« On dit que le désir naît de la volonté, c’est le contraire, c’est du désir que naît la volonté. Le désir est fils de l’organisation. » Denis Diderot

Comment en arrive-t-on à dessiner un costume ? Qu’est-ce qui conduit un jeune homme au sortir de ses études scientifiques de se pencher sur du tissu pour écrire un habit comme on dessinerait un poème ? Quel est le rôle du concepteur de toilettes à porter pour des fêtes en Algérie ou ailleurs ? Comment s’inscrit le costume dans l’œuvre festive d’un mariage ou d’une occasion à fêter en famille ou entre amis ? Comment apparaître pour attirer les regards d’admiration et se sentir en osmose avec le monde joyeux qui nous entoure ? Beaucoup de questions à poser, beaucoup de réflexions à trouver.

Sétif, ma ville natale, m’a donné l’autre jour une occasion impromptue de rencontrer un créateur de costumes en rentrant dans son magasin situé rue Sileg afin de choisir une belle tenue pour Soade et lui faire plaisir. Ma réflexion commence par un aveu : jusqu’à présent, je ne me suis jamais vraiment penché sur les principes de cet art et sur ses fondements abstraits. Mon approche de ce métier a toujours été très concrète, la pratique incluant une réflexion particulière, puisqu’elle est liée à une œuvre en particulier. Si je me suis intéressé à ce métier de créateur, c’est qu’il correspond à la rencontre avec Halim Kermouche qui m’a montré ce qu’il faisait, ce qu’il créait avec professionnalisme. 

Halim Kermouche avait besoin d’expliquer et d’inscrire visuellement et même graphiquement une création, un costume, une robe… Cette élaboration d’un vêtement, ce projet suspendu entre l’imagination et le concret — une décision et un but — est un défi. Raisonner, réfléchir, douter aussi.

Halim Kermouche questionne les évidences et les intentions pour que la femme qu’il se propose d’habiller puisse atteindre une joie et une dimension existentielles. C’est sa façon de peindre et d’esquisser un bout de tissu qui deviendra une seconde peau. Il s’efforce de poser sur le tissu une analyse nouvelle, une interrogation autre. La langue visuelle, par le dessin et par la mise en concret de ce dessin, représente matériellement un concept. C’est la fonction du regard de l’inventeur.

Le dessin, l’esquisse, la maquette sont des expressions immédiatement perceptibles. Elles sont le résultat d’une capacité de traduire. L’idée de dessiner naît d’un besoin : celui de dire, d’informer, de créer, de souligner. L’écriture visuelle est une écriture profonde ; elle schématise et met en lumière des traits à croquer sur une feuille de papier. Elle crée un geste, elle recrée le possible et le réel. Elle identifie, elle est la conscience d’un temps et met à nu l’étrange et contradictoire vérité enracinée dans une société : être élégant un jour précis pour une occasion donnée.

L’initiateur, dans sa capacité de recevoir et de traduire comment veut être perçu le citoyen dans ce qu’il a de plus serré au corps, se sert aussi du corps comme témoin. Le costume, langage et parole du corps, contient, établit, provoque, réagit, se défend, fait partie du grand gestuel humain, du mouvement, de l’émotion corporelle. Chaque production, chaque recherche, chaque démarche crée un espace et un habit nouveaux. Toute réflexion, toute création invite à regarder la représentation de la femme sous un angle nouveau. 

Halim Kermouche nous offre un aspect résolument moderne du karakou. L’utilisation de matériaux sophistiqués comme la soie, le satin, le taffetas, les perles et le velours si agréable au toucher projette la femme dans une sphère réjouissante. Ce poète des matières nobles s’avise de mélanger les couleurs. Son style est résolument moderne. Halim Kermouche ne fabrique pas seulement du rêve mais un mythe enfin accessible.