Samedi 6 mars 2021
Zohra, une perle kabyle au destin éphémère
« Tout est bon chez elle, y a rien à jeter ! » chantait Brassens. Eh bien, cette formule s’applique parfaitement à la voix enchanteresse de Zohra. Chaque chanson s’écoute et se réécoute sans se sentir gagné par le moindre signe de lassitude.
Certains de ses titres atteignent des centaines de milliers, d’autres plus du million, de vues sur YouTube. C’est dire le formidable retour aux sources que permettent ces sites populaires.
Zohra, c’est aussi, disons-le sans rougir, cet étalon de beauté kabyle d’une grande pureté doublée d’une indicible innocence. Cette petite fiancé ou petit sœur que tout le monde, à son âge, aurait aimé avoir et protéger d’un monde féroce envers la gent féminine. Et pourtant son destin est loin d’être à la mesure de ces envolées dithyrambiques.
Eléments biographiques (*)
Zohra est née en décembre 1962 à Aguemoune, sur les chemins qui montent, à 2kms de Larbaâ Nath Irathen.
Sa vie ressemblait à celle de toutes les filles villageoises de Kabylie de son époque. Très tôt, elle apprit les tâches ménagères, telles que le travail de la laine, le jardinage dans les champs et aussi dans des petits jardins tout près du domicile, la récolte des olives etc. Elle aimait aussi la lecture, bien qu’elle n’ait jamais fréquenté l’école, et adorait la musique.
Néanmoins, cette ambiance bon enfant s’écroula vite pour elle quand, en 1980, à l’âge de 18 ans, on la maria, certainement contre son gré. De ce premier mariage naquit une fillette, mais Zohra divorça peu de temps après pour convoler en deuxième noces. Elle eut une autre fille et divorça une deuxième fois.
En 1982, elle sortit son premier album qui rencontra un retentissant succès avec des passages remarqués à la télévision algérienne. Femmes et hommes, tout le monde se retrouva dans ses belles chansons qui firent d’elle une porte-parole de la femme algérienne en général et kabyle en particulier. Elle sut mêler délicatement mélancolie, tendresse et révolte de femme contre l’ordre établi, tout en prenant soin d’insuffler l’espoir dans le cœur de ses auditrices. En 1986, Zohra part en France pour animer des galas.
Fin tragique
C’est en janvier 1995, après avoir donné un concert à Paris, que Zohra mourut tragiquement à l’âge de 32 ans dans un accident de voiture sur la route Paris-Marseille. Selon des proches, on lui déconseilla d’effectuer le trajet sur une route verglacée. Mais Zohra, avec son caractère bien trempé, insista pour qu’elle ne rate pas un gala prévu à Marseille.
Mélancolique, Zohra chantait la tristesse et le malheur de la vie, mettant en relief le comportement, souvent machiste, de l’homme envers la femme « t’rgem-ḍiyi n’bla seba » (tu m’as insultée sans raison. Sans complexe, à travers ses textes, elle rendit sa vie, à la fois plus cruelle et plus souple. Dans l’une de ses chansons, elle énonce « pourquoi Dieu suis-je différente de mes semblables, toute ma jeunesse vécue dans des ténèbres ? » Ainsi chantait la diva pour exprimer toute la détresse qui la marqua dans sa courte vie de 33 ans.
Le titre qui vous est proposé Zarεeɣ ur mgireɣ ara -j’ai semé sans rien récolter- est très difficile à traduire. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Pour une fois, je vous propose le texte original retranscrit en caractères latins, tel que proposé par un certain mouteri terri sur YouTube. Et puisque le tamazight est maintenant langue nationale, à nos compatriotes qui veulent s’y immiscer de faire l’effort d’un petit exercice de « listening compréhension ».
Zarεeɣ ur mgireɣ ara
Zarεeɣ ur mgireɣ ara
Ur dyeqqim dges later
Ǧiɣed ur ngireɣ ara
Axxam wurǧin yaεmar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Alaεtabiw iruḥen
Awin xellesaɣ stemzi
Ayafus iten ijebren
Assagi budnak tirzi
D lxirik idyuɣalen
Imsewaqed d cḥani
Am win yettrebin azrem
Tura yenḍazed iyiri
D lxirik idyuɣalen
Imsewaqed d cḥani
Am win yettrebin azrem
Tura yenḍazed iyiri
Zarεeɣ ur mgireɣ ara
Ur dyeqqim dges later
Ǧiɣed ur ngireɣ ara
Axxam wurǧin yaεmar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
A ṭejra yerza wedfel
Eqwled debnadem ḥkuyi
Imi lεabd amnek yejhel
Assa mi nezdaɣ laεli
A ṭejra yerza wedfel
Eqwled debnadem ḥkuyi
Imi lεabd amnek yejhel
Assa mi nezdaɣ laεli
Taqaγact miyi tgeẓẓem
Del ǧehd itedem sɣuri
Akagi ula dkem
Ulay nexdem ayelli
Taqaγact miyi tgeẓẓem
Del ǧehd itedem sɣuri
Akagi ula dkem
Ulay nexdem ayelli
Zarεeɣ ur mgireɣ ara
Ur dyeqqim dges later
Ǧiɣed ur ngireɣ ara
Axxam wurǧin yaεmar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Ksaɣ talaba fyiri-w
Fkiɣett iwiden yaεran
Semdaɣas irebbi-w
Iw gujil mebla imawlan
Ksaɣ talaba fyiri-w
Fkiɣett iwiden yaεran
Semdaɣas irebbi-w
Iw gujil mebla imawlan
Nek ɣileɣ mi ḥnin wul-iw
Akeni meden yak ellan
Sellemniyi lwaldin-iw
Assa mi yibdant lemḥan
Nek ɣileɣ mi ḥnin wul-iw
Akeni meden yak ellan
Sellemniyi lwaldin-iw
Assa mi yibdant lemḥan
Zarεeɣ ur mgireɣ ara
Ur dyeqqim dges later
Ǧiɣed ur ngireɣ ara
Axxam wurǧin yaεmar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
Asennan ur diyixḍa
Ɣas ur yeda ar uḍar
(*) Texte s’inspirant de la source : http://www.music-berbere.com/artiste-zohra-ia-57.html#ixzz6oH9o86wV