Certaines histoires ne connaissent pas l’oubli. Elles traversent le temps comme des échos indomptables, portées par la voix des anciens, par la ferveur de ceux qui refusent de les laisser s’effacer.
Seg Tyemmant n Dadda – De la mémoire de mon grand-père, adaptation théâtrale de Les Princes de Belezma d’Abderrahmane Gaouda par Rumaysa Boulakwas, publiée par Adhlis Belazma à Batna, s’inscrit dans cette tradition où la parole devient une flamme, un héritage que le théâtre ravive et prolonge.
Un voyage entre passé et présent
Sous le ciel profond des Aurès, la scène s’anime d’un vertige temporel, où passé et présent se superposent en un même souffle. Dada Bourk, le sage aveugle, avance à tâtons dans la légende, son destin suspendu à la promesse d’un regard retrouvé.
À ses côtés, Lalla Fatma Thazaghaght, royale et farouche, veille sur ses terres avec l’autorité d’un mythe gravé dans la pierre et la mémoire des hommes. Ces figures ne sont pas de simples ombres du passé : elles vivent, vibrent, murmurent à l’oreille du présent.
La transmission vivante de la mémoire
Et puis, il y a Rehwaja. Gardienne des murmures anciens, tisserande d’histoires, elle recueille les éclats du temps et les métamorphose en chant, en verbe, en théâtre. Par sa voix, les siècles se rejoignent, les ancêtres renaissent, et la mémoire devient chair. Sur scène, elle ne raconte pas : elle invoque, elle réveille, elle donne corps à l’invisible.
Quand le théâtre ravive l’âme d’un peuple
Avec Seg Tyemmant n Dadda – De la mémoire de mon grand-père, Rumaysa Boulakwas ne se contente pas de narrer une épopée : elle fait résonner un serment. Celui de ne jamais laisser le silence recouvrir les pas des aïeux. Le théâtre devient le sanctuaire où se nouent et se dénouent les fils du temps, où chaque mot prononcé est une offrande à l’histoire, un rempart contre l’oubli.
Ainsi, cette pièce s’élève comme un chant ancien, un rituel de mémoire inscrit dans la tradition du théâtre amazigh. Car ici, raconter, c’est transmettre. Se souvenir, c’est résister. Et faire du passé une lumière, c’est refuser qu’il ne devienne ombre.
Djamal Guettala