolutionnaire pour soigner le mal à sa racine : planter dans le cœur des hommes l’amour des femmes. Leur faire comprendre que la femme avant d’être une mère et une sœur dont le bonheur dépend des autres, elle est un être autonome. Une femme. Pleinement. Souverainement.    

Quant à l’État, s’il en existe encore un, il faut qu’il arrête de harceler ces enfants qui font du bien à la citoyenneté et établir un minimum de bon sens avec le peuple. Au-delà de la justice qui doit être faite, des coupables physiques, mais aussi virtuels qui justifient l’infâme, le pays doit plus que jamais comprendre que la femme est la première altérité de l’homme et vice versa. La véritable sacralité qu’il faut fonder et celle de la femme et de l’homme. Il n’y aura aucune révolution sans celle qui libérera la femme, sans celle qui fera du viol et du féminicide la priorité nationale pour soigner le mal à sa racine.   

Repose en paix, Chaïma! Tu incarnais la grâce, la lumière qui avait éteint un peu de notre nuit inquisitrice. Puisses-tu être l’aube qui prendra de son étalon vers le jour de notre révolution ! Une révolution qui ne sacralisera plus les geôles idéologiques de notre emprisonnement consenti, mais qui vénérera plutôt les lumières qui feront de nos différences une richesse, de nos femmes des égales à part entière, de notre pays un espace-temps où il fera bon vivre pour tous et pour toutes. 

Auteur
Louenas Hassani, écrivain 

 




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