Vendredi 9 août 2019
XXVème marche : l’endurance nationale (Vidéo)
Marche du 9 août à Alger. Crédit photo : Zinedine Zebar.
Avec une température affichée de 38° C, et une autre ressentie de 46° C, augmenté de celle du corps humain qui avoisine les 37°C par marcheur, Alger suffoque en cet après midi de vendredi 9 août. Les manifestants, présents dans la capitale, viennent encore une fois de dire leur volonté.
Les vacances, l’été, la plage, l’Aid ne les détournent pas de leur objectif : en venir à bout de ce système en entonnant « lebled bladna oundirou rais eta3na » i.e le pays est nôtre et on placera le président que l’on aura choisi.
A deux jours de l’Aid El Kebir, ils se rappellent leurs enfants et scandent : « ya essarakin ya ellhagarine atalgou ouladna iaidou m3ana » i.e voleurs, méprisants relâchez nos enfants, qu’il s passent l’Aïd avec nous.
Un joueur de zorna (flute traditionnelle) reprend le célèbre chant de cette grande fête religieuse et réaménage les paroles ce qui devient : »zinou nhar elyoum tetnahzaw ga3 zinou nhar el youm trouhou ga3″ i.e : béni soit ce jour ou l’on vous enlèvera tous, béni soit ce jour ou vous partirez tous.
Sur une pancarte on peut lire le chemin qui mène à la victoire est plein d’obstacles, n’acceptez pas la défaite, vous êtes à un pas de la réussite, seule la victoire est belle. Ils sollicitent encore une fois cette troisième partie indéfinie en chantant Gouloulhoum (dites leur).Ils répètent cette chansonnette devenus populaire sur le royaume achourien (série télévisée Achour X).
Des groupes déambulent le long du cortège et chantent libérez Bouregâa .
Bouchachi entouré de marcheurs criant : « Djazair houra dimocratia » paraît assommé par le soleil. Il peut se targuer de faire partie du club très fermé des personnalités publiques qui sont adoubées des manifestants et auxquelles ils s’identifient.
Karim Younes devient la cible des marcheurs, ils scandent : « Karim Younes dégage, à la poubelle ». Ils refusent le dialogue avec les gangs par allusion à Bédoui et son gouvernement, réclament l’élargissement des détenus d’opinion et réitèrent leur appel à la désobéissance civile. Ils brandissent même le drapeau amazigh par défi et pour faire savoir qu’ils ne sont point intimidés.
Leur dialogue avec le vieux général par partie interposée est toujours aussi virulent : ils ne le trouvent toujours pas assez convaincant. Il faut dire que les influenceurs du web qui sont très actifs et très suivis ne laissent aucune chance au vieux général de redorer son image : révélations, scandales, guerre de clans ne sont pas des informations susceptibles de calmer une atmosphère que les marcheurs prédisent plus électrique dès la rentrée sociale.
Le dernier message du général Nezzar, à partir de l’étranger, aux éléments de l’ANP, en est un des exemples les plus probants. Au-delà du fait que cette allocution soulève des interrogations, elle est la preuve pour les marcheurs, qu’ils sont au centre d’une guerre clanique dont les tenants et les aboutissants leur échappent.
Le discours du vieux général est également source de questionnements pour les marcheurs ; sa tendance à s’ériger en maître des horloges et à déclamer que la protesta a atteint presque tous ces objectifs a pour effet d’attiser leur colère et d’augmenter leur frustration.
Ils crient le peuple veut l’indépendance et leur écœurement de voir des généraux se mêler d’affaires civiles. Ils scandent yashab el casse croute makach el vote i.e les amoureux de casse croute il n’y aura pas de vote par allusion la clientèle habituelle du pouvoir.
A ceux qui ne cessent de prévoir l’essoufflement de la protesta les marcheurs prouvent le contraire chaque vendredi. Ils le font sereinement, en famille, dans une atmosphère bon enfant et gaiement. Ils ont fait leur ce proverbe de Zhang Xianliang, auteur poète et activiste chinois : « Qui sait endurer connaît la tranquillité ». Et les marcheurs sont zen : c’est l’endurance nationale.