3 décembre 2024
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Nora Hamdi : « Il fallait aller jusqu’au bout de cette cruauté »

ENTRETIEN

Nora Hamdi : « Il fallait aller jusqu’au bout de cette cruauté »

« La Maquisarde » est un film de Nora Hamdi. Il est dans les salles dès ce mercredi 16 septembre en France. Ce drame historique raconte le combat des femmes, leur participation à la lutte de libération nationale, la torture et une histoire d’amitié dans l’épreuve. C’est un film coup-de-poing qui mérite amplement d’être vu.

Dans cet entretien, la réalisatrice revient sur ce film et donne quelques clés de compréhension.

Le Matin d’Algérie : Comment est née l’idée de passer de l’écrit à un film ?

Nora Hamdi : En visualisant le livre, les images me sont venues naturellement et j’avais envie de voir des femmes dans cette guerre en images, voir la guerre au féminin car cela manquait dans le cinéma et surtout montrer cette génération de femmes que je trouve résolument plus courageuse que nous. Nous leur devons cet hommage pour ne pas les oublier. Donc, il fallait les montrer.

Le Matin d’Algérie : Quelles ont été les principales difficultés que vous aviez dû affronter pour faire aboutir votre projet ?

Nora Hamdi : J’ai produit le film car en effet, les producteurs étaient frileux, sauf un que j’avais au début, qui m’a soutenu en présentant le film au Centre national du cinéma (CNC) mais qui été refusé sans vraiment d’explication (on m’a dit qu’il y avait trop de concurrence) on n’a rien compris. Puis, ce producteur ne pouvait pas continuer car paix à son âme, il n’est plus de ce monde. C’est ensuite, en voyant un documentaire sur le cinéaste John Cassavetes qui racontait comment au début il faisait ses films indépendants mais sans budget cela m’a inspirée. Je me suis demandé si c’était possible à notre époque, j’ai essayé et même si c’était compliqué, je l’ai fait. Mais ce film va permettre d’aborder la guerre d’Algérie comme un fait historique et non comme tabou.

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Le Matin d’Algérie : Vous avez traité les séances de torture (pourtant sujet central par sa récurrence) avec beaucoup de retenue. On a en tête le précédent du film « La Bataille d’Alger » qui a été censuré pendant près de 40 ans en France… Peut-on savoir pourquoi vous avez fait le choix de ne pas trop s’attarder sur le sujet alors même qu’une grosse partie du film se déroule dans le huis clos d’une caserne ?

Nora Hamdi : Nous sommes tellement habitués aux images violentes sur internet et dans les films qu’on est parfois devenu insensible et j’avais envie de donner de la réflexion, faire réfléchir en montrant les conséquences de la violence, de la torture, du viol, on comprend très bien ce qui se passe et pour moi, c’est plus fort, je voulais donner un sentiment de malaise, à travers le ressenti. Surtout en montrant une Française se faire torturer par les siens, à qui elle donne mauvaise conscience sur cette situation, il fallait aller jusqu’au bout de cette cruauté. En fait, l’histoire se passe dans un lieu d’interrogatoire interdit ou l’on pratique la torture, c’est ce que faisaient les groupes de commandos, ils ne restaient jamais longtemps dans les lieux qu’ils investissaient, c’était parfois dans des fermes, des villas, des écoles vides ….

Le Matin d’Algérie : Avez-vous sollicité des financements algériens pour le tournage ?

Nora Hamdi : J’avais essayé en effet ; le ministère de la Culture m’avait même invitée à la résidence d’écriture à l’AARC pour écrire le film, j’avais même lancé un casting, mais c’était devenu compliqué par la suite, alors j’ai pris des images que j’ai récupérées d’Algérie et celles de la France.

Le Matin d’Algérie : Le choix esthétique de filmer au plus près, souvent caméra à l’épaule et images d’archives en appui font penser au documentaire. Qu’est-ce qui a dicté ce choix ?

Nora Hamdi : J’avais envie d’entrer dans la tête de mes personnages, la psychologie des femmes dans cette situation, que l’on vive avec elles ce qu’elles avaient enduré, il fallait être proche d’elles pour les ressentir et la partie en huis clos était parfaite pour cela.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que l’opinion publique en France soit prête à voir des films comme le vôtre sur « la guerre d’Algérie »

Nora Hamdi : Oui, car la parole se libère, les générations qui n’ont pas connu la guerre sont plus objectives sur le sujet, elles le traitement comme un fait historique, d’ailleurs le président Macron est le seul président à avoir mis des mots sur cette guerre qu’il a qualifiée de crime contre l’humanité et le fait d’ouvrir les archives et en rendant les crânes de résistants algériens en Algérie sont des geste forts, et je pense que c’est parce que nous sommes de la même génération que l’on peut objectivement aborder le même sujet, et les gens ne se posent pas la question du tabou, qui est une arnaque pour ne pas parler du sujet. La France est prête, oui, elle veut aussi savoir.

Le Matin d’Algérie : Quand on pense au nombre de films réalisés par les Américains sur leurs guerres (Vietnam, Irak, Afghanistan…) au nombre de de films réalisés en France sur la guerre en Algérie, on a comme le sentiment que le sujet demeure très sensible, voire tabou. Qu’en pensez-vous ?

Nora Hamdi : Oui, c’est très sensible surtout quand on est une femme qui réalise un film sur la guerre d’Algérie sous l’axe des femmes. Mais pas impossible. Il est important d’affronter le passé que certains aimeraient faire passer sous silence car trop gênant, mais mon rôle, de citoyenne, entre autres d’auteure et cinéaste est de mettre en lumière ce passé pour mieux vivre la relation France-Algérie sereinement, l’apaisement ne peut aller que dans la lumière.

Le Matin d’Algérie : Verra-t-on votre film en Algérie ?

Nora Hamdi : En fait, l’Algérie a été la première à avoir vu le film dans deux festivals auxquels j’ai participé, à Bejaïa et à Saïda, l’accueil a été formidable, mais en effet, j’aimerais qu’il y ait une sortie nationale dans ce pays, ce qui serait en leur honneur.

H. A.

« La maquisarde », drame historique réalisé par Nora Hamdi (1h37) avec Sawsan AbèsEmilie Favre-BertinBastien Tosetti

Synopsis : Algérie. 1956. Plongée dans une guerre qui ne dit pas son nom, une jeune paysanne devient, malgré elle, une maquisarde. Mais lors d’une attaque, elle se fait capturer par un groupe de commandos qui la conduit dans un lieu d’interrogatoire interdit, où elle est enfermée avec une ancienne résistante française …

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Auteur
Entretien réalisé par Hamid Arab

 




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