Tribune. Il fut un temps où le nom du FFS suffisait à faire frémir le pouvoir.
C’était le parti des martyrs, celui des premières révoltes contre la confiscation de l’indépendance, le cri de ceux qui refusaient de troquer la colonisation française contre la domination d’une junte militaire.
Mais ce temps est loin. Aujourd’hui, le FFS n’est plus qu’un sigle fatigué, une bannière qu’on ressort quand il faut donner au régime une façade démocratique, une illusion de débat.
Et chaque fois que le pouvoir vacille, le FFS réapparaît comme une béquille, prêt à amortir la chute du système.
Je le dis sans détour : j’ai de sérieux doutes sur la sincérité de l’opposition de Hocine Aït Ahmed lui-même.
Je respecte l’homme, son intelligence et son charisme, mais son itinéraire politique laisse des zones d’ombre que l’histoire n’a jamais éclaircies.
Après son arrestation en 1964 et son évasion en 1966, Hocine Aït Ahmed s’est exilé à l’étranger, principalement en Suisse. Et, en réalité, depuis son installation en Europe, rien ne prouve qu’il ait gardé l’attachement profond d’un vrai nationaliste.
S’il aimait tant son pays, pourquoi n’a-t-il jamais choisi d’y finir ses jours ?
Pourquoi ses enfants ont-ils tous pris des nationalités étrangères ?
On ne peut pas parler au nom d’un peuple qu’on a quitté, ni se présenter en symbole de fidélité quand toute sa vie personnelle dit le contraire.
Son retour en Algérie en 1989 a toujours laissé perplexe.
Comment un opposant aussi emblématique, qui avait défié le régime pendant plus de vingt ans, a-t-il pu rentrer sans être inquiété ?
Comment expliquer qu’il ait pu reprendre une activité politique légale, alors que d’autres ont été réduits au silence pour bien moins ?
Tout cela ressemble moins à une réconciliation qu’à un pacte tacite, un serment passé avec le pouvoir :
“Tu gardes ton rôle d’opposant moral, on te garde en vitrine.”
Car si la junte au pouvoir l’avait considéré comme un danger réel, elle ne lui aurait pas laissé le moindre espace.
Aït Ahmed est devenu, malgré lui peut-être, l’opposant idéal du régime : intouchable, respecté, mais sans impact concret.
Et aujourd’hui, le FFS continue sur cette même trajectoire. Le parti vient d’annoncer sa participation aux prochaines élections.
Rien d’étonnant : c’est la suite logique d’un comportement vieux de plusieurs décennies.
À chaque échéance, il joue le rôle du lièvre électoral, celui qui court devant pour donner une allure démocratique à une course déjà truquée.
Il l’a fait en 2012, en 2017, en 2021… et le scénario se répète, sans honte ni remise en question.
Mais comment oublier les élections de la honte de 2002 ?
L’année 2001 avait été celle du Printemps noir, du sang, des martyrs et de la colère. Toute la Kabylie s’était levée pour dire non à la répression et à la mascarade politique.
Et en 2002, cette même Kabylie avait décidé, d’une seule voix, de rejeter les urnes, de boycotter les élections.
Les villages étaient en deuil, les routes bloquées, les jeunes en grève, les familles encore endeuillées.
Et le FFS, lui, qu’a-t-il fait ?
Il a brisé cette unité historique, cassé cette dynamique populaire en se présentant malgré tout, contre la volonté de tout un peuple.
Résultat : des élus obtenus avec sept ou huit voix dans certaines communes. Une humiliation politique gravée dans la mémoire collective.
Et depuis, la liste des trahisons s’allonge : participation sélective, discours creux, alliances douteuses, et aujourd’hui encore, la même posture molle face à la dictature.
Et qu’ont fait ces soi-disant élus des APC et des APW de Tizi-Ouzou ou de Béjaïa pour leur région ?
Ont-ils un jour présenté leur bilan ?
Ont-ils appliqué cette fameuse “gestion participative” qu’ils promettaient à chaque campagne ?
Rien. Silence et opportunisme.
Les communes sont à l’abandon, les jeunes sans perspectives, les projets enterrés dans la poussière des bureaux.
À part leur présence remarquée aux fêtes de villages, aux cérémonies ou aux festivals folkloriques — où ils viennent manger du couscous aux frais de la collectivité —, que font-ils d’autre ?
Pire encore, on les voit parfois sur les pistes de danse, exhibés ensuite sur les pages Facebook comme si c’était là l’accomplissement de leur mandat.
C’est dire à quel point la fonction politique s’est vidée de tout sens.
Des élus devenus figurants, des représentants transformés en animateurs de kermesse, pendant que les vrais problèmes — routes, emploi, jeunesse, eau, ordures, dignité — restent sans réponse.
Et quand il s’agit des élections nationales, malgré la mobilisation de toute leur secte politique et le coup de pouce bienveillant du pouvoir, ils se contentent toujours de leur mainmise sur la Kabylie — comme si leur horizon politique s’arrêtait aux limites de la région.
Ils n’ont jamais su parler au reste de l’Algérie, encore moins la convaincre.
Leur influence se réduit à un réflexe identitaire entretenu par la nostalgie, pas à un projet politique.
Autrement dit, le FFS ne vit plus que sur les ruines de son passé.
Alors oui, leur participation annoncée aux prochaines élections ne surprend plus personne.
C’est dans leur ADN politique : jouer la comédie de l’opposition pour mieux prolonger la survie du régime.
Le FFS n’est plus ce parti d’opposition né du courage et de la révolte ; il est devenu le parti du confort, celui qui parle au nom du peuple sans jamais marcher à ses côtés.
Le FFS ne fédère plus, il divise. Il ne libère plus, il justifie.
Et la mémoire d’Aït Ahmed, si elle n’est pas relue avec lucidité, risque de devenir ce que le pouvoir voulait qu’elle soit : un mythe utile pour endormir les consciences et neutraliser la colère.
Aziz Slimani
Citoyen libre, témoin de son temps.


Il faut avoir l’honnêteté de dire que tous les partis (j’entend les partis kabyles ou partis plus ou moins laïcs) se sont inscrits aux soupes électorales depuis 1989. Y en a même qui étaient là à soutenir le régime à l’époque où il avait grand un besoin pressant d’eux.
Aucun de ces partis amazighards n’a posé le moindre préalable à sa participation par la reconnaissance des peuples amazighes ni ne serait-ce qu’une prise en charge aussi claudiquante soit-elle de tamazight par l’état lui même.
Non, l’odeur de la soupe leur tous tourné la tête. Que les ingrédients et les épices soient l’islam, l’arabe, la ligue arabe, le congrès islamique, rien ne les rebute. Tous comme ils étaient.
Ar tura nettargu (tugets deg-negh dgha), nesqar-as´Mazal lxir gher rezzat’. Nettu ass-a, nettargu azekka.
Pour ce qu’est d’Ait Ahmed et ceux de sa génération, Il est illusoire de chercher autre chose que leur articulation à la lutte contre le régime colonial. Ce qui est d’ha quelque chose. Il faut n’y voir que des mêmes forts, d’autres moins, des caractères, la marque d’une époques, les produits d’une élite indigène éduquée dans les écoles européennes ou zawiarde orientale. Le trait local, ouvrons les yeux, a disparu depuis déjà presque un siècle. A-t-il un jour intégré à une quelconque école ?