6 novembre 2024
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14 juin 2001 – 22 février 2019 : Ulac smah ulac !

TRIBUNE

14 juin 2001 – 22 février 2019 : Ulac smah ulac !

Printemps 2001. Alors que militants et militantes s’affairaient à préparer la commémoration du printemps 1980, une nouvelle épouvantable tomba ce mercredi 18 avril qui glaça tout le pays kabyle : un gendarme a mitraillé à bout portant Guermah Massinissa, un jeune lycéen, au cœur de la brigade des At Dwala (Béni Douala).

La nouvelle terrifia tout le monde et un frisson d’effroi traversa brutalement toute la société. L’événement a provoqué d’énormes manifestations d’abord dans la localité où la victime est connue comme étant un défenseur actif de l’amazighité puis elles se sont très vite propagées à toute la Région.

Comme un seul homme, le peuple kabyle s’est en effet soulevé pour crier sa colère, son indignation et sa condamnation ferme de l’acte abject commis par un agent de l’État censé protéger les citoyens.

Des affrontements avec les forces de répression eurent lieu dans toutes les localités. Des semaines durant, jeunes et moins jeunes ont riposté aux gendarmes armés de kalachnikov et de leur haine primaire anti-Kabyles. Le bilan est très lourd : 128 jeunes ont péri sous les balles assassines des gendarmes alors commandés par le sinistre général Boustila aujourd’hui décédé sans avoir eu à rendre des comptes. Des milliers de blessés dont certains gravement ont afflué vers les hôpitaux dont les moyens ne pouvaient pas répondre à l’urgente nécessité du moment.

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Comme pour attiser la révolte mais surtout incapable de retenir sa haine, le ministre de l’intérieur de l’époque, Noureddine-Yazid Zerhouni, qualifia le martyr Guermah Massinissa de « voyou ».

Cette sortie indigne provoqua la réaction de journalistes courageux qui ont démenti, preuve à l’appui, ces viles allégations et a entraîné des affrontements en série dans tous les espaces publics. Le mouvement finit par s’organiser autour de comités de villages et de quartiers ce qui, pour résumer, donna naissance aux Âarches (Aârouches pour certains journalistes). Structuré, le mouvement s’est même doté d’un texte de revendications devenu « La Plateforme d’El-Kseur ». Pendant ce temps, les gendarmes font de nouvelles victimes. Un sentiment d’impunité et de kabylophobie traverse toute la troupe qui tire sur les jeunes comme on tire sur des lapins.

14 juin 2001, 22 février 2019

Exaspérés par l’attitude irresponsable des apparatchiks du pouvoir et par le comportement criminel des forces répressives composées de gendarmes, de CNS et de la police politique habillée en civil, les acteurs du MCB décident de porter, comme en 1980, la révolte sur Alger.

Le 14 juin, des centaines de milliers de femmes, d’hommes, jeunes et moins jeunes, ont convergé vers la capitale. Une procession totalement pacifique et grave faite de voitures, de bus, de camions et de véhicules en tout genre s’est étirée sur des dizaines et des dizaines de kilomètres.

La tête du cortège est parvenue à la Place du Premier Mai à Alger tandis que des milliers de manifestants sont encore restés bloqués dans des embouteillages monstres à Tniya (anciennement Tizi n At 3ica devenue Ménerville sous la colonisation française puis Thenia sous le colonialisme intérieur). La presse a parlé de plus d’un million de manifestants tandis que certains journalistes ont avancé le chiffre de 2 à 3 millions. Il s’est passé, ce 14 juin 2001, à l’échelle régionale, ce qui s’est passé le 22 février 2019 à l’échelle nationale.

Avec le recul, tout le monde admet que si les Algérois s’étaient solidarisés, à ce moment-là, avec la population kabyle parvenue dans la capitale, le système aurait probablement été balayé. Au lieu de cela, le pouvoir a lâché des truands sur la foule compacte faisant d’innombrables victimes et contraignant les nombreux cortèges au repli faute de solidarité.

Il faut dire que la télévision officielle de l’époque, dirigée par Hamraoui Habib Chawki a, de façon continue, dénigré le Mouvement des Ârchs présenté sous des clichés dignes des pires heures de l’apartheid.

Cette date du 14 juin 2001 fît alors écho à la journée du 20 avril 1980. « Le Printemps Berbère » lui-même déjà suffisamment sanglant, devint « Le Printemps Noir » dont les retombées ne finissent pas de revenir sur le devant de l’actualité. Certains des slogans qui caractérisaient cette période retentissent désormais dans tout le pays sur les 48 wilayas comme pour rendre hommage, consciemment ou inconsciemment, aux victimes de 2001 : « pouvoir assassin », « ulac ssmah ulac ».

La rue algérienne ne veut plus revivre cette répression brutale, meurtrière dans laquelle sont impliqués dirigeants politiques (Benflis, Zerhouni, Ouyahia pour ne citer que ceux-là), officiers de police, de gendarmerie et de la Sécurité Militaire.

Le premier instigateur étant, rappelons-le, Bouteflika, le chef d’État aujourd’hui déchu mais dont la responsabilité demeure d’actualité. C’est lui qui a couvert les coupables en enterrant le rapport sur cette tragédie élaboré par une commission présidée par le professeur Mohand Issad. Un rapport d’enquête qui met clairement le doigt sur le caractère délibéré de la tuerie. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot.

Hommage aux martyrs de la démocratie. Le combat continue !

 

Auteur
Hacène Hirèche (consultant Paris)

 




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