22 novembre 2024
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Sur les traces des héros de la bataille du 7 décembre 1957

Randonnée à Tizi N’Tsenant (Kabylie)

Sur les traces des héros de la bataille du 7 décembre 1957

Montagne aux paysages époustouflants, le Djurdjura est aussi un endroit riche en histoire qui conserve, gravé dans ses roches, de glorieuses pages de la Révolution telle que la bataille du 7 décembre 1957.

C’est ce côté historique de cette montagne qu’un groupe de randonneurs, composé de trois journalistes et encadré par le guide de montagne Lounes Méziani, et le chef d’antenne de Tala Guilef du Parc National du Djurdjura, Mahdi Abdelaziz, a voulu découvrir, 60 ans plus tard, en partant sur les traces des héros de cette fameuse bataille et qui ont infligé à l’armée coloniale françaises une cuisante défaite qui s’est soldé par 12 soldats tués et un avion abattu.

C’est dans des conditions plus sereines et une météo beaucoup plus clémente que celles d’il y a 60 ans, que les randonneurs qui n’avaient pas à guetter un ennemi embusqué, ont pris le départs vers Tizi N’Tsenant, à partir du village Ath Irane, perché a 1086 mètres d’altitude, dans la commune d’Ait Bouaddou (Daïra de Ouadhias), à une à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi-Ouzou.

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La randonnée est entamée dans un décor plutôt bucolique, qu’on croirait tout droit sorti d’un conte : une piste bordée de chênes et d’oliviers aux branches chargées de fruits, des femmes en habit traditionnel qui saluent les visiteurs avec un large sourire, et même un berger emmitouflé dans un burnous accompagné d’un enfant, qui mène, sous l’oeil vigilant de deux chiens, un troupeau de chèvres vers les pâturages alentours.

A la sortie de ce village, apparait un hameau coincé au creux d’un ravin et dissimulé aux regards du côté Est, par une imposante barrière calcaire, quasiment dénudée de toute végétation. Enfant de la région et fin connaisseur de son histoire, Ahmed N’Ath Kaci Ouamer raconte que, pendant la guerre de libération, les habitants de ce village Ath Oulhadj, s’étaient réfugiés au sommet de ce rocher pour fuir les exactions de l’armée coloniale.

Les soldats français qui les ont suivis, ont décidé de les encercler et s’installer au niveau de la seule source d’eau des environs, située en contrebas du site où les villageois avaient pris refuge, attendant que la soif les fasse redescendre, a-t-il ajouté en se référant aux témoignages recueillis auprès de personnes âgées de la région.

C’était sans compter sur l’intelligence des habitants d’Ath Oulhadj qui ont trouvé une ruse pour tromper l’ennemi. Dès le matin, les femmes récupèrent des foyers consumés allumés la nuit, de la cendre qu’elles saupoudrent sur des vêtements. Elles se placent à un endroit visible des soldats français qui guettent plus bas, et secouent le linge avant de l’étende comme pour le sécher. La cendre en tombant donnait l’illusion de gouttelettes d’eau qui se dégagent d’un linge lavé.

Voyant cela, les soldats français pensèrent qu’il devait avoir une source d’eau au sommet du rocher et qui, en plus, devait être importante si les villageois se permettaient le luxe d’y laver leurs vêtements. Ils décidèrent donc de lever le camp. Considéré comme un des fiefs de la résistance, l’armée française avait évacué et bombardé les villages de cette région dont Ath Irane et Ath Oulhadj, selon des témoignages de leurs habitants.

En s’éloignant du village d’Ath Irane, le parcours devient de plus en plus difficile. Ce n’est plus de la randonnée mais plutôt de l’ascension à travers des dolines qui se succèdent en chapelet interminable qui semble vouloir toucher les nuages dans leurs courses vers le ciel. Le groupe de randonneur a dû effectuer plusieurs pauses pour reprendre son souffle mais aussi contempler le paysage lunaire qui se dévoile tout autour.

Détermination des maquisards

C’est ce même parcours que le 7 décembre 1957, en plein Révolution contre le colonialisme français, que le Djurdjura, qui a accueilli de valeureux moudjahidine qui ont choisi la rudesse des maquis de la liberté pour affranchir leur pays du joug colonial, qu’un groupe de combattants avait emprunté pour tendre une embuscade à la soldatesque coloniale.

La neige recouvrait les cimes du Djurdjura qui s’apprêtait à inscrire en lettres d’or une énième glorieuse page de l’Histoire du pays, et un froid glacial balayait un paysage fait de dolines de schiste gris, dissuadant hommes et bêtes à pointer le nez dehors.

C’est sans compter sur la détermination d’hommes engagés pour une cause noble, la plus noble qui soit, l’Amour de la patrie. Mue par cet amour fort, sincère et immaculé, Moh Zahzouh, aujourd’hui octogénaire, avait pris part à cette mission décidée par le Colonel Amirouche Ait Hamouda, pour libérer des compagnons prisonniers, prenant, avec ses camarades, la route vers Tizi N’Tsenant située à environ 1900 m d’altitude.

Le groupe de Moudjahidine, a raconté Moh Zahzouh à l’APS, est arrivé dans la région d’Ath Heguene le 5 décembre 1957 pour préparer l’embuscade. « Nous y sommes restés deux jours, pour préparer l’embuscade, mais l’endroit ne s’y prêtait pas, car trop dégagé et découvert, ne nous permettant pas un repli sécurisé. Nous nous sommes donc déplacés pour rejoindre les falaises d’Asfis, entre Ait Ergane et Ait Bouaddou », se rappelle-t-il.

« Le 7 décembre 1957 vers 3h du matin, nous avons traversé la route qui mène vers Tikjda et on nous a signalé la présence de soldats français. C’est alors qu’on s’est déplacé vers Ath Argane dans un endroit stratégique et nous voyions les soldats français arriver à partir d’Agouni Gueghrane.

Un premier accrochage à eu lieu, pour couvrir des moudjahidine qui étaient dans les environs et l’ennemi s’est replié, raconte Moh Zahzouh, dont l’âge à l’époque ne dépassait pas les 19 ans.

« Vers 10h, nous avons vu des hélicos arriver de partout ramenant des soldats et vers 15 ou 16 heures, nous avions vu des avions bombardant une plate-forme à Tizi N’Tessenant pour permettre aux avions Banane qui servaient au transport de troupe et de matériel de guerre d’atterrir. Donc nous nous sommes rendus là-bas car ce même site était déjà presque encerclé par les soldats de l’Armée de libération nationale (ALN), ce qui nous offrait une occasion idéale pour une embuscade », a-t-il ajouté.

La bataille fut rude et dura plusieurs heures, mais la détermination et le courage des maquisards de l’ALN qui combattaient pour une cause noble et juste, l’indépendance de leur pays, l’emporta sur la l’avantage matériel de l’armée coloniale. Les pertes furent lourdes côté français, qui a perdu 12 soldats et un avion de reconnaissance, que les moudjahidine appelaient Tamouchart, abattu par un moudjahid embusqué dans un endroit stratégique avec un fusil mitrailleur. « Celui-ci était tombé du côté du pic d’Issig issig, à plus de 2000 mètres d’altitude », se souvient Moh Zahzouh.

Cuisante défaite de l’ennemi

A l’issue de cette même bataille, les moudjahidine ont récupéré 4 Matt 49, une carabine, des munitions, des montres, des treillis et autres chaussures, a ajouté ce même Moudjahid qui a dit regretter la perte ce jour-là d’un compagnon d’arme qui a été enterré du côté du lac Agoulmim, en raison de la difficulté de porter son corps à travers les falaises escarpées de cette partie du Djurdjura.

L’éprouvante ascension effectuée par les cinq randonneurs, 60 ans plus tard, jusqu’au pic d’Issig Issig, se veut être un hommage aux martyrs tombés aux champs d’honneur.

Le Djurdjura demeure un mythe pour les historiens, par rapport aux sacrifices des maquisards et aux conditions de résistance face à l’armée coloniale. « Ces valeureux combattants avaient sillonné tous ces espaces escarpés, dans des conditions climatiques exécrables : chaleurs torrides en été et froid glacial et climat neigeux en hiver », a relevé Lounes Meziani pour qui la randonnée a permis de marcher sur les traces de moudjahidine ayant permis de saisir une infime partie de ce qu’ils avaient endurée durant cette période cruciale de la Révolution.

Le Djurdjura, au-delà de ses paysages pittoresques, est aussi, admet-on, un symbole pour la nouvelle génération qui découvre le rôle majeure de cette majestueuse montagne durant de la guerre de libération nationale à travers des randonnées on ne peut plus instructives.

Auteur
APS

 




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