Mercredi 27 janvier 2021
Lounis Aït Menguellet revisité : « Ammenuɣ », belligérances… dans les gènes !
Crédit photo : Hayet Aït Menguellet.
Ce n’est qu’en 2010, soit cinq ans après » Yenna-d Umɣar » que Lounis nous concocte un nouvel album. Est-ce par manque d’inspiration qu’il nous a fait attendre aussi longtemps ? Il faut croire que oui, puisque le titre éponyme de l’opus est justement « Tawriqt tacevḥant », la page blanche.
Toutefois, puisqu’il lui aura fallu plus de 5min de chant et de poésie pour décrire cette sensation de page blanche, il faut croire aussi que même le manque d’inspiration est une source de création pour notre barde.
La nouveauté dans cet album c’est la reprise de l’indémodable « blowing in the wind », de Bob Dylan, que Lounis transforme en « Lewǧab deg waḍu », avec un texte conforme à l’original et une interprétation, oscillant entre folk et country music, fort réussie. Cependant, tel que sorti en France, l’album ne contenait pas de 7ème titre. Ce fut une sacrée déception pour quelqu’un qui peut se vanter de posséder la totalité de l’œuvre de son idole. Il aura donc fallu attendre un petit voyage au bled pour se procurer le même album avec « Lewǧab deg waḍu » en supplément.
Sur les sept titres nous avons choisi de vous traduire « Ammenuɣ », car Lounis y fait défiler les belligérances permanentes qui ont structuré, et structurent toujours, l’évolution de la vie sur Terre depuis qu’elle s’y est développée. La vie n’est finalement qu’une combinaison de joutes entre espèces et à l’intérieur des mêmes espèces, la ruse et la force faisant loi. Et malgré son intelligence supérieure supposée, l’Homme n’échappe pas à une règle qui se veut générale pour le monde animal.
Un monde dont il n’est qu’une ramification parmi des millions d’autres qui se succèdent depuis que les premières cellules de la vie sont apparues sur notre petite et fragile planète bleue. Quant au ciel exclusif des humains, il peut bien attendre…
« Ammenuɣ », belligérances
À l’aube du premier matin
À la genèse de la création
De la mer surgit un poisson
Face à lui le soleil et son illumination
De tout cela il prit possession
Voilà que son frère rentre en compétition
Il le culbute et le fait choir
Avant qu’il n’ait pu crier il n’en fait qu’une bouchée
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Vint l’Homme qui se mit à se contempler
De ce qu’il voit il est impressionné
De questions il se torture l’esprit
Où va-t-il et d’où vient-il
Pour se réconcilier avec son ego
Pour faire face aux imbroglios
Il lève les yeux vers le ciel
Et lui dit : « je suivrai ta volonté »
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Un pays se dresse contre un autre
Et lui dit : « je veux m’élargir
Tes terres tu dois me les laisser
Sinon je te combattrai
Tu ne peux pas te défendre
C’est par la base que je te saperai
Tes terres il me les faut
Je saurai mieux m’en occuper »
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Ils sont à la recherche de la clef
Avant même de trouver la porte
Ils se préoccupent du printemps
Alors qu’hiver et gel les entravent
Les uns disent : ils se soucient de leur pitance
Les autres devisent : c’est leur façon de voir plus loin
Chacun voit ce qu’il veut bien voir
Entre eux c’est désormais la discorde
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Dès que le père prononce un mot
Le fils accoure pour obéir
Son maître l’arrête
Et lui dit : « Reste où tu es
Dis à ton père l’impertinent
Les règles ont changé
Quoique tu veuille sollicite mon agrément
Que je sois d’accord ou non »
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Entre frères c’est la partition
Chacun une belle part d’avoirs
L’ainé se dresse pour contester
Celles du benjamin et du cadet
« De vous tous je suis le plus âgé
Mes printemps valent leur complément
De nous tous je suis le plus instruit
De l’avoir je dois vous surpasser »
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances ont commencé
Quand le monde sera anéanti
Quand ce sera l’extinction fatale
Le jour ne poindra plus
L’Histoire de la vie s’achève
Tout ce qui était n’est plus
Comme s’il n’avait jamais existé
Quand le dernier homme tombera
Il s’écriera : « sur qui déverser mon courroux »
Je ne sais pas pourquoi mais
Ce jour-là les belligérances prendront fin.