Mardi 26 décembre 2017
Wu Gan, un dissident, condamné « pour l’exemple » à 8 ans de prison
Deux dissidents, deux peines. L’un écope de huit ans derrière les barreaux, l’autre est dispensé de peine. La justice chinoise a fait mardi un « exemple » en condamnant pour « subversion » deux dissidents, dont l’un échappe toutefois à la prison après avoir retiré l’accusation de torture qu’il avait lancée contre les autorités.
Wu Gan, qui avait refusé de plaider coupable, a été condamné à huit ans de détention par un tribunal de la ville de Tianjin (nord) pour tentative de « subversion », a annoncé à l’AFP un de ses avocats, à l’extérieur du palais de justice où la presse étrangère n’avait pas pu entrer.
A 1.500 km plus au sud, à Changsha (centre), l’avocat Xie Yang, dont le cas avait attiré l’attention des pays occidentaux, a également été condamné pour subversion, mais tout en étant dispensé de peine, après avoir accepté de plaider coupable.
Le premier, arrêté en mai 2015 alors qu’il travaillait pour un cabinet d’avocats de Pékin, s’était lui-même affublé du surnom de « Boucher super-vulgaire », après avoir pris fait et cause pour une femme qui avait tué à coups de couteau son violeur, un cadre du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.
Sa dénonciation sur internet des cadres du régime, souvent sans nuances, lui a valu la sévérité des juges. En « montant des incidents en épingle », Wu Gan a « attaqué le système national qui est le fondement de l’autorité de l’Etat et de la constitution », selon le verdict mis en ligne.
Mais pour un de ses avocats, Yan Xin, les autorités ont surtout voulu faire un exemple.
« Il est manifeste qu’il a été condamné sévèrement parce qu’il a refusé de plaider coupable. Les autorités ont usé de nombreux moyens de pression » pour tenter de le convaincre, a rapporté Yan Xin à l’AFP. « Je pense que la cour lui a donné huit ans pour faire de lui un exemple et que les autres militants disent qu’ils sont coupables lorsqu’ils sont accusés de crimes contre l’Etat ».
La sentence semble la plus lourde infligée à des dissidents en Chine depuis juin 2016, lorsque deux membres du Parti démocratique chinois, Lu Gengsong et Chen Shuqing, avaient été condamnés respectivement à 11 et 10 ans et demi de prison.
‘Repentir’
Elle est aussi la plus sévère depuis le congrès du PCC d’octobre dernier, au cours duquel le président Xi Jinping a promis de « s’opposer résolument à toute parole et action de nature à saper » l’autorité du Parti.
Wu Gan comme Xie Yang avaient été arrêtés en 2015 dans le cadre d’un coup de filet visant quelque 200 avocats, juristes et militants s’occupant de dossiers sensibles. La plupart ont été relâchés mais plusieurs ont été condamnés à la prison. Wu Gan, 44 ans, est désormais le plus lourdement condamné de ce groupe de dissidents surnommé « 709 ».
Xie Yang est en revanche dispensé de peine en raison de son « repentir » et parce que ses « crimes » n’ont pas causé de « tort grave » à la société, selon une vidéo de l’audience mise en ligne sur le réseau social Weibo.
Après avoir été maintenu au secret pendant six mois, Xie Yang, via ses avocats, avait accusé la police de l’avoir torturé, suscitant la réprobation publique de plusieurs pays occidentaux en début d’année.
En mai, lors de son procès, qualifié de mascarade par les associations de défense des droits de l’homme, Xie Yang avait plaidé coupable et retiré ses accusations. Mardi, devant la cour, il a présenté des excuses pour avoir induit l’opinion en erreur « sur cette question de torture ».
Son épouse, accompagnée de ses deux filles, a quant à elle quitté clandestinement la Chine en début d’année pour s’installer aux Etats-Unis.
Amnesty International a critiqué le régime chinois pour avoir une nouvelle fois fait condamner des dissidents entre Noël et le Jour de l’an, lorsque l’opinion publique internationale est moins vigilante.
« En s’efforçant d’éviter le regard des médias et de la communauté internationale, le gouvernement chinois révèle qu’il est bien conscient que ces parodies de procès ne résisteraient pas à l’examen des faits », a déclaré Patrick Poon, de l’association de défense des droits de l’homme.