Dimanche 12 novembre 2017
Pourquoi le projet SH2030 de Sonatrach ne sera qu’un effort vain (III)
3- Par une même approche, Khelil a achevé l’œuvre d’Abdelhamid Brahimi
Contrairement à ce qui est dit ici et là, Chakib Khelil n’est pas revenu en Algérie dans les bagages de Bouteflika lors de son voyage aux Etats-Unis mais non seulement il y était déjà et pourrait en être l’artisan principal dans la préparation de ce deuxième voyage d’un président algérien dans ce pays durant ce week-end du début de juillet 2001.
Pour rappel, à peine six mois après son investiture le 15 avril 1999, Bouteflika fait appel à Chakib Khelil d’abord comme conseiller le 1er novembre 1999 puis ministre de l’Energie et des Mines moins d’un mois après. Il faut préciser que ce responsable prend sa retraite anticipée de la Banque mondiale en octobre 1999 pour se présenter en Algérie le 1er novembre de la même année. C’est la preuve par 9 que son retour dans le pays a été bien préparé et relève d’un choix délibéré suite à des propositions alléchantes dont bien entendu le premier responsable du pays en est l’auteur. La problématique est simple, Bouteflika promettait aux Algériens qui voteraient pour lui de réhabiliter l’Algérie pour améliorer sa réputation à l’international, il a donc confié les dossiers économiques épineux à des hommes de confiance dont celui de l’énergie. Les dossiers économiques, notamment dans le domaine énergétique, semblent avoir été l’élément essentiel du programme de la visite du président aux USA pour valider son accord et ouvrir la voie à son ministre de l’énergie et des mines afin de crédibiliser sa démarche dans ce pays. Ce désengagement du président de la politique intérieure s’explique par son insistance de vouloir mettre au service de l’Algérie son expertise dans la diplomatie. On se rappelle son rôle très actif dans le Nepad et l’Union Africaine. Le règlement des conflits Ethiopie /Erythrée, la paix en Somalie, la réhabilitation de la Libye, sa médiation au Soudan et entre l’Iran et les USA etc. Pendant ce temps Khelil appliquait en toute liberté sa stratégie car même les chefs de gouvernements qui se sont succédé n’avaient que peu d’autorité sur ce que les médias ont appelé les hommes du président. C’est le seul responsable qui affiché avec une certaine fierté cette appartenance de différentes manières.
4- Quelque mois ont suffit à Khelil pour acculturer Sonatrach
Son bref passage de plusieurs mois à Sonatrach en cumulant en même temps la fonction de ministre lui a largement suffit pour et, il n’est pas exagéré de le dire, procéder à un « viol » de la structure des valeurs de base que l’entreprise développées depuis près de 40 ans et qui lui a permis de surmonter ses problèmes d’adaptation externe ou d’intégration interne. Il a acculturé l’entreprise pour avoir imposé des procédures ramenées d’ailleurs et pour lesquelles l’entreprise n’était pas encore prête à accepter. N’oublions pas que Sonatrach est la mamelle de tout le circuit économique et social. Les brainstormings et les « R » qui marginalisent le code des marchés publics. Il voulait en faire d’un bien public, une entité qui obéissait au droit privé. Ayant déjà travaillé dans le secteur de l’énergie par le passé, il connaissait les points faibles de certains cadres et leur schème motivationnel et surtout le moteur de leurs prédispositions. Il a réussi à reproduire le schéma d’en haut à la perfection. Il est le seul membre du gouvernement à s’impliquer directement dans la politique et ouvertement dans la campagne électorale à travers des contributions personnelles et non en tant que ministre dans les journaux nationaux. La première au moment du déclenchement de la polémique sur la maladie de Bouteflika. Dans cette contribution, il vantait les mérites du président sous la forme d’une vraie précampagne dans laquelle il s’engage au point où de nombreux observateurs le donnaient comme le prochain chef du gouvernement. Dans la seconde, il livre un bilan perspectif de secteur de l’énergie et des mines. A le lire, il semblait très content que les hydrocarbures continuent de représenter 98% des recettes du pays. Il prétend avoir tiré les leçons de la crise asiatique pour « concevoir une politique nationale, notamment en matière d’hydrocarbures ». Il retrace l’historique avec en tout petit la période 2005- 2006 pour certainement éviter de montrer son échec dans l’élaboration de la loi sur les hydrocarbures. Il donne les chiffres sur le paysage énergétique comme s’il en est l’auteur alors qu’il s’agit d’un programme amorcé quelques années après l’indépendance. Il passe en revue l’ensemble des lois qu’il a produit depuis celle de la maîtrise de l’énergie jusqu’au projet de loi sur le nucléaire. Il promet que l’Algérie réalisera des recettes de 55 milliards de dollars/an jusqu’à 2040 pourquoi spécialement 2040 ?
Enfin pour lui l’homme est la première et ultime richesse du pays et il en fait son credo. L’opinion publique n’était pas dupe, elle constate de visu que ce ministre s’implique plus dans l’opérationnel que le stratégique. Il a étouffé les deux grandes entreprises du secteur de l’énergie en s’ingérant directement dans leur gestion. Les énormes investissements à consentir par Sonatrach pour ramener les capacités de production du brut à 2 millions de baril / jour et le gaz à 85 milliard de m3 ont été contestés par de nombreux experts qui en voient un gaspillage des ressources naturelles, gage des générations futures contre des dollars qui font l’objet d’un recyclage dans le trésor américain. Il a donc, avec des cabinets étrangers, brillé dans la confection des lois, domaine dans lequel il excelle pour l’avoir appris et utilisé dans le cadre de sa mission d’expert à la banque mondiale. La loi sur l’électricité n’a non seulement attiré aucun investisseur mais plongé le pays dans le noir par le délestage fréquent. Quant à celle sur les hydrocarbures, tous les Algériens connaissent son cheminement. Si la mise en œuvre de ces deux lois n’a rien donné de concret, comment croire sur les projets futurs : projet de loi sur le nucléaire etc. ? Mais ce qu’il ne donne pas, c’est le bilan de la période de sa présidence de Sonatrach. Il semblerait selon les témoignages qu’il a fait de Sonatrach et Sonelgaz un vrai terrain de bataille. Profitant de la campagne électorale, il s’est débarrassé de tous les anciens PDG et cadres dirigeants qui contestaient sa politique de gestion. Il a procédé à un vrai noyautage de l’entreprise. Il nomme à Sonatrach ses collaborateurs au ministère pour avoir en 4 ans jugés de leur docilité et obéissance. D’abord, il désigne le secrétaire général de l’entreprise, ensuite le PDG de Sonatrach lequel fait monter son fils du simple magasinier au poste de cadre supérieur, aujourd’hui condamné par la justice dans l’affaire Sonatrach 01. Il confie la direction des ressources humaines et communication du groupe Sonatrach à son assistante, elle même cooptée de Sonelgaz. Il profite de l’accident survenu à Skikda pour limoger le vice président aval et nomme son ancien directeur des ressources humaines et communication, condamné lui aussi par la justice et ainsi de suite. Dans ce climat de noyautage total, le ministre règne en maître absolu. Il dirige mais n’encourt aucune responsabilité. Dès qu’il y a un problème, les enquêtes n’aboutissent à aucun écrit de sa part et donc c’est les lampistes qui payent : cas BRC, dossier des pièces de rechange aval, affaire Sonatrach 01 et bien d’autres.
Aux dernières nouvelles, selon Ouyahia, la justice algérienne l’a lavée de tout soupçon. Dans cette configuration de noyautage, de suspicion, de psychose et surtout d’injustice, les cadres fuient par centaines les deux entreprises et ceux qui obéissaient aveuglement ont lourdement payé leur applaventrisme.