Samedi 6 février 2021
Ahcène Mezani et Aït Farida : « F-hem iman-ik », l’échange bouleversant
Nous sommes à l’automne 1962. Tout juste débarqué dans le bar de mon père à Nancy, un élément imposant attire instantanément mon attention : le jukebox qui se trouvait à l’entrée, et duquel ne sortaient que des sonorités du pays.
Entre l’immortelle « Rah demɛi djra » de Boudjmaa el-Ankis et l’inimitable « Aṭṭas ay sebraɣ » de Slimane Azem et Bahia Farah (*), arabophones et berbérophones se disputaient les échos de moultes mélodies d’intense nostalgie.
En cette époque des premiers mois de liberté enfin retrouvée, le pauvre émigré était partagé entre le bonheur de voir une Algérie indépendante et le désenchantement de ne pas avoir amassé suffisamment d’avoir pour rentrer au bled en fanfare.
Parmi de nombreux titres nostalgiques, poignante est la tristesse qui transpire de l’interprétation en duo de « F-hem iman-ik ». Cette chanson, admirablement interprétée par Ahcène Mezani et Aït Farida, déclenchait souvent des flots d’émotions qui se propageaient jusqu’aux glandes lacrymales parmi nos jeunes émigrés.
Essayez-donc de contenir les vôtres, avec ces voix et ces cris de détresse et d’échanges entre l’exilé et sa fiancée !
Même si les époques ont changé et que, de nos jours, on s’en va avec femme et enfants, il est important de ne pas oublier les souffrances des émigrés d’antan.
En arabe de chez nous, « f-hem iman-ik » signifie « ef-ham rouhek ». En voici une traduction en français pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir appris taqvaylit au berceau.
Aït Farida
Tu es parti il y a si longtemps
Dans l’exil ton cœur est à la fête
Et moi je t’espère matin et soir
Tes amis se languissent de te revoir
Moi qui croyais que tu me comprendrais
Peut-être as-tu changé d’avis
Avec toi-même réconcilie-toi
Ton bonheur c’est ton foyer ici
Ahcène Mezani
Toi ma Kabyle ma bien-aimée
Je suis malade et ne fait qu’empirer
Quand ton ombre m’interpelle.
L’exil n’est pas un béguin
Je n’ai fait que suivre mon pain
Puisse ton cœur ne pas changer
Avec toi-même réconcilie-toi
Moi aussi je me languis de toi
Dans l’exil je me languis de toi.
Aït Farida
Nombreux sont ceux trompés par l’exil
Que ce soit eux ou toi
Ne crois pas que c’est une source de bienfaits
Tu perds vite ce que tu as gagné
Nombreux sont ceux qui ont récolté à l’abondance
Mais toi tu sembles poursuivi pas la malchance
Avec toi-même réconcilie-toi
Ton bonheur c’est ton foyer ici.
Ahcène Mezani
Sans balle dans la peau je suis blessé
C’est en plein cœur que je suis touché
Quand je regarde les filles de ta beauté.
Si nous savons tous deux patienter
Bientôt avec toi je serai
Tu seras joyeuse le cœur en fête
Ma tendre ton cœur sera en fête
Avec toi-même réconcilie-toi
Moi aussi je me languis de toi
Dans l’exil je me languis de toi…
Kacem Madani
Renvoi
(*)https://lematindalgerie.comslimane-azem-bahia-farah-les-ecouter-jai-vu-les-hommes-pleurer
https://www.youtube.com/watch?v=jzwe3LS_knw&list=RDjzwe3LS_knw&start_radio=1