En demandant au chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune d’intervenir en faveur de Mohamed El Amine Belghit, placé en détention provisoire pour atteinte à l’unité nationale, Abdelkader Bengrina brouille les lignes entre justice, politique et idéologie. Une démarche qui soulève de nombreuses interrogations.

Le guignol Abdelkader Bengrina s’en mêle ! La lettre ouverte adressée par le président de la formation islamiste, Al Bina al Watani (Construction nationale), Abdelkader Bengrina, au chef de l’État, suscite un malaise croissant. En prenant publiquement la défense de Mohamed El Amine Belghit, présenté comme un « historien » mais davantage connu pour ses positions controversées sur l’identité algérienne, Bengrina s’inscrit dans une logique de lobbying politique déguisé en appel au dialogue national.

Mohamed El Amine Belghit a été placé en détention provisoire pour « atteinte à l’unité nationale », une accusation grave dans un contexte où l’État tente de contenir les discours clivants, notamment ceux niant la composante amazighe de l’identité algérienne. La réaction d’Abdelkader Bengrina, qui invoque la « sagesse » du chef de l’Etat et la « cohésion du tissu national », paraît dès lors déplacée, sinon contre-productive.

Au-delà du contenu même de la lettre, c’est la posture de l’ancien candidat à la présidentielle qui interroge. En s’érigeant en intercesseur entre la justice et le pouvoir exécutif, Bengrina ravive une pratique bien ancrée dans les milieux islamistes algériens : celle de présenter certains accusés comme des « patriotes mal compris », victimes d’un « excès de zèle » de l’appareil judiciaire, pour mieux imposer leur propre grille de lecture du patriotisme.

Or, les propos tenus par Belghit dans diverses interventions publiques, souvent marqués par un nationalisme arabo-islamique exclusif et un mépris affiché pour la diversité culturelle algérienne, ne peuvent être réduits à de simples opinions. Ils participent d’une tentative plus large de réécriture de l’histoire nationale dans une perspective homogénéisante, marginalisant la composante amazighe pourtant reconnue dans la Constitution.

En défendant Belghit, Bengrina ne fait donc pas que contester une décision de justice. Il s’inscrit dans une continuité idéologique bien connue : celle qui, depuis les années 1990, oppose une Algérie plurielle à une vision uniformisante et excluante du nationalisme.

Le geste de Bengrina pourrait ainsi être interprété comme un signal envoyé à une base politique nostalgique d’un récit national figé, où la diversité culturelle du pays est perçue comme une menace plutôt qu’une richesse. Une posture qui semble à contre-courant des aspirations démocratiques et inclusives portées par de larges pans de la société algérienne.

Reste à savoir si le chef de l’Etat donnera suite à cette interpellation. Une réponse favorable, même indirecte, risquerait de fragiliser la crédibilité de l’institution judiciaire, déjà mise à mal par son instrumentalisation effrénée contre la dissidence pacifique. En cette période de tensions multiples, le pouvoir algérien peut-il se permettre de céder à ce type de pression idéologique ?

Samia Naït Iqbal

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