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1er novembre 2019, des voix semblaient survoler Alger, par Mohamed Benchicou

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1er novembre 2019, des voix semblaient survoler Alger, par Mohamed Benchicou

Vendredi 1er novembre 2019. Il est neuf heures. Ces dizaines de milliers d’Algériens qui occupent Alger depuis jeudi soir n’ont pas dormi. « Ce n’était pas le jour pour dormir. On a suffisamment dormi ! », semblent-ils dire. 

Ces hommes et ses femmes avaient besoin de se réapproprier le Premier novembre, de se retrouver, dans l’histoire de leur peuple, dans une filiation fabuleuse, de s’y retrouver mais aussi, d’y trouver les raisons de ne plus désespérer de leur avenir, parce qu’ils auront appris d’où ils viennent.

Et quand on découvre d’où l’on vient, on finit, immanquablement, par savoir où l’on va.

Ces manifestants résolus ne veulent plus interroger l’infini : « Où irons-nous après le dernier désert ? Qu’allons-nous pleurer après la dernière larme ? Ils sont les enfants d’une très vieille bravoure, une résistance de deux siècles, quand l’Emir Abdelkader affrontait l’armée de Bugeaud, un temps qu’on ne raconte qu’à moitié de peur qu’il ne fasse de l’ombre à des réputations surfaites, à des règnes illégitimes. De peur que les Algériens ne s’inspirent d’un prestige si imposant qu’il noierait les futiles vanités de ceux qui prétendent détenir la légitimité pour les diriger, les opprimer, les complexer ou les effrayer.

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Avant Bouteflika, il y eut nos pères, Bouregaâ, Larbi Ben M’hidi, nos mères aussi, Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouhired, nos mères qu’on a enterrées dans la tombe de l’amnésie pour priver nos filles de l’exemple de l’insoumission.

Oui, ces hommes et ces femmes qui marchent ce 1er novembre 2019, veulent rétablir une histoire qu’on ne leur a pas racontée, l’histoire de leur délivrance, l’histoire des ouvriers devenus soldats de la liberté, l’histoire d’un temps interdit que l’on n’évoque dans aucun manuel scolaire, le temps de l’Etoile nord-africaine, Gaïd Salah n’était pas encore né, la Première guerre mondiale venait de se terminer, nos grands-pères revenaient de Verdun, survivants perdus au milieu des cadavres et des gaz qui vous privaient de l’oxygène, survivants pour entrer dans l’infinie apocalypse qui les attendait dans leurs misérables hameaux, l’infini enfer des gens rabaissés, privés de cet autre oxygène que l’on appelle dignité. 

C’était les années vingt, les Années folles et un couple se formait à Paris, lui jeune provincial de Tlemcen, elle pétillante jeune fille venue de sa Lorraine natale, Messali et Emilie Busquant, ils vont être les premiers à parler de l’indépendance de l’Algérie. C’était il y a près de cent ans, en 1927, au Congrès anti-impérialiste de Bruxelles.

La revendication de l’indépendance date de ce temps-là. On l’ignore, sans doute. La vie des peuples est emplie d’amnésies sentencieuses, d’augustes menteries et de fables imposantes. Nos dirigeants appellent cela l’Histoire. Ce n’est pas celle des Algériens. Notre histoire est plus belle, plus vraie. Plus ancienne.     

Ce vendredi 1er novembre 2019, des voix semblaient survoler Alger :  » Père, j’ai continué ton voyage et j’ai rencontré mon frère »… 

Auteur
M.B.

 




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