Un drapeau algérien dessiné par un enfant sur une feuille d’écolier, et la colère d’un instituteur colonial qui s’emporte, hurle et ordonne : « Efface-moi ça ! » Ce souvenir, ancré dès les premières pages de Grandir dans les Aurès : un enfant dans la guerre, est bien plus qu’une simple anecdote. Il cristallise la violence symbolique, la répression quotidienne, mais aussi la dignité tenace d’une jeunesse prise au cœur de la guerre de libération.
Salah Laghrour livre ici un témoignage rare, d’une grande sobriété, qui raconte avec précision son enfance dans les Aurès insurgés. Né à Khenchela, au sein d’une famille profondément engagée dans la lutte pour l’indépendance, il trace un portrait vivant d’une époque où les enfants étaient eux aussi acteurs malgré eux d’un conflit majeur.
Dans un style dépouillé, sans pathos ni romantisme, l’auteur nous fait revivre les déplacements forcés, la déportation dans le camp de M’toussa, la faim et la peur, mais aussi les gestes d’affection, la résistance silencieuse et surtout la force des femmes. Ce sont elles, piliers invisibles mais essentiels de la survie familiale, que Salah Laghrour met en lumière avec un respect et une tendresse qui émeuvent.
Mais ce récit personnel ne se limite pas à la chronique d’une enfance difficile. Il est inévitablement lié à une grande Histoire, celle de la lutte armée algérienne. L’auteur est le frère d’Abbès Laghrour, figure majeure du déclenchement du 1er novembre 1954 dans les Aurès, proche compagnon de Ben Boulaïd, chef de maquis redouté et assassiné dans des circonstances toujours mystérieuses. Après deux ouvrages historiques consacrés à cette Wilaya I, Salah Laghrour choisit cette fois d’ouvrir son cœur et sa mémoire, offrant un regard intime sur les conséquences humaines du combat.
Le livre restitue avec finesse les contradictions d’une enfance marquée par la scission entre l’école coranique, lieu d’apprentissage et d’identité, et l’école coloniale, qui incarne la domination et la négation. Le départ forcé pour Le Caire, où l’auteur poursuit ses études secondaires, ajoute une dimension d’exil et d’éloignement qui exacerbe le sentiment de rupture.
Plus qu’un simple récit autobiographique, Grandir dans les Aurès est un acte de résistance contre l’effacement et l’oubli. C’est aussi un appel à reconnaître la mémoire des enfants de la guerre, souvent laissés à la marge des grandes histoires officielles.
Dans un pays où les mémoires restent parfois fragmentées, où le traumatisme de la guerre de libération continue d’irriguer le présent, ce livre est une contribution essentielle à la transmission. Il invite les nouvelles générations à comprendre la complexité d’une époque, à percevoir la force du vécu, et surtout à honorer ceux qui ont grandi debout, porteurs d’une espérance toujours vivante.
En somme, Salah Laghrour offre un témoignage lumineux et bouleversant, qui fait entrer le lecteur au cœur d’une Algérie prise dans la tourmente, à travers les yeux d’un enfant devenu gardien d’une mémoire aussi fragile que précieuse.
Djamal Guettala
Présentation de Grandir dans les Aurès, un enfant dans la guerre, de Salah Laghrour
Samedi 21 juin 2025 à 9h30 à la maison de culture de Khenchela
Je cite l’auteur : « enfance marquée par la scission entre l’école coranique, lieu d’apprentissage et d’identité, et l’école coloniale, qui incarne la domination et la négation. « .
Mwa, je relève dans cette assertion une contradiction qui confine, soit à l’oubli ou au refoulement, soit à l’endoctrinement idéologique.
Que l’école française incarne la domination, il n’y pas de doute, mais que l’école coranique qui, certes, est là depuis plus longtemps, incarne l’apprentissage (de quoi? On se demande) et l’identité arabe et orientale (pour un petit chaoui dont l’ancêtre DHIHYA ou kahina a combattu les envahisseurs arabes, je trouve que c’est fort de café).
Lorsque l’auteur insiste sur la transmission, on ne peut qu’adhérer, mais, transmettre des contres vérités ça ne sert pas la cause elle-même.
Cordialement,
Vous êtes envoûté par une idéologie possessive, hélas.
Elle vous empêche non seulement de lire un livre dans sa globalité, mais aussi d’entendre ce que dit une mémoire singulière, enracinée dans une histoire familiale, un territoire et une époque.
Critiquer est sain — encore faut-il lire, comprendre, et ne pas projeter ses propres obsessions sur ce que l’autre n’a pas dit.