26 novembre 2024
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Lettre ouverte aux procureurs et aux juges de la République : libérez les détenus d’opinion

TRIBUNE

Lettre ouverte aux procureurs et aux juges de la République : libérez les détenus d’opinion

Nous, membres de la Coordination nationale des universitaires pour le changement (CNUAC), sommes très préoccupés par la détérioration de la situation des droits humains et par la répression, continue et croissante, exercée contre les membres du mouvement démocratique Hirak.

Plus d’un millier de personnes sont poursuivies en justice pour avoir participé au mouvement du Hirak ou pour avoir simplement publié ou « liké » des messages sur les réseaux sociaux. Ils n’ont commis aucun acte délictueux. Les universitaires s’interrogent et s’inquiètent au sujet des conséquences, à court, moyen et long terme de toutes ces arrestations arbitraires. 

La Déclaration Universelle des Droit de l’Homme (DUDH) appelle les autorités du monde entier à respecter les libertés individuelles et collectives des citoyens. Elle réaffirme les principes établis des droits de la personne, de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de l’état de droit. Rappelons que dans son préambule, la Constitution Algérienne de décembre 2020 affirme que « le peuple algérien exprime son attachement aux Droits de l’Homme tels qu’ils sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 :

– « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. » (Art. 3)

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– « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu, ni exilé.» (Art. 9),  par conséquent, en vertu de cet article, quiconque se trouve privé de sa liberté pour cause d’une arrestation  ou d’une détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que ce dernier statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Ce paragraphe consacre le principe de l’habeas corpus. 

– « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » (Art. 10)

Par ailleurs, et toujours à ce sujet, de nombreux traités internationaux ont été ratifiés par l’Algérie  :

De plus, la toute première phrase du préambule de la constitution de 2020 stipule que « le peuple algérien est un peuple libre, décidé à le demeurer. Son histoire, …  fait de l’Algérie de toujours une terre de liberté et de dignité ». Le président de la République, aussi, dans son allocution de prestation de serment en décembre 2019, a juré devant le peuple de « protéger les libertés et droits fondamentaux de l’Homme et du Citoyen ».

Où en sommes-nous des promesses du président de la République, du respect de la Constitution et des conventions internationales ratifiées ? Tous ceux qui militent pour un Etat de droit et pour le respect de ces textes subissent, dans l’impunité totale, une répression féroce et arbitraire.

Nul n’est épargné : blogueurs, hommes politiques, journalistes, avocats, étudiants et enseignants universitaires, etc.. Le pouvoir en place mène une guerre contre la liberté d’expression, la presse, et même contre la solidarité nationale afin de réduire au silence la Révolution du 22 février. Des citoyens sont jetés en prison dans des conditions carcérales dignes du moyen âge : insalubrité, malnutrition, surpopulation, etc.

La situation en matière des droits de l’Homme, dans notre pays, s’est aggravée depuis 2020. De nouveaux textes législatifs sont venus rendre caduques les libertés fondamentales. Par arrêté présidentiel, le Code pénal a été amendé en juin 2020 dans son article 20-06 et 144, sans aucun débat préalable à l’assemblée nationale. Or, ce code comporte plusieurs dispositions incompatibles avec les standards internationaux, en matière de liberté d’expression et de liberté d’association, protégées par les articles 19 et 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie en 1989.

Une année après, le gouvernement a durci la législation pénale au détriment des libertés d’expression et d’association. Une autre Ordonnance n° 21-08, modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966, portant sur le Code pénal, est entrée en vigueur le 9 juin 2021. Cette Ordonnance introduit l’article 87 bis 13 dans le Code pénal. Il est bon de rappeler que ce dernier article (87 bis) est en totale contradiction avec la constitution de 2020 ainsi qu’avec les accords internationaux ratifiés par l’Algérie. Dans l’histoire de l’ordre juridique algérien et international, l’article 87 bis du code pénal est qualifié de « honte » par les avocats nationaux et internationaux. Il constitue un grand recul dans le domaine des droits et des libertés.

Aucun moyen n’est épargné pour menotter les libertés des citoyens. Ainsi des arguments fallacieux, comme l’accusation d’appartenance de militants pacifistes à des groupes terroristes, sont avancés pour justifier l’abus du contrôle judiciaire, le mandat de dépôt y compris les simulacres de procès. 

Hommes et Femmes de Loi, n’êtes-vous pas les garants de « la protection et  la sécurité juridique et démocratique et du contrôle de l’action des pouvoirs publics ? ».

Vous, hommes et femmes de loi, alors même que votre vocation et vos prérogatives vous l’imposent, n’êtes-vous pas heurtés et ébranlés par l’absence d’un système judiciaire indépendant. L’impunité officielle, l’abus de pouvoir, les conflits d’intérêt et l’usage abusif de la détention provisoire, ne vous scandalisent pas ?

Fort heureusement certains de vos collègues continuent de porter nos espoirs à bras le corps ; des procureurs, des juges et des avocats, honorent leur serment, d’obéissance à la Constitution, en exerçant leur fonction avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. A ceux-là , l’Algérie  dit MERCI!

Les membres de la Coordination Nationale des Universitaires pour le Changement (CNUAC) s’inquiètent de cette dérive et de ces contraintes extra-judiciaires et extra-juridiques qui entravent l’indépendance de la justice.

Ils rappellent que l’impartialité des procureurs et des juges est consacrée par des textes fondamentaux, inscrits dans :

  • la Constitution de 2020,

  • l’article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,

  • et dans l’article 14, § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Messieurs et Mesdames les procureurs, les juges : sachez que votre impartialité ne doit jamais être altérée, car nos palais de justice risquent, à terme, de se transformer en palais de l’injustice. Nous continuons à espérer de vous un sursaut républicain. 

Les citoyens injustement détenus, pour leur participation au Hirak, qui ne sont ni des criminels, ni des voleurs de deniers publics, ni les gestionnaires à l’origine de l’échec politico-économique de notre pays, ni des trafiquants de drogues et ni des délinquants, ne les punissez pas,  pour avoir voulu, comme tant de millions d’Algériens, rétablir la dignité de la justice et des justiciables.

Libérez nos étudiants, nos enseignants et les détenus d’opinion.

Tahia ldjazaer Horra Dimocratia.

 




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