Mardi 28 juillet 2020
Gisèle Halimi, avocate de Djamila Boupacha, est décédée
Grande avocate notamment des nationalistes algériens et ancienne députée, Gisèle Halimi a consacré sa vie à la cause des femmes et aussi au droit à l’avortement. Elle est décédée au lendemain de son 93e anniversaire.
Signataire du « manifeste des 343 salopes » en avril 1971, Gisèle Halimi était une éternelle insoumise. Une grande dame aux multiples causes. Son nom se confond avec l’histoire de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Elle a fait partie des avocats courageux qui ont défendu les nationalistes algériens aux pires moments de la guerre.
Une grande figure des causes justes s’est éteinte. L’avocate et ancienne députée Gisèle Halimi est décédée mardi 28 juillet, au lendemain de son 93e anniversaire, a annoncé sa famille. « Elle s’est éteinte dans la sérénité, à Paris », a déclaré à l’Agence France-Presse l’un de ses trois fils, Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu « une belle vie ». « Sa famille est autour d’elle », a-t-il ajouté. « Elle a lutté pour arriver à ses 93 ans. ».
Issue d’une famille modeste, Gisèle Halimi est née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie.
Au terme d’une manifestation à Alger en faveur de l’Algérie française, Gisèle Halimi fut séquestrée par des paras aux cris de « salope », « putain du FLN » et menacée de mort. Après l’indépendance de l’Algérie, elle échappa à des tueurs de l’OAS. Elle a notamment défendu Djamila Boupacha auquelle elle a consacré avec Simone de Beauvoir le livre éponyme. Par la voix de la célèbre Djamila Boupacha, elle a découvert les horreurs des paras de l’armée française et l’emprise du gros colonat.
Ce livre Djamila Boupacha retrace l’histoire de cette femme, son procès et les pressions auxquelles était soumis le collectif d’avocats et la mécanique de la torture érigée en système.
En signe de soutien à la cause palestinienne, elle a également été membre du collectif d’avocats de Marwan Barghouti, haut cadre du Fatah, arrêté en 2002 par Israël qui l’a condamné à cinq peines de prison à perpétuité pour meurtres pour son rôle dans différents attentats anti-israéliens au cours de la seconde Intifada.
Avocate engagée, elle se fait notamment connaître lors du procès emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée pour avoir avorté à la suite d’un viol. Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, début 1975, avec la loi Veil. Fondatrice en 1971 avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir de l’association pour le droit à l’avortement « Choisir la cause des femmes », elle est la même année l’une des signataires du célèbre manifeste des 343 femmes disant publiquement avoir avorté.
Mère de trois garçons, dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu’elle aurait aimé avoir une fille pour « mettre à l’épreuve » son engagement féministe. « J’aurais voulu savoir si, en l’élevant, j’allais me conformer exactement à ce que j’avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes », a-t-elle dit au Monde en 2011. Dans une longue interview accordée au journal Le Monde en septembre 2019, la nonagénaire s’étonnait encore que « les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale ».