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jeudi 11 septembre 2025
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11 septembre : la mémoire universelle de la blessure

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Le matin du 11 septembre 2001, le monde semblait tourner avec la régularité mécanique de ses certitudes. New York, vitrine de la modernité, se réveillait dans son effervescence habituelle. Puis, le ciel s’est ouvert en un hurlement métallique : deux avions se sont jetés sur les tours jumelles, et la fumée s’est levée comme un drapeau noir au-dessus de l’humanité.

I. Le choc du ciel déchiré

J’étais, comme tant d’autres, rivé à un écran, incrédule, témoin d’un monde qui basculait. Mais je le savais au fond de moi : cet effondrement n’était pas une surprise. Il était l’onde de choc d’une tragédie commencée bien avant, dans les ruelles d’Alger et les montagnes d’Algérie.

II. L’Algérie, préfiguration du désastre

Pour moi, ce 11 septembre avait déjà eu lieu. Il s’appelait les années 1990, il s’appelait la décennie noire. Là-bas, dans mon pays natal, l’islamisme politique avait arraché les rues à la joie, avait transformé les places publiques en cimetières. J’ai vu les visages marqués par la peur, les enfants taire leurs rires, les femmes disparaître sous un voile imposé, les livres brûlés au nom de Dieu. J’ai vu des amis assassinés parce qu’ils enseignaient, écrivaient, rêvaient librement. J’ai entendu le silence coupable des élites, le calcul lâche des gouvernants, les yeux détournés d’un Occident indifférent. Quand les tours de New York se sont effondrées, je savais ― c’était le même mal, la même barbarie, qui changeait seulement de décor.

III. Le monde incrédule

Ce jour-là, l’Occident a découvert avec effroi ce que nous avions crié depuis des années. Les regards sidérés, les visages couverts de poussière, les silhouettes courant dans des rues envahies de cendres : tout cela a fait irruption sur les écrans de télévision comme une apocalypse inédite. Mais pour moi, ce n’était pas l’inconnu. C’était le prolongement de ce que nous appelions, en Algérie, la tragédie quotidienne. Ce qui était pour d’autres une fracture soudaine de l’histoire n’était pour nous que la confirmation que la barbarie islamiste n’avait pas de frontières.

IV. L’oubli, première défaite

Vingt-quatre ans plus tard, je m’interroge : que reste-t-il de ce souvenir brûlant ? Trop souvent, je constate une mémoire affaiblie, relativisée, édulcorée. On parle de « contexte », on invente des excuses, on s’abrite derrière des slogans identitaires pour éviter de nommer l’ennemi. On maquille la lâcheté en ouverture, la compromission en dialogue. J’entends des voix dire qu’il faut « comprendre » la haine, « respecter » la culture de l’oppression. Comme si l’on pouvait pactiser avec la terreur sans s’y perdre soi-même. L’oubli est une seconde mort pour les victimes. Et c’est aussi le premier triomphe des bourreaux.

V. La République en partage

Il n’y a qu’une seule réponse possible à la barbarie : la République, laïque, universaliste, debout. Une République qui protège la liberté de croire et celle de ne pas croire. Une République qui n’abandonne pas ses écoles aux prêcheurs, qui ne renonce pas à la dignité des femmes, qui n’accepte pas de voir ses quartiers transformés en enclaves. Une République qui ne craint pas de dire que l’obscurantisme est l’ennemi, et qu’il doit être combattu sans faiblesse.

VI. Mémoire et justice

Je ne parle pas en théoricien lointain. Je parle en témoin de chair et de sang. Je me souviens de visages absents, de voix interrompues, de manuscrits jamais terminés. Je me souviens de ces femmes qu’on a égorgées pour avoir refusé l’effacement. Je me souviens de ces poètes dont la seule arme était la parole et qui furent réduits au silence. Tout cela ne doit pas être enseveli. Le 11 septembre appartient à la mémoire du monde, mais il fait écho à toutes les tragédies où la liberté a été crucifiée par le fanatisme. Se souvenir, c’est rendre justice.

VII. Mon histoire, notre histoire

Le 11 septembre 2001, j’étais à Paris, ma ville d’adoption, cette capitale de la Révolution de 1789 où j’avais trouvé refuge et citoyenneté. En regardant les tours s’effondrer, je sentais mon histoire intime rejoindre l’histoire universelle. Moi, l’Algérien arraché à sa terre de fer et de feu, je devenais frère de tous les blessés du monde. Ma mémoire de survivant se mêlait à celle des New-Yorkais, des Madrilènes, des Londoniens, des Kabyles, des Syriens, de tous ceux qui ont affronté la même haine. Et je compris que ma vie serait désormais vouée à ce combat : écrire, parler, témoigner, pour que la mémoire ne s’efface pas.

VIII. Le combat de la conscience

Le 11 septembre n’est pas derrière nous. Il est devant nous, tant que nous n’aurons pas tiré toutes les leçons de la barbarie. Chaque recul devant l’islamisme, chaque compromission, chaque silence répète à l’infini la première erreur : croire que l’on peut négocier avec ceux qui veulent nous détruire. Mon combat, depuis Alger jusqu’à Paris, depuis les ruelles désertées jusqu’aux tribunes républicaines, est celui de la lucidité. Je n’écris pas pour moi seul. J’écris pour mes morts, pour mes vivants, pour ceux qui viendront. J’écris pour rappeler que l’histoire n’excuse pas l’oubli, que la liberté est indivisible, et que la République est le dernier rempart.

Kamel Bencheikh

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