Dimanche 11 février 2018
« Violée alors que j’étais enfant, la justice de mon pays refuse ma plainte »
Nous publions le témoignage de cette jeune Algérienne victime de viols alors qu’elle était une enfant. Elle se bat pour que la justice lui soit rendue et que le coupable soit jugé.
« J’ai aujourd’hui 27 ans, je suis née en France et j’ai toujours vécu à Paris, mes parents sont Algériens.
Quand j’étais enfant, mes parents m’emmenaient en Algérie pour les vacances d’été. Pendant ces séjours je fus victime de viol à plusieurs reprises de la part d’un de mes cousins entre 1994 et 1998, j’ai dû garder ça en fond de moi toute ma jeune vie, jusqu’à ce que je brise le silence et décide de porter plainte. Ce ne fut pas facile.
C’était en 2015, en régions parisienne. Des expertises et investigations ont été menées pour compléter le dossier de plainte. Et Un an plus tard, il fut décidé par le procureur de la République de transférer l’affaire en Algérie car mon agresseur Fouad F. est un citoyen algérien résidant en Algérie.
En France, le code pénal dit que dans mon cas les faits ne sont pas prescrits. Malheureusement en Algérie, l’équipe judiciaire qui a pris le dossier n’a guère mené d’enquête. Pire encore, sans même m’interroger, le juge d’instruction (A. K.) a classé sans suite ma plainte. J’ai dû faire appel aux services d’un avocat sur place, qui a fait en sorte que je sois interrogée en décembre 2017 par ce juge d’instruction, celui-là même qui avait classé l’affaire en septembre 2017.
Mais un mois plus tard, l’affaire est de nouveau classée, pourtant le dossier et les témoignages suffisaient pour que le prévenu soit interpelé, interrogé et jugé. Il n’y eut rien de tout cela.
Le juge se serait même permis des commentaires outranciers à mon égard. « C’est de sa faute, sa mère aurait dû mieux la surveiller ». « Il est trop tard cela fait des années ». On minimise les faits réduisant un viol à des attouchements lors de mon interrogatoire en décembre 2017 où mon avocate est intervenue pour lui préciser qu’il avait eu des viols !
Il faut savoir que dans la famille de celui qui m’a violé, une personne travaille au Tribunal et je me demande si celle-ci n’a pas influencé ce classement.
Je n’ai pas eu le sentiment en Algérie d’être traitée comme une victime, ce qui décuple encore plus ma peine. Les autorités algériennes ne tiennent pas au courant des investigations menées sur place aux autorités françaises. Il m’a été impossible de savoir où en était mon affaire pendant des mois, j’ai eu beau appeler le tribunal d’Ain Temouchent, me déplacer sur place, il n’en fut rien. L’ambassade de France de Alger a même envoyé un courrier au ministère des Affaires étrangères algérien pour connaitre les suites de mon affaire, mais aucune réponse n’a jamais été donnée à ce jour et cela depuis un an. Pourquoi ce silence ?
Aucune convocation ou notification de décision de la part des autorités algériennes ne m’est parvenue, j’ai pourtant précisé que j’habitais en France et donné mon adresse, l’ambassade d’Algérie à Paris non plus n’a pas reçu de convocation, et enfin le tribunal qui a fait transférer la dénonciation officielle aux autorités algériennes n’a rien eu non plus. Je n’ai donc jamais été convoquée, alors que j’ai déposé plainte parce que j’ai été violée en Algérie, j’ai identifié mon agresseur, donné son identité ainsi que son adresse.
J’ai fait part d’un besoin d’aide à l’ambassade d’Algérie de Paris, ayant été naturalisée algérienne par le sang, je suis donc reconnue comme citoyenne algérienne. Mais les autorités ne sont guère intéressées par mon affaire, et ne daignent jamais me répondre malgré les courriers et relances de ma part.
Le courrier envoyé en recommandé à l’ambassadeur n’a rien changé à ma situation, je suis traitée comme une moins que rien par les salariés de cette administration, censée représenter l’Algérie tout de même.
Les procédures et lois en vigueur en Algérie me sont totalement inconnues, ne parlant pas l’arabe, il m’est très difficile de me faire comprendre dans cette procédure, et cela aurait largement justifié l’aide dont j’ai besoin en ce moment de la part de cette ambassade.
Où en est mon affaire ?
Au niveau familial
Zohra B. la mère de Foued F. violeur et pédophile d’Ain Temouchent, a reconnu les faits lorsque ma mère lui a demandé des comptes, lorsque j’ai rassemblé tout mon courage pour enfin avouer à ma mère ce que son neveu m’avait fait subir de 1994 à 1998.
Zohra B. a dit je cite : Il lui a fait ce qu’il a voulu de toute façon si elle demande justice elle n’aura rien, cela date de trop longtemps ». La sœur de ma mère, avec qui aujourd’hui nous avons rompu tout contact ne s’est pas gênée de dire « qu’elle brûle en enfer inchallah » !!!
Il faut savoir que par sa faute toute ma famille est au courant, aujourd’hui lorsque je parle au téléphone où les reçois dans la maison en Algérie, j’ai honte. Je perçois dans leur regard le fait qu’ils savent. Zohra B. ne s’est pas gênée pour raconter que j’étais une traînée à tout mon voisinage, et sûrement à toute la ville, alors que son fils est pédophile.
Toute la famille de mon violeur savait. Y compris leur mère. Ils savaient ce que Foued F. me faisait et ne disaient rien, n’ont pas tenté de me protéger, tous sont coupables de non-assistance en danger, complicité de viol et non dénonciation de crime.
Au niveau diplomatique
L’ambassade d’Algérie à Paris possède un bureau juridique avec un magistrat de liaison, celui-ci permet la facilité dans les relations franco-algérienne en matière pénale.
Ce bureau est donc censé m’aider à connaître l’avancé de mon affaire en Algérie, à me conseiller, et à transmettre des informations. Des demandes officielles émanant d’un consulat algérien de France, ont été envoyées afin de connaître l’avancée de mon affaire, le courrier date du 31 août 2017, ce courrier n’a jamais eu de réponse.
Les salariés de l’ambassade ne se sont jamais occupés de mon affaire, j’ai les ai pourtant contactés par téléphone et courriers, mais toujours rien, ils sont partis jusqu’à dire que c’était à moi de contacter le tribunal. Alors que je leur expliqué maintes fois que le tribunal ne me donnait aucune information lorsque je les contactais.
Moi qui croyais que les ambassades venaient en aide aux ressortissants de leur pays à l’étranger ou à porter assistance dans les procédures faîtes dans leur pays. En ce qui concerne l’Algérie et mon affaire, je me suis bien trompée.
Au niveau du tribunal
Je n’ai jamais été convoquée pour être interrogée, j’ai un document officiel émanant du consulat algérien de France confirmant cela. Mes demandes d’informations concernant les suites données à mon affaire au tribunal d’Ain Temouchent n’ont jamais obtenu de réponse.
Le seul document de classement de mon affaire a été obtenu par la demande de mon avocate qui a dû se montrer insistante, et lorsque ce document a été envoyé il était au nom de ma mère ! Alors que c’est moi qui suis la victime, moi qui ai porté plainte. De plus le facteur s’est permis de remettre ce document à mes voisins, il s’agit pourtant d’un document officiel et confidentiel, concernant une décision de justice ! On ne donne pas ça au voisin voyons !
Le tribunal a pourtant toutes mes coordonnées postales ainsi que mon numéro de téléphone, pourquoi n’envoie-t-il pas cela en France pays où je vis ?
Il est clair que je ne suis pas une victime mais la coupable pour ces gens-là. »