« Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots… » chantait Dalida. Hier, Tebboune en a offert une version présidentielle : soixante-quinze minutes de paroles, paroles, paroles…
Tout y est passé : la numérisation, la modernité, l’équilibre budgétaire. Mais quand un journaliste a posé la seule question qui compte – combien reste-t-il dans les caisses ? – le grand orateur s’est effondré. Pas de chiffre, pas de vérité. Seulement des formules molles sur l’engagement de l’État et des équilibres “au millimètre”. Mille mots pour éviter un nombre.
La Banque d’Algérie publie chaque année son rapport annuel. Celui qui contient ces chiffres (chute de 31 % des revenus pétroliers, baisse de 13,5 % des recettes hors hydrocarbures et effondrement du Fonds de régulation) est bien le rapport 2024, publié en 2025, comme il est d’usage pour dresser le bilan de l’année écoulée.
Voilà le décor : un roi persuadé de porter un costume d’or, une presse qui répète le refrain officiel, et une économie nue comme un ver. Dans la salle, tout le monde le voit. La cour applaudit. Mais l’enfant du conte a parlé : le roi est nu.
Souviens-toi du début du mandat. Ammar Belhimer, journaliste devenu ministre, jurait la main sur le cœur que Tebboune réglerait tous les problèmes du pays en six mois. Six mois ! Il a suffi de moins pour que la promesse s’évapore. C’était le premier tube. Depuis, la playlist tourne en boucle : chaque année sa promesse, chaque promesse son naufrage. Paroles, paroles, paroles…
Le plus indécent n’est plus le discours, mais la presse qui l’accompagne. Elle ne rapporte pas, elle chante. Elle transforme la récession en croissance, le déficit en victoire, la caisse vide en coffre-fort. Le président improvise, les journalistes font les chœurs, et le peuple paie la facture.
Les chiffres, eux, ne chantent pas. Ils tombent comme des couperets. Quand Tebboune dit équilibre, ils répondent effondrement. Quand la presse titre succès, ils notent déficit. Quand le pouvoir promet des miracles, ils consignent les pertes. Les mots maquillent, les chiffres déshabillent.
Alors que reste-t-il ? Un chef de l’Etat qui meuble le vide, une presse qui applaudit à contretemps, une Banque qui écrit la vérité noire sur blanc, et un peuple sommé de croire à une chanson sans musique. Le roi continue de défiler, persuadé d’éblouir avec ses habits de vent. La cour persiste à acclamer. Mais dans la salle, on sent déjà le froid. Et dans ce pays où la promesse remplace la politique, la seule vérité est cruelle : les paroles s’envolent, les milliards s’évaporent, et le peuple reste face à la nudité du pouvoir. Paroles, paroles, paroles…
Zaim Gharnati