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dimanche 17 août 2025
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Le pouvoir algérien : justice spectacle et gouvernance ad hoc en temps de crises et catastrophes

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Le pouvoir algérien s’illustre par une singularité qui devient une règle : il ne gouverne pas en prévoyant, mais en réagissant. Son horizon n’est jamais celui d’une réforme ou d’une construction d’avenir, mais celui d’une survie immédiate.

Introduction. Chaque crise, chaque drame, chaque scandale est pour lui une menace qu’il faut neutraliser dans l’instant, non pas pour protéger les citoyens, mais pour sauver l’image du régime.

C’est un pouvoir qui connaît trop bien les failles du système (corruption endémique, clientélisme généralisé, vétusté des infrastructures), mais qui s’interdit d’y toucher, car y remédier reviendrait à ébranler les fondations mêmes de son édifice. Dès lors, une logique s’impose : laisser pourrir, puis réagir quand le pourrissement éclate au grand jour.

I. Un pouvoir aveugle mais non ignorant

Le régime algérien n’est pas un pouvoir qui ignore les défaillances. Bien au contraire, il les connaît intimement, il sait que la corruption gangrène toutes les strates de l’administration, que le clientélisme bloque l’ascension des compétences, que les infrastructures vieillissantes mettent chaque jour en péril la vie des citoyens. Mais ce savoir n’ouvre sur aucune volonté d’action, car agir reviendrait à défaire les ressorts qui assurent sa propre reproduction.

Réparer les failles, c’est remettre en cause les réseaux d’intérêts, briser les circuits occultes, ébranler l’économie de la rente et de la complaisance. Autrement dit, se tirer une balle dans le pied. Le pouvoir choisit donc une autre voie : maintenir les dysfonctionnements, tolérer le chaos, mais en gardant la main sur son exploitation politique.

II. La logique du pompier : la spectacularisation des réponses

Le pouvoir algérien n’agit jamais dans l’ombre de la prévention, mais toujours sous les projecteurs de l’urgence. Sa méthode est celle du pompier : attendre que l’incendie éclate, puis accourir en brandissant des solutions rapides et spectaculaires. Non pas pour réparer le mal à sa racine, mais pour mettre en scène une autorité qui se veut ferme et efficace.

Cette spectacularisation de l’action publique se lit dans la rapidité théâtrale des procès, comme celui des jeunes d’Aïn Fekroun : moins de soixante-douze heures pour prononcer une peine de quinze ans de prison et une amende colossale. La justice ne se présente pas ici comme une institution impartiale, mais comme un instrument de communication. Il ne s’agit pas de rendre justice, mais de rassurer l’opinion par un châtiment exemplaire. Ainsi, chaque drame social devient l’occasion d’une démonstration d’autorité, là où l’absence de politique préventive aurait rendu cette démonstration inutile.

III. L’instrumentalisation de la souffrance et le rachat du silence

Quand la tragédie frappe, le pouvoir ne voit pas des citoyens brisés, mais des occasions de restaurer son image. La souffrance devient une ressource politique, à exploiter puis à acheter. L’exemple du bus vétuste tombé dans l’oued d’El-Harrach en est révélateur : au lieu d’ouvrir un chantier sérieux sur l’état délabré du parc de transport, toléré grâce à la corruption et à l’indifférence, le régime a choisi la voie la plus rapide, celle d’indemniser les familles à coups de millions. Un geste tapageur, destiné à calmer les colères et à acheter le silence, sans jamais s’attaquer aux causes profondes. De la même manière, chaque catastrophe devient une scène où l’État s’exhibe en bienfaiteur. Mais cette générosité de façade n’est qu’un masque : derrière l’indemnité offerte, il y a une responsabilité évacuée.

Les familles endeuillées ne sont pas reconnues comme des victimes de la négligence d’un système, mais transformées en figurants d’un spectacle où l’État se pose en sauveur.

Conclusion

Par conséquent, le pouvoir algérien n’est pas un architecte d’avenir, mais un gestionnaire de survie. Il ne bâtit pas, il colmate. Il ne réforme pas, il maquille.

Chaque drame révèle la même mécanique : tolérer les causes profondes parce qu’elles font partie du système, puis capitaliser sur les conséquences en jouant les pompiers et les bienfaiteurs. Cette logique condamne le pays à rejouer éternellement le même scénario : catastrophes prévisibles, réactions spectaculaires, indemnités ostentatoires, puis retour au statu quo. Tant que ce cercle vicieux perdure, l’État ne sera jamais au service des citoyens, mais uniquement au service de sa propre survie.

Hassina Rabiane

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3 Commentaires

  1. Bonjour,
    Rien que l’image illustrant l’article me donne envie de Vom….
    Cependant, elle resume bien l’état de déliquescence du pays, très bien décrit par l’auteure.
    Pour ma part, j’ajouterai que ça a toujours été le cas depuis 62 mais que la clochardisation s’est accélérée depuis 2019.
    A défaut de pouvoir agir en toute intelligence, dans la paix et l’ordre régnant espéré, avec toutes les compétences vives et dignes de ce pays, on commente et on essaye d’amorcer un soufle de renouveau dans les idées, puis….les actes.
    Merci pour l’article

  2. Question hors sujet: la forme des bouquets de fleurs qui ornent systématiquement les «  »tables officielles » des dirigeants algériens est censée représenter quoi au juste? A moins de me tromper, il me semble qu’il s’agit là d’une mode (« créateur » à mettre absolument sous ISTN) relativement récente. Post hirak, peut-être? Si Anes Tina prévoit un « Kahwi II », il ne pourra trouver mieux que cette photo pour l’affiche principale. Affligeant. Une photo qui en dit long sur la stature et la vision de nos plus hauts dirigeants. Alors que certains s’affairent à mettre en place le Golden Dome, le duo Tebboune-Chengriha semble, lui, se contenter d’un pâle Flower Dome. A chacun ses ambitions et ses priorités, n’est-ce-pas?

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