On est toujours étonné d’avoir vécu tout à fait sereinement dans des situations qui pourtant nous apparaîtraient aujourd’hui très dangereuses et même fatales. C’est tout simplement parce que la sensation du danger n’existe que si on prend conscience de son existence. Bien entendu que les risques d’autrefois étaient connus mais la véritable conscience est celle qu’une société prend en charge par des campagnes de communications publiques.

Mon dermatologue en France m’avait dit : « Monsieur, je sais que vous êtes né au soleil mais aujourd’hui vous payez le prix d’une trop forte exposition par les taches brunes qui apparaissent sur votre peau ». Il n’avait pas osé me dire, sur une peau qui avait autant de kilomètres dans le compteur pour pouvoir faire le tour de la terre.

Et dans le même instant, je me suis imaginé le visage terrifié du pauvre docteur si je lui avais racontée une histoire vécue. Lorsque nous descendions sur la plage de Bouisseville, il y avait toujours un ou deux points lumineux qui apparaissaient, comme des phares posés sur le sable. Plus on se rapprochait plus cette lumière laissait apparaître une masse brune luisante, celle d’un homme qui avait bronzé avec… de l’huile d’olive. 

Vous visualisez bien maintenant le visage de terreur de mon dermatologue si je lui avais raconté cette histoire. De l’huile à friture, chauffée au soleil, il irait même jusqu’à imaginer des merguez rôtissant dessus.

Puis dans la remémoration des dangers assumés inconsciemment, ce bon vieux canoune au charbon. Seuls les étrangers à l‘Afrique ignorent qu’il y fait parfois un temps glacial. Posséder un chauffage central dans beaucoup de maisons, c’était comme si l’oncle Hamza s’était payé une Mercedes. 

Les braises dispersaient une chaleur comme jamais aucun appareil moderne n’aurait pu le faire. Mais comme le diable se présente toujours avec sa parure de beauté envoûtante, leur couleur et le bruit du crépitement sont les meilleurs amis de la douce somnolence. Il y avait assez d’oxyde de carbone pour terrasser dix bœufs bien robustes. Et comme il faisait froid, les portes devaient être fermées et toutes les entrées d’air calfeutrées.

Ce n’est pas seulement mon dermatologue mais le chef de la brigade des pompiers et les écologistes, à cause des émanations d’oxyde de carbone, qui seraient morts d’asphyxie s’ils connaissaient ce tableau. Le dermatologue n’en saurait rien, il est déjà mort de stupéfaction avec l’huile d’olive.

Mais il y aussi des risques inconsidérés qui n’étaient pas seulement locaux mais ceux de la planète entière. Comme on ne peut rédiger une chronique de trois pages d’un journal en les énumérant, je vais vous résumer trois risques regroupés en une seule image.

Le premier ferait tomber les pauvres gendarmes actuels dans une apoplexie fatale car il s’agit de la voiture sur la route. Tout d’abord la cigarette qui est au sommet du podium par le nombre incalculable de risques.

Une cigarette en voiture, c’est une main qui n’est pas sur le volant, un risque de perdre son contrôle puis celui de la tombée des cendres qui pouvait tout faire flamber. Sans compter la Bastos sans filtre qui, à elle seule, génère autant de goudron dans les poumons que la production nationale d’électricité à partir d’une usine à charbon.

Vous rendez-vous compte qu’au cinéma il était autorisé de fumer, comme dans les trains ou les autobus. Le film avait un décor particulier, la fumée qui sortait du siège de devant faisait des signaux bien connus des Apaches. Et pire encore, le mur et les sols étaient revêtus d’un gros feutre sans compter le siège. Ils fondraient aussi rapidement que l’esquimau au chocolat de l’entracte dans la bouche.

Et enfin, cette ceinture de sécurité inexistante qui pourtant allait plus tard sauver des millions de vie sur les routes du monde. De plus les carrosseries que nous avions cru solides s’écraseraient au moindre choc comme un œuf jeté du sixième étage. 

Puis je m’imagine les yeux sortis de leur orbite des neurologues du futur lorsqu’on leur dira que les très jeunes enfants passaient autant de temps devant un petit écran de téléphone qu’eux en consultation. Nous ne mettrons pas la panique au futur par tant d’exemples, sa définition étant d’apporter encore plus de santé et de prospérité que dans le présent.

L’inconscience est souvent fille de l’ignorance mais la prudence excessive, ce n’est pas vivre. L’huile d’olive est interdite sur le sable ainsi que le canoune au charbon dans une maison. Mais un barbecue au charbon et huile d’olives sur le sable d’une plage n’a jamais fait de mal à personne, non ? 

Boumediene Sid Lakhdar

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