Le lancement de l’appel d’offres pour l’attribution des licences 5G marque une étape importante dans la stratégie numérique de l’Algérie. Mais entre ambitions affichées et réalités du terrain, cette avancée technologique pourra-t-elle répondre aux attentes économiques et sociales du pays ?
L’Algérie entre officiellement dans l’ère de la cinquième génération des télécommunications. Le ministère de la Poste et des Télécommunications a annoncé l’ouverture de l’appel d’offres pour l’attribution des licences 5G, confiée à l’Autorité de régulation de la Poste et des communications électroniques (ARPCE). Les opérateurs intéressés pourront retirer les dossiers entre le 29 mai et le 1er juin 2025. L’attribution provisoire est prévue pour le 3 juillet, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance, avec un lancement commercial au cours du troisième trimestre.
Le gouvernement présente cette initiative comme un tournant stratégique destiné à renforcer la place de l’Algérie dans l’économie numérique régionale, en mettant en avant des priorités claires : villes intelligentes, industrie 4.0, santé numérique et mobilité connectée. Le déploiement débutera dans les zones à forte densité et les pôles industriels.
Des performances promises, mais des défis persistants
Cependant, ces promesses se heurtent à une réalité moins reluisante. Selon les données du classement Speedtest Ookla (mai 2024), l’Algérie se classe au 112ᵉ rang mondial pour la vitesse de l’Internet mobile, avec un débit moyen de 23,15 Mbps. L’Internet fixe affiche des performances encore plus faibles (156ᵉ rang mondial avec 14,73 Mbps). Ce décalage souligne les limites structurelles du réseau actuel et les retards en matière d’infrastructure.
La 5G est censée offrir des vitesses de connexion jusqu’à dix fois supérieures à la 4G, une latence réduite et une meilleure stabilité du réseau. À titre d’exemple, l’opérateur public Mobilis aurait déjà atteint un débit de 1,2 Gbps lors de démonstrations techniques. Ces performances ouvrent des perspectives dans des domaines variés : télémédecine, gestion industrielle à distance, véhicules autonomes ou encore réalité augmentée.
Une fracture numérique toujours marquée
Le risque principal évoqué par les observateurs réside dans l’amplification des inégalités numériques. Le déploiement de la 5G, s’il ne s’accompagne pas d’un plan de couverture élargi et inclusif, pourrait aggraver la fracture entre zones urbaines bien desservies et régions rurales ou enclavées, qui peinent encore à accéder à un service 4G stable.
En l’absence d’investissements soutenus dans les réseaux de base – fibre optique, pylônes de transmission, centres de données – la 5G pourrait rester cantonnée à une vitrine technologique réservée à une minorité. Le coût de l’accès à Internet, quoique compétitif sur le plan régional, reste encore élevé pour de nombreux ménages, limitant l’impact potentiel de la nouvelle technologie.
Une transition à construire dans la durée
Au-delà de la seule performance technique, la réussite de la 5G dépendra de la mise en place d’un écosystème cohérent : cadre réglementaire adapté, formation des compétences, incitations à l’innovation locale, et attractivité vis-à-vis des partenaires internationaux.
La 5G pourrait contribuer à la transformation numérique de l’Algérie. Toutefois, son impact sur l’économie, les services publics et l’inclusion sociale dépendra de la volonté des autorités à l’intégrer dans une politique cohérente et durable, au-delà des effets d’annonce.
Samia Naït Iqbal