23 novembre 2024
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Dans l’antichambre du pouvoir en Algérie (VI)

Paralysie et cacophonie au sommet

Dans l’antichambre du pouvoir en Algérie (VI)

Une période de fortes turbulences s’annonce avec son lot de « messages toxiques » qui embrouillent et édulcorent la réalité des problèmes structurels (1) que vit notre pays, tant au niveau idéologique, que politique, qu’économique, social et culturel, ce qui fait, qu’entre temps, les solutions envisagées sont métaphysiques voire magiques puisque  puisées dans les traités de sorcelleries.

En effet, pour justifier les mesures qu’il compte introduire, le Premier ministre, dresse d’abord un portrait apocalyptique de la situation de nos finances publiques (2), en n’oubliant jamais de rappeler, cyniquement, que toutes les décisions économiques antérieures ont été prises par le Président de la république. En évoquant publiquement ces situations financières catastrophiques, le Premier ministre pointe du doigt l’échec de près de 20 ans de gestion du Président Abdelaziz Bouteflika, donnant à l’opposition de solides arguments pour critiquer la gestion du chef de l’État (3) !

Certains se posent une question : Le premier ministre a été rappelé pour quelle mission (4) ? Travaille-t-il encore pour le compte du Président ou entame-t-il sa propre campagne présidentielle (5) ? Pour preuve, il invite ses acolytes (6), de la nouvelle majorité présidentielle, à une réunion au sommet, pour qu’ils discutent du partage des postes de la prochaine désignation élective communale (7) de novembre 2017, avec à la clé une descente sur le terrain, à la « rencontre des citoyens ». Mais refusant d’assumer l’échec annoncé du taux d’abstention, il annonce déjà la couleur en déclarant : « Dans tous les pays du monde l’abstention aux communales est très importante » ! Inaugurant une forme nouvelle de communication, il va « fuiter » des « révélations », pour démontrer le bien-fondé de sa politique monétaire, en affirmant que « sans cette solution, qui permettra le recours au financement interne non conventionnel, nous n’aurions pas de quoi payer les salaires des fonctionnaires (8) » et dans une deuxième intervention au sénat «… ainsi que les émoluments des députés et sénateurs, de novembre prochain » ! Dans cette cacophonie, le SG du FLN, ne comprenant visiblement rien aux finances publiques, exige, quant à lui, que « les financements non conventionnels soient orientés vers l’investissement et non pas pour financer les importations », c’est ubuesque ! De son côté, le Premier ministre déclare sa volonté de couverture des salaires des fonctionnaires, inscrits dans le budget de fonctionnement et bien sûr, celle des transferts sociaux, tout en continuant d’attribuer au Président de la république la paternité de ces « décisions sacrées », pour mieux se décharger sur lui de toutes responsabilités !

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L’autre message toxique, concerne la santé apparente ou supposée du Président de la république (9) qui suscite, une fois encore, les spéculations les plus alarmistes (10).

En effet, tous les observateurs nationaux et étrangers constatent que le Président est, de moins en moins, présent sur la scène nationale (11) et totalement absent de celle internationale (12), ce qui pose avec acuité, une fois de plus, le problème de l’application de l’article 102 de la constitution (13). L’opposition appelle de ses vœux, sa mise en œuvre, sous-entendant par là, que cette fois, c’est la santé mentale et non plus physique, du Président qui est en cause. N. Boukrouh, de son côté tranche le débat en déclarant que « le Président n’avait plus ses capacités physiques et mentales pour gouverner » et lance un appel pour une « révolution citoyenne pacifique » afin de sortir, dignement, notre pays de la crise qui le mine (14). Sa formule politique fétiche se résume en une phrase : « Pas de cinquième mandat et pas de succession héréditaire » ! Il est immédiatement suivi d’une autre déclaration similaire de trois personnalités qui également prônent un changement de régime « dans la paix sociale ». M. Hennad, politologue, pense que pour des « considérations autant humaines que pratiques, les signataires de l’appel ne veulent pas que M. Bouteflika subisse l’affront de la constatation de la vacance du pouvoir ni, a fortiori, connaisse le même sort que le président Bourguiba qui fut destitué par un simple certificat médical ».

Lire aussi : Dans l’antichambre du pouvoir en Algérie (III) 

Mais l’enjeu, auquel toute la classe politique pense mais que très peu d’entre eux n’ose aborder, c’est le rôle et la position de l’institution militaire, dans le processus de succession au pouvoir bouteflikien (15) à terme ou avant la fin de son mandat. Est-il sérieux d’affirmer que l’institution militaire ne joue aucun rôle politique dans notre pays, depuis l’indépendance et même avant (16) ? L’histoire récente nous apprend que l’institution militaire a renversé le GPRA en 1962 et imposé A. Ben Bella comme Président, puis organisé son coup d’état le 19 juin 1965, dénommé « redressement révolutionnaire ». Elle a joué un rôle essentiel dans la nomination de C. Bendjedid en 1979 (à l’ENITA) et dans sa démission en 1992 et, en conséquence, dans la suspension du processus électoral des législatives, puis dans la gestion de la transition via le Haut Comité d’Etat (HCE) et dans la désignation élective de L. Zeroual comme Président d’état puis Président de la république et enfin, dans sa démission et dans son remplacement par A. Bouteflika, « le moins mauvais candidat » selon la formule consacrée du feu général M. Lamari. Peut-on donc s’abriter sous l’unique article 28 de la constitution (17), pour affirmer la neutralité politique de l’institution militaire et en faire un argument de jure ? Cet article est identique à l’article 25 de la Constitution de 1996 et à l’article 24 de celle de 1989, qui positionnent l’institution militaire dans le titre I, «des principes généraux régissant la société algérienne», ce qui consacre le fait qu’elle est considérée comme une composante de l’Etat et non celle du pouvoir exécutif (18), selon les constitutionalistes (19). A l’évidence, si elle est responsable de tous les choix idéologique, politique, économique, sociaux et culturel, depuis l’indépendance, au moins, qui peut pouvoir affirmer qu’elle n’est pas habilitée à corriger ce qu’elle a elle-même créé ? Lorsque l’on constate que le pays est en situation de vacuité de pouvoir et que la société se disloque, la situation devient périlleuse et l’institution militaire doit prendre ses responsabilités, pour la sauvegarde de la souveraineté nationale et de l’intégrité du territoire. Dès lors, les appels solennels lancés, en sa direction, par un certains nombres de personnalités, d’institutions, de partis et d’associations et autres organismes, semblent être justifiés, légitimes et légaux, sur le plan du droit et à la lecture de notre l’histoire. Le sont-ils, pour autant, sur le plan idéologique, politique, éthique et à l’aune des principes démocratiques universels ?

Infantilisation

Deux écoles s’affrontent à cet endroit où on semble entendre, au niveau des élites, des clameurs de type : « Démocrates, cherchons dictateur pour assurer la transition politique de l’Algérie » ! C’est du déjà vu, me semble-t-il ? Cette recherche éternelle d’un homme providentiel, affublé du générique de « despote éclairé », nous a déjà conduits au désastre actuel, faut-il, dès lors, récidiver ? D’un autre côté, l’infantilisation inoculée à notre société, entreprise depuis plus de vingt ans par ce pouvoir, à travers les « redressements » des partis représentatifs, la « bazarisation » et la corruption du tissu économique et l’exile forcé, intérieur et extérieur, des élites… nous interpellent tous, sur la capacité actuelle, des ressorts sociétaux à élaborer une phase de transitoire pour la mise en œuvre d’un processus démocratique ? Qui doit garantir ce processus et lui éviter tous les dérapages déjà expérimentés ? Beaucoup considèrent que la seule institution qui reste assez forte et organisée, pour imposer des règles démocratiques d’accession au pouvoir politique, reste l’institution militaire, qu’on le veuille ou non. C’est le retour à la case départ ! Le débat n’étant pas totalement tranché, dès lors, c’est le « branle-bas de combat », tout le monde est sur le pont pour faire perdurer le statu quo actuel, avec en projet, cerise sur le gâteau, le fameux « cinquième mandat » (20) ! Les tenants du pouvoir se cabrent contre ceux qui appellent l’institution militaire à prendre ses responsabilités, en appliquant l’article 102 de la constitution et pour qu’elle garantisse une succession présidentielle démocratique. Ils dénoncent cyniquement : « Ceux qui appellent à l’intervention de l’armée… Celui qui veut arriver au pouvoir sur un char ou par le biais d’un coup d’État se trompe… Nous voulons que l’institution militaire reste neutre conformément à la Constitution (21) », se pavane dans sa nouvelle dignité A. Ghoul, Président de TAJ (22), suivi en chœur par A. Ouyahia, A. Benyounès, D. Ould-Abbés (23)… feignant d’oublier sciemment, qu’ils ont tous été installés au pouvoir par l’institution militaire, il n’y a pas si longtemps, en 1999, entre autres et qu’ils souhaitent avec force le demeurer. La république « civile », qu’avait lancée en son temps A. Saadani, pour justifier son attaque acerbe contre le commandant du DRS, semble donc refaire surface, en cette occasion, pour argumenter le maintien du statuquo ou le cinquième mandat, ce qui revient au même. L’opposition réelle, quant à elle, forcée pour exister d’aller à la désignation élective communale de novembre, va s’arcbouter sur sa double position inconfortable, de dénoncer le statuquo et de participer aux élections communales mais prenant également part au débat sur la sortie de crise du pays. Pour toute opposition confondue, la responsabilité de l’impasse actuelle et future se concentre dans le système de gouvernance politique qui a prévalu et la solution unique se trouve dans sa réforme complète, toute autre solution intermédiaire paraissant suspecte (24). Les divergences commencent lorsque le problème de la faisabilité est abordé et celui des voies et les moyens, à mettre en œuvre, pour rendre ce processus viable et concret.

La désignation élective communale va se caractériser par un taux d’abstention réelle massive (moins 10% de votants environ !) mais également par une « victoire bisoutée » écrasante pour le duo partisan au pouvoir (FLN-RND) comme lors du dernier scrutin, déplore L. Hanoune. «Ils ont eu un aperçu sur le total désintéressement des citoyens lors des dernières législatives où près de 80% ont boudé ce scrutin» ! Ce résultat, à n’en pas douter, aura pour conséquence un approfondissement de la crise multidimensionnelle que traverse notre pays et agrandira un peu plus le gap sociétal entre le pouvoir et la population. Cet intermède terminé, il faudra bien se rendre à l’évidence et ouvrir la page de la prochaine désignation élective présidentielle qui se joue déjà, si l’on en croit les campagnes des prétendants « cachés sous le burnous ». Elle semble tourner autour de l’option A. Ouyahia (25) et S. Bouteflika (26), chacun poussant ses pions mais surtout tentant d’obtenir l’« extrême-onction » de l’institution militaire. En attendant que le candidat réel sorte du « dessous le burnous », son commandant opérationnel, le chef d’état-major s’étant prononcé, pour l’instant, contre une « option familiale », il est immédiatement rappelé à l’ordre à travers un message subliminal, diffusé à la veille de la célébration du 63e anniversaire du déclenchement de la révolution. En effet, le Président de la république elliptique considère que l’institution militaire « doit être tenue à l’abri des surenchères et des ambitions politiciennes », feignant d’oublier, au passage, que c’est cette même institution qui l’a imposé comme président en 1999 et qui lui a permis de se maintenir durant quatre mandats successifs ! Dans ce message, ce qui attire l’attention, c’est surtout la volonté inébranlable du Président elliptique de nier tous problèmes politiques en se confinant exclusivement sur le champ économique et social, dans lequel d’ailleurs, il présente un bilan « globalement positif » qui n’est contrarié que par la chute des prix de l’énergie (27) et non pas par sa gouvernance. Aussi, sa recette de sortie de crise semble, pour lui évidente, consiste à «la conduite et l’accélération des réformes nécessaires pour moderniser et décentraliser la gestion des affaires publiques, moderniser l’environnement de son économie, y compris financier et avancer dans la maîtrise des nouvelles technologies»… en attendant que les cours de l’énergie remontent ! Il rappelle cependant notamment aux ONG étrangères, que « la démocratie pluraliste et la liberté d’expression sont incontestablement des réalités bien établies ». Le comble est atteint lorsqu’il ajoute que « nous en acceptons même, sereinement, quelques excès et quelques outrances, convaincus que le peuple observe et prononce chaque fois ses arbitrages souverains » ! D’Annaba, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, lui répond : «La crise actuelle que traverse le pays ne concerne nullement le peuple, elle est le fait du pouvoir». Djamel Zenati considère pour sa part que «Le régime se présente sous la forme d’un mélange d’éléments hétéroclites empruntés au makhzen marocain, l’ancien Etat policier tunisien et l’oligarchie russe, d’où la difficulté à rendre compte des rapports de forces au sein du sérail. Une telle configuration entoure la succession de mystère, de manœuvre, d’incertitude. N’importe quoi peut en sortir». Cette caractéristique de notre société « explique qu’elle soit encore confrontée aux problèmes de la personnalisation du pouvoir et du culte du chef… Cette forme d’exercice du pouvoir, appelé «néo-patrimonialisme», n’est pas due à l’existence d’hommes providentiels, mais elle est la représentation du pouvoir issu de l’imaginaire social », renchérit F. Benabbou.

Qui, dans l’opposition ou dans l’opinion, peut croire en cet appel présidentiel « à ressouder les rangs face à la crise » ? A. Benflis, profitant d’espaces médiatiques électifs, déclare que «la sortie de crise ne peut être que pacifique et progressive. Nous préconisons le retour à la souveraineté populaire, à la légitimité politique et institutionnelle, à l’égalité citoyenne et à la justice sociale.» Mais il ajoute avec une certaine perfidie, « c’est à l’armée, qu’il salue pour son rôle dans le maintien de la stabilité, la sécurité et l’unité du pays, d’en être garante » ! Retour à la case départ.

M.G.   

Notes

(1) Le procédé est chaque fois identique, on recentre le débat sur une problématique de personnes pour mieux « noyer le poisson » et escamoter le débat d’idées. Exit Boukrouh-Ouyahia, Ouyahia- Ould-Abbas, Ould-Abbas-Saadani…

(2) Il n’y a pas si longtemps, durant la campagne des législatives, il déclaré exactement l’inverse, dans ses discours, invoquant une aisance financière pour plusieurs années, jusqu’en 2020. Aucune évaluation chiffrée n’est donnée quant aux besoins réels du Trésor public, à court, moyen et long terme, même pas une approximation, sauf  les 570 milliards de DA à mobiliser pour boucler l’exercice 2017.

(3) Le ministre des Finances a été contraint de rendre publique les données financières du pays, de  la fin mai 2017, à la fin mai 2018. Les statistiques montrent clairement que l’Algérie n’a jamais été en situation de faillite, ce qui signifie qu’A. Ouyahia a volontairement noirci le tableau. Dans quel but ?

(4) Pour le rendre encore un peu plus impopulaire, qu’il ne l’est déjà, le clan présidentiel lui a confié la mission de traquer les « nouveaux riches et leurs enfants », afin de lui ôter toute possibilité de se présenter comme outsider aux présidentielles, puisqu’il va s’aliéner les nouvelles fortunes, comme ce fut le cas pour les cadres emprisonnés à tort dans l’opération « mains-propres » qu’il a dirigé d’une main de maitre.  

(5) Le dernier « rapprochement » avec C. Khelil n’est pas fortuit, il obéit à une logique d’alliance avec une pièce maitresse du clan présidentiel (la trahison en politique étant une deuxième nature) mais surtout, c’est un clin d’œil aux lobbies américains du pétrole, avec à la clé, la révision de la loi sur les hydrocarbures, qu’il s’est dit prêt à amender pour leur être favorable, dans un contexte de baisse généralisée des prix relatifs. Il mène la même opération séduction avec les binationaux, après avoir voté leur exclusion. C. Khelil, en acceptant le deal, par un « renvoie l’ascenseur », lâche la candidature Saïd Bouteflika à la succession, qu’il juge irréalisable, d’où la réaction violente de D. Ould-Abbés, à l’égard d’A. Ouyahia, qui tente de réhabiliter C. Khelil.

(6) Il s’agit, en plus du Premier ministre et SG du RND, de D. Ould-Abbès, SG du FLN, de A. Ghol, Président du parti TAJ et d’A. Benyounès, SG du MPA, qui regroupent à eux seuls la majorité absolue, dans les deux chambres. Il faut souligner que le parti des islamistes ablutionnés du MSP s’est embusqué dans l’antichambre du pouvoir, en attendant de négocier chèrement son adhésion éventuelle au club de la dernière chance et que le PT va vendre chèrement (en nombre d’APC), son adhésion à la désignation élective communale.

(7) Chaque parti va faire monter les enchères, pour ce qui est des 1541 mandats de Président d’APC, en plus des membres des APW (avec leur impact sur les sénatoriales) durant la désignation élective communale. D. Ould-Abbas a obtenu un sursis comme SG du  FLN et après avoir neutralisé les membres de son BP, il se dispute la « chakra » avec A. Saadani, en attendant la réunion du CC. La fragilisation du clan présidentiel permet aux seconds couteaux d’exiger plus de pouvoir, ce qui se traduit par la déclaration blasphématoire D. Ould-Abbès : «Le prochain Président de l’Algérie, Dieu le sait, nous aussi, nous le connaissons…ce poste ne devrait pas échapper au FLN», excluant, de facto, A. Ouyahia, qui lui répond que «le RND a déjà son candidat pour la magistrature suprême de 2019 » !

(8) En ciblant cette catégorie socioprofessionnelle, le Premier ministre fait un appel indirect aux fonctionnaires des ministères de la défense, de l’intérieur, de la justice et de l’éducation nationale, soit les plus grandes administrations pourvoyeuses de postes dans la fonction publique. Au Sénat, il déclare « Je serais franc avec vous, si nous n’appliquons pas le financement non conventionnel, même les parlementaires ne pourront pas toucher leurs salaires ». Il semble les implorer « Soutenez-moi pour que je vous assure vos salaires » !

(9) Tout le monde connaissait les qualités avérées de grand diplomate international de L. Brahimi. Mais tout le monde ignorait son expertise médicale… Au sortir d’un entretien approprié avec le Président de la république, il déclare que « sa santé était en nette amélioration » après que D. Ould-Abbes eut déclaré, avant lui, que « le Président va bientôt marcher ». Lequel des deux est meilleur médecin ?

(10) La rencontre avec le Président vénézuélien Maduro, n’a pas pu se réaliser malgré son annonce, ce qui relance le débat sur le rôle du Conseil Constitutionnel. Sauf que l’article 102 « exige que la décision de la constatation de l’empêchement soit prise à l’unanimité des membres du Conseil. Il suffit qu’un seul membre du Conseil s’oppose pour que la procédure soit bloquée » estime F. Benabbou.

(11) Rareté des réunions du Conseil des ministres, aucune visite dans les Wilayas, absences aux cérémonies officielles civiles, militaires et religieuses, pas de cérémonies de présentation des lettres de créances des quelques soixante (60) ambassadeurs qui attendent leur tour, pas d’audiences des dignitaires du pouvoir (Les Présidents de l’APN et du Conseil de la nation, Premier ministres, ministres, les envoyés spéciaux).

(12) Aucune participation aux sommets internationaux, régionaux, arabes, africains, bilatéraux, à l’étranger, aucune réception des personnalités étrangères en visite dans notre pays, boycott de notre pays par des personnalités étrangères et non accréditation et réception des ambassadeurs. La revue « Lettre Diplomatique », confirme que « Tant que la présentation des lettres de créance au chef d’État n’a pas eu lieu, l’ambassadeur désigné doit se considérer comme incognito et ne pourra effectuer de visites aux autorités nationales, ni assister à des manifestations publiques dans l’exercice d’une fonction qui n’est pas encore reconnue par l’État hôte ».

(13) M. Benachenhou observe que la constitution est instrumentalisée comme un « Etat patrimonial, géré comme une propriété privée et des algériennes et algériens, des sujets d’un pouvoir monocratique ». Il lance un appel sans équivoque :« Que les vrais maîtres du pays, quels qu’ils soient, cessent de se cacher derrière un faux légalisme constitutionnel, alors qu’ils savent fort bien que la Constitution n’est qu’un rideau de papier imprimé, que l’usurpation du pouvoir suprême a rendu encore plus évident! ». 

(14) En réaction, N. Boukrouh fustige les trois personnalités (A. Yahia-Abdennour, A. Taleb-el-Ibrahimi, R. Benyelles, qui ont repris à leur compte cette initiative, « sans l’avoir cité en référence » ! Il ajoute « Si je l’avais fais sans respecter ces usages, si méprisés dans notre pays, à l’envers et qu’un chinois ou un autre m’aurait dénoncé, je n’aurais pas ajouté, à ma malhonnêteté, l’imbécilité de lui répliquer : «Toutes les idées sont dans la nature ! Vous et votre Lao Tseu n’êtes que des égocentriques, des mythomanes, vous prenant pour le centre de l’univers ! ».

(15) Que l’on veuille ou pas, ce mandat présidentiel long de vingt ans laissera des traces profondes après son départ et l’évaluation des dégâts enregistrés dans tous les domaines ce qui ne manquera pas de susciter des modes linguistiques de références à cette période.  

(16) Pour ceux qui auraient encore des doutes, concernant l’implication de l’institution militaire dans la sphère politique de tout temps, dans notre pays, la sortie de la suite des mémoires du général K. Nezzar sont d’une extrême limpidité pour prouver cette implication aves des exemples concrets à différentes étapes.

(17) L’excellente analyse d’A. Haboul, ex-magistrat et syndicaliste, mérite un détour. En effet, il considère que «Les appels à l’intervention de l’armée sont légitimes et justifiés sur le plan du droit».

(18) Le fait que le Président soit également ministre de la défense lui confère un caractère civil et de militaire, à la fois, de même qu’A. Gaïd Salah qui cumule les postes de chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, fait de lui, un civilo-militaire.

(19) F. Benabbou va plus loin et considère que, « L’article 102 de la Constitution révisée de 1996 est sans appel : logiquement, si tout président de la République ne peut effectuer que deux mandats, au nom de quoi, il serait permis à l’actuel Président de briguer un 5e mandat, sinon plus ? Que fait-on du principe sacro-saint de la République, qui est l’égalité de tous devant la loi ? Peut-on faire table rase du droit préexistant et recommencer le comptage des mandats à zéro ? Au risque de me répéter, un compteur à zéro n’est valable que dans le cadre d’une nouvelle Constitution… C’est donc bien sur la base de la Constitution de 1996 qu’il a été élu pour un 4e mandat et dont il tire sa légitimité actuelle ».

(20) M. Ait Larbi estime que « Le fait d’envisager un 5e mandat est une provocation ». Il caresse toujours le rêve que pouvoir fasse de lui un « distinguish President ».

(21) Si plus de trois généraux se rassemblent, sous un prétexte ou un autre, cela se traduit par des sanctions graves, surtout si l’un d’eux se nomme le général de corps d’armée, à la retraite, M. Médiène dit Toufik, l’exemple nous vient de l’arme de la gendarmerie.

(22) Il semble oublier qu’il doit sa carrière, son immunité judiciaire, son parti et son poste de sénateur, grâce aux parties de football, qu’il pratiquait dans une caserne de Béni-Messous et avec une équipe composée très largement de militaires.

(23) D. Ould-Abbés a des dons d’ubiquité, puisqu’il déclarait poursuivre, en 1959, à partir de sa cellule de condamné à  mort dans la prison de Serkadji, ses études de médecine, en ex-Allemagne de l’Est, où il avait comme camarade de promotion Angela Merkel qui n’avait que 5 ans…

(24) Pour M. Belabbas du RCD, A. Benflis, président de Talaie El Hourriyet, M. Hadj Djilani, premier secrétaire du FFS, L. Hanoune du PT, S. Djilali de Jil Jadid et de personnalités politiques comme S. A. Ghozali, A. Benbitour, A. Taleb, A. Abdenour, R. Benyelles… le salut réside dans le changement de régime et non dans le remplacement d’un homme par un autre.

(25) Selon «d’Al-Quds Al-Arabi» média basé à Londres A. Ouyahia semble avoir «annoncé sa candidature à partir de Sétif, une allusion à la promesse faite par A. Bouteflika, dans cette même wilaya en 2012, de ne pas briguer un quatrième mandat ». Très maladroitement, le porte-parole du RND, S. Chihab, déclare que «Le soutien d’Ahmed Ouyahia au président Bouteflika est sans condition. Il ne va donc pas gêner le président Bouteflika s’il décide de briguer un autre mandat», ce qui signifie qu’il se présentera contre son frère ! Le reste est connu !

(26) Le journal Le Monde considère que le frère du Président a pris son ascension à partir de juin 2005, avec l’éviction de L. Belkheir, puis en septembre 2015, avec le départ à la retraite du général de corps d’armée M. Médiène. Cette lecture confirme, selon ce journal, que la programmation du frère du Président n’est pas une invention journalistique mais qu’il est bien actuellement «présumé dépositaire du pouvoir présidentiel».

(27) Le léger mouvement haussier de ces derniers jours des cours du brut (autour de 60US$ le baril) a redonné du baume au cœur du pouvoir qui semble ignorer les mouvements cycliques des cours durant les différents mois, ajoutant à cela la géopolitique qui prend acte de la « Balkanisation » de l’Irak et de ses répercutions sur la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran… la guerre pour la construction du « nouveau Kurdistan » étant inévitable.    
 

Auteur
Dr Mourad Goumiri, Professeur associé.

 




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