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samedi 5 juillet 2025
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Belghit et Sansal : deux fœtus d’un débat contradictoire sans cesse avorté

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Deux hommes, deux paroles, deux chutes. Mohamed Lamine Belghit et Boualem Sansal, que tout oppose dans la texture de leurs discours, se retrouvent pourtant dans le même abîme judiciaire.

Cinq ans de prison. Même peine. Même silence imposé. L’un, replié dans une vision ethniciste de l’Algérie, nie l’amazighité du pays et fabrique de toutes pièces un complot « franco-sioniste » pour nourrir sa paranoïa idéologique.

L’autre, figure plus installée dans les circuits intellectuels occidentaux, ne cesse de dynamiter les fondements symboliques de l’État post-indépendance, jusqu’à remettre en cause les frontières mêmes de la nation.

Aucun des deux n’élève la pensée. Ni l’un ni l’autre n’offre à la société un espace fécond de réconciliation, de profondeur ou de vérité. Tous deux enfoncent le langage dans la provocation, dans le simplisme, dans l’excès. Et pourtant, leur condamnation ne marque pas leur chute à eux seuls, elle marque le point exact où une nation décide de substituer la peine à la pensée, la clôture judiciaire à l’ouverture critique.

Car ce qui se joue ici n’est pas l’histoire, ni l’identité, ni la cohésion sociale. Ce qui se joue, c’est le droit d’un peuple à penser librement, même au risque de la fracture, de l’erreur, de l’égarement.

Car une pensée que l’on ne peut contredire que par l’incarcération n’est plus pensée, c’est un dogme.

Et un État qui en vient à répondre par le pénal à la parole, aussi misérable soit-elle, devient lui-même un producteur de mutisme collectif. Dans toute société vivante, il existe une zone ardente, celle du désaccord. C’est là que la conscience collective s’éprouve, se forge, se déstabilise, se réinvente.

Une société mûre n’en a pas peur. Elle accepte que certains y errent, que d’autres y brûlent, parce que c’est le prix de l’intelligence partagée. Mais lorsque cette zone devient périlleuse, lorsque s’y risquer expose à la geôle, alors l’horizon de la pensée se referme, et avec lui celui de la liberté.

Que reste-t-il alors du débat national ? Un théâtre d’ombres où ne circulent plus que les mots sûrs, les paroles filtrées, les discours domestiqués. L’université se tait. Les médias se replient. Les intellectuels s’exilent dans l’euphémisme.

La contradiction devient suspecte. L’interrogation, un danger. Et le doute, ce ferment de toute conscience éclairée, devient lui-même coupable.

Belghit et Sansal ne sont pas des martyrs de la pensée. Mais leur condamnation fait d’eux autre chose : les symptômes d’une crise plus profonde que leurs idées. Ce n’est pas leur voix qu’il fallait censurer, c’est notre impuissance à leur répondre autrement que par la loi. Car dans une nation adulte, on ne gouverne pas la pensée, on y répond. On n’en trace pas les limites au nom de l’unité, on y ouvre les passages au nom de la vérité.

À force de croire que l’unité se protège par la répression, on oublie qu’elle se construit par la confrontation. Une confrontation raisonnée, parfois violente, mais qui a pour vertu de faire circuler l’intelligence et de mettre chaque idée à l’épreuve du réel. L’Algérie a besoin de cette friction. Non pour se diviser, mais pour se réveiller.

Le philosophe italien Giorgio Agamben rappelait que « l’État moderne est né de l’état d’exception », le moment où le droit se suspend au nom d’un danger. Mais ce danger, ici, est imaginaire. Ce ne sont pas des paroles excessives qui menacent l’unité, c’est l’absence de contre-paroles. Ce n’est pas le tumulte des idées qui fissure une nation, c’est leur stérilité organisée.

Par conséquent, Belghit et Sansal ne sont que les extrémités bruyantes d’une pensée qui n’ose plus exister. Leur emprisonnement ne les grandit pas. Mais il nous diminue.

Mohamed Rachid Charfaoui

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3 Commentaires

  1. Le miracle de boumediene, semer la oumma et déraciner l’Amazighité, puis le moralisme. Comment peut-on nier une identité et un Etat solide comme celui de Massinissa, juste parce que l’on a besoin de faire place à l’Algérie arabe, qui sert les intérêts des autres pays. Ce qui est une aberration sur le plan éducatif, c’est d’avoir hissé le contingent l’islamité au-dessus de l’État que toute personne ayant un lien culturel avec le terroir sent et vit au niveau personnel.
    Les choix politiques de boumediene sont élevés à certitudes constitutionnelles, voilà comment la corruption intellectuelle a été rendue structurelle au point d’être perçue et vécue comme stabilisatrice. Non Messieurs. L’islam n’unit pas les peuples, sinon on n’aurait pas vu bombarder la Lybie avec les sous de la oumma, ni tuer les pauvres Yéménites, que dire d’avoir incité les monarchies du golfe d’investir dans l’islamisme en Algérie pour combattre les laïcs. Priez autant que vous voudrez, la oumma ne viendra jamais vous défendre contre un potentiel ennemi, lequel est réel, mais allié de la oumma que vous avez nourrie.
    Le paradoxe de mettre en prison ceux qui appliquent à la lettre ce qu’ont été enseignés dans les écoles et discours du régime, dit en réalité l’incohérence systémique. Un pays ce n’est pas une armée simplement, ce qui est la force d’un peuple c’est cette solidité qui alimente ce lien entre institution et citoyen, il se trouve que l’État arabislamique est déconnecté de la société réelle. Plutôt que de désinfecter cette plaie béante, le régime invente l’islamisme politique, ce qui lui permet de rester au centre et jouer la médiation dans la boue. Voilà le sadisme politique d’une caste qui a trop duré. Plutôt que de combattre les effets, s’attaquer aux causes., or le régime combat ce qu’il produit : le PIB relèvera la croissance.

  2. Le chameau, le mulet et le prédicateur en babouches

    Ohqarbi que j’ai l’impression d’enter dans une medersa quand je lis le Matin-Dized. On dirait que le Minbar les inhibe.

    Et moi qui me disais, pendant l’incarcération de Sansal, que je devais me retenir — me mettre en retrait, me taire même — pour laisser aux tribuns du Matin-Dized le soin d’aiguiser leurs couteaux. Je m’imaginais déjà les paragraphes tranchants, les diagnostics impitoyables, les prises de risque fermes. Rien de tout cela. J’ai lu, en guise d’éclaircie, un sermon d’intellectuel transi, embarrassé de sa propre opinion, et qui finit par renvoyer tout le monde dans le même sac, comme un douanier débordé.
    Mettre Sansal et Belghit dans le même chwari, sans que le bât ne blesse la monture ni déséquilibre le chargement ? Belle prouesse rhétorique. Mais quand l’équilibrisme devient neutralisme, ça donne un article qui fait semblant de distribuer des claques en cercle, pour n’en adresser aucune vraiment. Comme si l’on pouvait critiquer sans choisir de camp, tirer sur tout sans viser personne, et surtout, surtout, sans jamais mouiller la chemise sur le fond.
    Prenons les phrases-clefs de ce petit chef-d’œuvre de contorsion :
    « Aucun des deux n’élève la pensée. Ni l’un ni l’autre n’offre à la société un espace fécond de réconciliation, de profondeur ou de vérité. »
    Ah bon ? On balance ça comme ça, et on passe à autre chose ? À ce compte-là, il suffit d’aligner deux noms, Sansal et Belghit, de dire qu’ils ne sont pas Kant ni Averroès, et de les congédier ensemble d’un revers de plume. C’est un raccourci spectaculaire, un deux-pour-le-prix-d’un, qui évite le sale boulot : dire pourquoi ce qu’ils disent mérite critique. Or la pensée, si l’on veut qu’elle survive, exige l’examen, pas l’équivalence paresseuse.
    Le fond, parlons-en. Que reproche-t-on à Belghit ? Son ethnicisme délirant, sa paranoïa à trois bandes, ses inventions de complots « franco-sionistes » cousus au fil blanc. Très bien. Là, on est d’accord : cet homme alimente la fange et cultive le délire. Il fabrique de l’exclusion, pas du débat.
    Mais alors Sansal, qu’on a vu le stylo en embuscade et l’index rageur, dénoncer tout, la révolution, les martyrs, les langues, les frontières — il ne fabrique pas d’exclusion peut-être ? Il ne dynamite pas tout terrain commun, toute possibilité de parole partagée ? À l’intérieur, c’est Belghit l’illuminé. À l’extérieur, c’est Sansal l’exaspéré.
    Deux démagogues d’élite, chacun dans son registre.
    « Belghit et Sansal ne sont pas des martyrs de la pensée. Mais leur condamnation fait d’eux autre chose. »
    C’est ça, le fond du texte. Le sommet de la réflexion. Leur emprisonnement les « transforme ». Voilà. On frôle la réincarnation. Et plutôt que de nous dire quoi ils deviennent, ce qu’il faut penser de leurs idées, l’auteur préfère rejeter l’affaire sur nous tous, collectivement, anonymement, mollement :
    « Leur condamnation nous diminue. »

    Non, monsieur. Moi, je ne suis pas diminué parce que Sansal a signé son hara-kiri chez Frontières. Je ne suis pas diminué parce que Belghit vit dans un podcast de complotistes hallucinés. Et je ne me sens pas plus responsable de leur verbe que je ne me sens solidaire de votre prose anesthésiante.
    Parce qu’au fond, que nous dit cet article ? Que la justice ne devrait pas se mêler des idées. Soit. Mais alors, qu’on les combatte par les idées, pas par des paraphrases tièdes. Il fallait rentrer dans le dur, attaquer, disséquer, exposer ce qu’ils disent — pas nous balancer du Giorgio Agamben à la fin comme un digestif de salon. Oui, la liberté d’expression mérite d’être défendue, mais pas au prix de l’équivalence molle, pas en niant le contenu.
    Et que dire de ce passage grandiloquent :
    « Ce n’est pas le tumulte des idées qui fissure une nation, c’est leur stérilité organisée. »
    Ah bon ? Mais la stérilité, ce n’est pas un processus organique. C’est ce qu’on obtient quand les penseurs fuient le fond, les journalistes prennent des gants pour tout, et que les lecteurs doivent s’éduquer tout seuls à coups de Google. La stérilité, c’est ce genre de texte.
    Alors oui, l’auteur a voulu jouer les justes du milieu. Ni pour, ni contre. Ni trop dur, ni trop tendre. Un peu avec Sansal, un peu avec Belghit, beaucoup contre l’État, et surtout, surtout, pas de choix clair. Une indignation sous cloche, un coup de menton au ralenti.
    Et pendant ce temps, il reste ceux d’entre nous qui n’ont ni besoin d’un martyrologe, ni envie d’un manuel d’absolution collectif. Ce qu’on attendait, c’était qu’on parle du fond, qu’on fasse la part des mots, pas celle des postures.

  3. La vérité c’est que les 2 étaient sur les pas de ceux qui n’ont eu de cesse de « casser de l’algěrien » â tous bouts de champs. C’est devenu une habitude d’insulter les algěriens. Dans ce climat, ce brouhaha de paroles insensées et inutiles, on ne peut pas entendre les vrais critiques constructives, celles qui pourraient contribuer á des disputes utiles desquels on sort plus intelligent. C’est vrai que nous voulons la liberté d’expression, mais ces énergumènes nous coupent l’appétit et on se retrouve á dire, comme feu Slimane Amirat « mieux vaut la dictature que le chaos » la liberté d’expression á ses règles et doit se faire dans le respect des autres, en tenant compte des autres, sans jamais oublier la considération qu’on doit aux autres. L’algérien a trop longtemps été tiré vers le bas et nos jeunes ont fini par croire que nous sommes une race inférieure, avec toutes les complications psychologiques qui en découlent , qui étaient d’ailleurs visées, voulues par le colonisateur. Á ce train, nous ne verrons jamais le bout du tunnel. Avant, il n’y avait pas de loi qui interdisait de s’exprimer de la sorte; la répression était arbitraire. Aujourd’hui les textes sont lá et il faut lire l’histoire et l’actualité pour comprendre leur importance. Desormais, chacun connais les limites á ne pas franchir:C’est clair et accessible á tous les cerveaux et ne joue pas du deux-poids-deux-mesures, genre « oui á ma liberté d’expression non á la tienne » qui se pratique dans plusieurs pays dits démocratiques …

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