3 février 2025
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Le monologue de Tebboune : bavardages et postures creuses

L’interview d’Abdelmadjid Tebboune au journal L’Opinion a de quoi laisser perplexe. Elle interroge et pose de sérieuses problématiques d’incarnation de la fonction présidentielle.

Un chef d’État ou un commentateur de bistrot ?

À entendre le chef d’État algérien, on ne saurait plus très bien s’il parle ex officio ou s’il s’improvise chroniqueur politique sur un plateau de télévision française. Distribuant les bons et les mauvais points à l’ensemble du paysage politique hexagonal, il s’est adonné à une revue des personnalités de droite et d’extrême droite françaises, n’épargnant ni Bruno Retailleau, ni Éric Ciotti, ni Jordan Bardella. Mais depuis quand la mission d’un chef d’État algérien consiste-t-elle à commenter les débats franco-français ?

Cette posture interroge. Dans son rôle de chef d’État, Tebboune est censé incarner la voix d’un État souverain, pas celle d’un spectateur fasciné par la scène politique parisienne. Or, dans cette interview, le chef de l’État semble avoir oublié la retenue qui sied à sa fonction, préférant s’adonner à des considérations personnelles, à la limite de l’ingérence, sur la politique intérieure française. Si le ridicule ne tuait pas, l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une scène captée dans un café de quartier, où l’on disserte bruyamment des affaires d’autrui, sans s’apercevoir que la maison brûle derrière soi.

La parole en roue libre : un syndrome bien connu

Ce n’est pas la première fois que Tebboune se laisse aller à ce penchant pour l’excès verbal. À maintes reprises, ses sorties médiatiques ont été marquées par un goût immodéré pour l’exagération, l’incohérence, voire la confusion. Il évoque « le cheveu de Mu’awiya » pour parler des relations algéro-françaises, une métaphore mal maîtrisée qui trahit une vision hésitante et un manque de cap stratégique. Ici encore, son intervention apparaît comme un exercice solitaire où il se convainc lui-même d’une grandeur diplomatique révolue.

Dans un contexte où les relations entre Alger et Paris sont plus que jamais marquées par la tension et l’ambiguïté, cet entretien aurait pu être l’occasion de réaffirmer des positions claires, solides et stratégiques.

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Au lieu de cela, nous assistons à un soliloque où s’entremêlent règlements de comptes et posture victimaire, sans réelle consistance politique. Tebboune s’épanche sur ses regrets, fustige l’inaction française, mais ne propose aucune feuille de route, aucun horizon clair pour une relation bilatérale qui désespère d’atteindre la ligne de crête.

Une interview aux allures d’opération de communication ratée

Au-delà du contenu, il serait pertinent de s’interroger sur les coulisses de cette interview : qui l’a initiée ? Quels étaient les objectifs recherchés ? La mise en scène est parlante. En choisissant de s’exprimer dans un média français, Tebboune ne s’adresse pas au peuple algérien.

On aurait pu croire qu’il eût voulu s’adresser au peuple français et à l’opinion publique française, mais l’examen attentif de l’entretien révèle que son message cible essentiellement le personnel politique parisien, en particulier ceux qu’il prend soin de nommer.

Cette démarche traduit une tentative de captation de leur attention, une recherche explicite de dialogue et une volonté d’implication dans les joutes parlementaires françaises, au détriment de l’affirmation d’une politique extérieure souveraine.

S’il ne s’agissait que de l’image de Tebboune, nous pourrions en rire ou en prendre notre parti. Mais là où le bât blesse, c’est que ces sorties médiatiques nuisent à l’image de tout un pays.

En se laissant aller à des apartés superflus et à des commentaires déplacés sur la politique française, le chef de l’État algérien affaiblit la posture de l’Algérie sur la scène internationale. Loin de démontrer une souveraineté assumée, il donne l’impression d’un pouvoir qui quémande sans cesse la reconnaissance et l’attention de Paris.

Un chef d’État à la recherche d’une légitimité tutélaire ?

Abdelmadjid Tebboune fustige la politique française tout en cherchant désespérément à en capter les moindres signaux, au point de paraître compenser l’absence d’une vie politique algérienne, asséchée par sa politique répressive, par une implication assidue dans la vie parlementaire française. En agissant ainsi, il a rendu les relations algéro-françaises captives des rapports de forces endogènes de la politique intérieure du partenaire.

Dans cette mise en scène maladroite, Tebboune n’a pas simplement failli à son devoir de réserve. Il a rappelé, une fois encore, que sous son règne, l’Algérie continue de regarder Paris, au lieu de se tourner vers l’avenir. Fiat voluntas tua, non servitutis umbra – « Que ta volonté s’accomplisse, et non l’ombre de la servitude. » Voilà le piège dans lequel s’enferme le pouvoir algérien : plutôt que d’affirmer une indépendance politique et stratégique, il se débat dans une quête stérile de reconnaissance.

L’Algérie n’a pas besoin d’un chef de l’État qui monologue sur les plateaux de presse étrangers. Elle a besoin d’une direction ferme, d’une vision claire et d’un leadership qui assume ses choix sans rechercher l’approbation de l’ancienne puissance coloniale.

Or, au lieu d’affirmer la souveraineté nationale, cette interview nous offre un triste spectacle : celui d’un chef d’État plus préoccupé par les controverses de la politique française que par le destin de son propre peuple.

Mohand Bakir

2 Commentaires

  1. « cette interview nous offre un triste spectacle : celui d’un chef d’État plus préoccupé par les controverses de la politique française que par le destin de son propre peuple. ».

    C’est exactement ce que font les mouches éléctroniques et les partis khorotos-sangsues: Ils ne répondent jamais directement aux questions qui concernent ce qui se passe en Algérie.
    A toute question sur l’ économie, la démocratie, la prison ou la dictature, ils répondent toujours par: Regardez ce qui se passe au Maroc, en France. Regardez qui complote contre nous, le MAK, le Makhzen, les sionistes etc…
    Et c’est de cette facon qu’ils font de la politique.

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