Claire Barré : « Nous sommes les gardiens de la Terre et non ses propriétaires »

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Claire Barré
Claire Barré.

Claire Barré est une créatrice dont l’œuvre littéraire et cinématographique se nourrit d’une profonde exploration spirituelle. Son parcours singulier, empreint de sincérité et de curiosité, témoigne d’un engagement constant à sonder les territoires invisibles de l’âme humaine. À travers ses écrits et ses scénarios, elle façonne une vision du monde où l’imaginaire dialogue avec le réel et où la narration devient une porte d’accès à des vérités plus vastes.

Elle entame son voyage littéraire avec Ceci est mon sexe (2014), un texte à la fois intime et universel qui explore l’identité à travers le prisme du corps et du féminin. Cette première publication reflète déjà son désir d’interroger les profondeurs de l’expérience humaine. L’année suivante, avec Baudelaire, le diable et moi (2015), elle plonge dans l’univers poétique et sombre de Charles Baudelaire, mêlant fiction, introspection et méditation sur la nature de l’âme. Ce dialogue littéraire avec un esprit tourmenté traduit son approche exigeante de l’écriture.

Un tournant décisif survient avec Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull (2017), un essai à la fois déroutant et lumineux où elle relate une expérience spirituelle bouleversante.

Ce récit amorce son intérêt profond pour le chamanisme et les traditions ancestrales, explorations qu’elle poursuit avec Ma vie de chamane (2025, Mama Éditions), son dernier ouvrage. Ce livre mêle témoignage personnel et réflexion sur la place de la spiritualité dans nos sociétés modernes, interrogeant les liens entre sagesse ancienne et quête contemporaine de sens.

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Parallèlement à son parcours littéraire, Claire Barré s’impose comme scénariste, collaborant avec des chaînes majeures telles que TF1, France 2 et Arte. Ses écrits audiovisuels reflètent une grande sensibilité et une volonté de capturer l’humain dans sa complexité. Elle contribue notamment au film Un monde plus grand (2019), avec Cécile de France, qui met en scène une femme confrontée à une initiation chamanique. Inspiré de faits réels, ce récit illustre parfaitement l’alignement entre ses aspirations spirituelles et son travail de scénariste.

Son œuvre tout entière s’ancre dans une fascination pour l’invisible. Les traditions chamaniques, en particulier celles liées à Sitting Bull, nourrissent son imaginaire et ses réflexions. À travers ses livres et son engagement personnel, elle cherche à transmettre une vision élargie du monde, où l’invisible n’est pas relégué au domaine du rêve, mais constitue un espace essentiel de compréhension et d’intuition.

Claire Barré incarne une voix singulière, capable de conjuguer introspection personnelle et portée universelle. Ses écrits ne se contentent pas de raconter des histoires : ils interrogent les certitudes, éclairent les zones d’ombre de l’existence et proposent une relecture sensible de notre rapport au monde. Elle explore les seuils entre le visible et l’invisible, entre rationalité contemporaine et sagesses anciennes, entre trajectoire intime et héritage collectif.

Ses collaborations avec des éditeurs variés témoignent de la richesse de son parcours, Ceci est mon sexe (Hugo & Cie), Baudelaire, le diable et moi et Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull (Robert Laffont), Chant d’amours (Sable Polaire), La Ballade de Nitchevo (Guy Trédaniel Éditeur), Ma vie de chamane (Mama Éditions).

Chaque ouvrage explore une facette différente de sa sensibilité, tout en contribuant à bâtir une œuvre cohérente à la croisée du littéraire, du spirituel et de l’intime.

Engagée dans une quête artistique et intérieure, Claire Barré trace un chemin singulier, porté par un besoin vital de comprendre, de ressentir et de transmettre. Son art devient un vecteur d’élévation, un espace de réflexion sur soi, les autres et les mystères du monde. Une exploration qui, loin d’être achevée, semble encore ouverte à de nouveaux horizons, à d’autres formes, d’autres récits où le visible et l’invisible continueront d’être au cœur de sa démarche.

Le Matin d’Algérie : Votre dernier ouvrage, Ma vie de chamane, approfondit votre exploration du chamanisme et de la spiritualité. Quelles expériences personnelles vous ont particulièrement inspirée ?

Claire Barré : Le chamanisme s’est invité dans ma vie de manière « accidentelle », alors que j’allais fêter mes 40 ans. C’est une vision, qui a duré 4 jours, qui a initié mon éveil à la spiritualité. Avant cette vision (j’ai vu apparaître le visage de Sitting Bull, un grand chef amérindien mort au XIXe siècle), j’étais plutôt fermée à toute forme de spiritualité. Seul l’art m’inspirait et me tenait en vie. 

C’est cette vision, inexplicable, qui m’a menée jusqu’au cabinet de consultation d’une chamane russe en 2014. Et c’est elle qui m’a « diagnostiquée » chamane. Depuis, la pratique du tambour chamanique m’accompagne. Mon monde s’est agrandi et enrichi. Ce que je trouve beau, dans ce parcours de vie, c’est que cet éveil n’a pas touché que moi. Comme un cercle vertueux, il a eu un impact positif sur tous mes proches : famille, amis, et lecteurs. Il a notamment beaucoup influencé le parcours de mon mari, Emmanuel Barrouyer. De simple observateur bienveillant, au départ, il s’est, peu à peu, lui aussi ouvert à la spiritualité et a même su accueillir en lui des aptitudes dormantes d’énergéticien. 

La vie est toujours plus belle et surprenante qu’il n’y paraît. Dans ce livre, j’essaie de partager les fruits de mon cheminement et de donner des clés de compréhension du chamanisme et des états modifiés de conscience, tout en racontant mon voyage de l’ombre à la lumière. J’ai, en effet, traversé une longue nuit noire de l’âme dans ma jeunesse (notamment, à cause de mes addictions), avant de retrouver le chemin vers l’espoir. 

Le Matin d’Algérie : Dans Baudelaire, le diable et moi, vous explorez la figure fascinante de Baudelaire. Qu’est-ce qui vous a attirée dans cet univers, et comment avez-vous intégré votre propre réflexion ?

Claire Barré : Baudelaire, le diable et moi est mon deuxième roman, paru en 2015. C’est un roman fantastique dans lequel une jeune femme, sorte de double fictionnel, signe un pacte avec le diable, afin de pouvoir rencontrer les poètes qu’elle aime. Mais rien ne se passe comme prévu. J’ai découvert la poésie à l’adolescence. J’ai eu la sensation que cette découverte me sauvait la vie. Tout me parlait (enfin) dans les vers des poètes, particulièrement ceux du XIXe siècle. Baudelaire était haut dans mon Panthéon personnel, ses poèmes aussi lumineux que vénéneux résonnaient avec mon être profond. 

J’étais une jeune femme mélancolique et tourmentée et avais la sensation de retrouver un frère d’âme. Ma mélancolie s’est métamorphosée en une énergie plus joyeuse, grâce à mon cheminement spirituel, mais Baudelaire reste, à mes yeux, à grand Maître. Ce roman était un moyen de lui rendre hommage et de saluer aussi, en creux, la jeune femme désespérée que j’ai pu être à une époque de ma vie.

Le Matin d’Algérie : Dans votre essai Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, vous partagez une expérience spirituelle marquante. Comment cette expérience a-t-elle transformé votre vision du monde et enrichi vos créations artistiques ?

Claire Barré : Ce témoignage, paru en 2017, raconte, en effet, cette vision de Sitting Bull qui a bouleversé ma vie. J’y raconte mes premiers pas dans la découverte du chamanisme, ainsi que l’amitié qui m’a liée (et me lie toujours aujourd’hui) avec Ernie LaPointe, l’arrière-petit-fils de Sitting Bull, un septuagénaire, vétéran du Vietnam, avec lequel je suis devenue amie, suite à cette étrange vision. Nous avons même écrit un livre ensemble : Sun Dancer, Sagesse et Visions d’un Natif américain, en 2021. Cette expérience a changé ma manière d’être au monde et me pousse à écrire ce que j’appelle des « livres-médecine », ou encore, des « films-médecine » (je suis également scénariste pour le cinéma), afin de semer des graines d’éveil et donner de l’espoir aux lecteurs et spectateurs.  

Le Matin d’Algérie : Vous avez collaboré avec des chaînes majeures comme Arte et des réalisateurs renommés, en tant que scénariste. Comment ces expériences dans l’audiovisuel alimentent-elles votre travail en tant que romancière ?

Claire Barré : J’aime beaucoup mon travail de scénariste. Justement parce que c’est collaboratif. Je trouve agréable de quitter de temps en temps ma tour d’ivoire de romancière, afin de co-écrire avec des réalisatrices ou des réalisateurs. Je crois que l’apprentissage du scénario apporte de solides connaissances en dramaturgie et en structure. Le roman, lui, permet de belles envolées dans la psyché du personnage, alors que le scénario sera plus comportementaliste : c’est la manière dont le personnage agit, réagit et interagit qui nous dit qui il est. 

Quand j’ai un projet très personnel à transmettre, je l’écris sous forme de livre. Les scénarios sur lesquels je travaille sont souvent des commandes. Je ne choisis que des projets humanistes (quel que soit leur genre).  

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre mêle des thématiques intimes, poétiques et spirituelles. Comment parvenez-vous à maintenir un équilibre entre introspection personnelle et réflexion universelle dans votre écriture ?

Claire Barré : Il me semble que plus l’on va chercher loin au cœur de son être et plus l’on atteint une forme d’universalité. À mes yeux, au plus profond, nous sommes tous reliés, malgré nos différences apparentes. Être sincère et introspectif peut donc permettre de partager des expériences qui vont résonner avec un grand nombre de lecteurs.  

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Claire Barré : Je travaille actuellement sur plusieurs projets de films pour le cinéma et de séries pour la télévision. Le prochain film que j’ai co-écrit va sortir en salles le 5 juin, ça s’appelle Le Répondeur, c’est un film réalisé par Fabienne Godet, avec Denis Podalydès et Salif Cissé. C’est une comédie, adaptée d’un roman de Luc Blanvillain, qui a déjà reçu un Prix du Public au Festival de l’Alpe d’Huez.  

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Claire Barré : Merci pour cet échange. Je souhaite que la paix, l’amour, l’espoir et la joie puissent s’infiltrer dans les cœurs des humains et que nous prenions conscience que nous sommes les Gardiens de la Terre, et non ses propriétaires. Comme le dit cette phrase de sagesse, attribuée divers Amérindiens : « Lorsque le dernier arbre aura été abattu, le dernier fleuve pollué, le dernier poisson capturé, vous vous rendrez compte que l’argent ne se mange pas. » 

Entretien réalisé par Brahim Saci 

1 COMMENTAIRE

  1. C’est tres bizarre, mais souvent pour ne pas en general, meme avec les auteurs et artistes que vous invitez, une espere de pense’e drole ou comique me vient a l’esprit. C’a commence’ avec Mme Barre’, mais bizarrement, ca s’est vite c.a.d. au bout de 3 a 5 secondes ca se transform en un feeling de curiosite’ qui arrive bousculer ma jujotte pour laisser place a une sensation de fascination qui s’empare de ma lecture. A la lecture du 1er paragraphe et introduction, rien que par les titres de ses ouvrages, je vois un personnage, ni homme ni femme ni bete bizaare se profiler. Une Schyzophrene? non pas du tout, loin de la… plutot une espece de stroboscope multi-forme et multi-color…En constante mutuation. Soudainnement, j’ai compris, d’habitude on reconnait les personne a leur apparition, expression, voix, habit…on les reconnait avec les yeux et les 5 sens. Pas celle-ci. Pas si vite ! Pas celle-ci. SI vous voulez echanger avec vraiment, il faut aller au-dela des mots, des signes, language corporel, etc. Il faut etre dans etat flottant… il faut dancert avec elle. Je suis sur que lire ses ecrit c’est comme voir des scene, enttendre des sons et des paysages. Quelque chose comme le hologramme de Startrek. Je delire peut-etre, mais c’est la sensation que j’ai eut en parcourant l’interview. Rien que pour tester ca, je me trouverai un de ses bouquins.

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