Lundi 19 juillet 2021
Sahara-Occidental : sortir de la stratégie de ni guerre ni paix
Depuis qu’il a signé les accords d’Abraham avec Israël en contrepartie de la reconnaissance américaine de la « marocanité » du Sahara Occidental que Joe Biden a endossée en violation du droit international sur lequel est censé veiller le conseil de sécurité de l’ONU, le Maroc semble s’être diablement enhardi.
Alors qu’il était sur la défensive ces dernières années, il est brusquement passé à l’offensive en moins d’une année.
D’abord en Palestine où il a lâché la cause palestinienne en échange du soutien militaire d’Israël à ses futurs projets, puis à Gargarat où il a attaqué des positions du Polisario sur la portion de territoire qui lui est reconnue, ensuite contre l’Espagne pour avoir « osé » soigner chez elle le président de la RASD et, enfin, à l’Algérie en visant son intégrité territoriale et son unité nationale.
L’énervement constaté chez nous en réaction à ce qui n’est que de l’enfantillage diplomatique et de l’infantilisme politique n’est pas la bonne réponse à apporter au Maroc, s’il ne se désavoue pas les divagations de son ambassadeur à l’ONU.
Le ministère des affaires étrangères doit certes agir selon les procédures diplomatiques d’usage, mais le pays doit se garder de verser dans la surenchère verbale ou l’agitation populiste comme, par exemple, appeler à des marches populaires en Kabylie ou ailleurs.
Nous n’avons rien à craindre de déclarations irresponsables, et rien à prouver à quiconque sur la planète.
Il faut au contraire afficher un mépris souverain et un flegme indémontable devant cette provocation puérile qui rappelle les fanfaronnades cycliques dont sont familiers les diplomates de ce pays frère, tartarinades qui ne tardent pas à se retourner contre lui ainsi qu’on l’a vu dans ses déboires récurrents avec l’Espagne ou avec l’Union africaine qu’il a quittée en 1984 avant de la réintégrer en 2017 alors que la RASD en était toujours membre.
Soyez tranquilles, frères algériens et marocains, aucun pays au monde n’accordera de crédit à cette menace farfelue et grossière contre l’Algérie.
Ce qui doit être fait, en revanche, c’est se décider à régler une fois pour toutes le problème du Sahara Occidental sur la base des enseignements tirés des conflits asymétriques récents ou en cours dans le monde arabe et africain.
Ce pays d’un demi-million d’habitants environ et de 266.000 km2, figure sur la liste des « territoires non autonomes » de l’ONU depuis 1963. L’Espagne en est sortie en 1975 sous les coups de boutoir du Polisario, et le Maroc s’est dépêché de l’envahir aussitôt. En 1988, lui et le Maroc se sont entendus sur la tenue d’un référendum d’auto-détermination en 1992. Dans cette perspective, un cessez-le-feu avait été décidé sous les auspices de l’ONU en 1991.
En 2007, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité de l’ONU est adoptée « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
En 2008 et 2009, des négociations directes s’ouvrent entre les deux parties à New York dans le but de trouver une solution à la question des listes électorales, mais sans succès.
Depuis 1991 la question sahraouie est restée sur une voie de garage, exactement comme la cause palestinienne après qu’elle eut déposé les armes en 1992. Le temps a travaillé contre les Sahraouis et pour le Maroc, comme en Palestine où l’occupation n’a cessé de grignoter les territoires concédés aux Palestiniens par les Accords d’Oslo.
Car les puissances hégémoniques ou occupantes ne comprennent que le langage de la force, des coûts financiers du conflit pour leur économie et des pertes humaines qu’il engendre dans leurs rangs.
La question du Sahara occidental ne se résoudra ni à l’ONU ni par les négociations, mais par la lutte armée, une lutte qui coûtera le prix que coûte l’indépendance quand on la veut vraiment.
La solution des deux États ne deviendra envisageable que si le Polisario abandonne la politique de ni guerre ni paix, et rend l’occupation de son pays financièrement ruineuse et humainement coûteuse.
Avec peu de moyens technologiques et logistiques, des organisations comme le Hezbollah, Hamas, le mouvement Azawed, les Talibans, les Houtis, Daech, etc, sont arrivées à tenir en respect des puissances militaires du niveau d’Israël, et conquis des portions de territoires d’Etats comme l’Irak, la Syrie ou le Mali.
Les Sahraouis ont déjà le contrôle de 20% de leur territoire, soit 50.000 km2 sur un total de 266.000. Qu’en ont-ils fait ? C’est presque deux fois la superficie d’Israël (30.000 km2). Gaza, où vivent deux millions de palestiniens, s’étend sur un peu plus de 300 km2. Ne peuvent-ils pas faire comme Hamas et le djihad islamique ?
Qui est écouté aujourd’hui par les grandes puissances et admiré par les partisans des causes justes, Hamas ou l’OLP ?
Le Polisario n’a pas besoin d’une armée classique et encore moins d’une armée de parade. Il doit faire comme l’Emir Abdelkrim el-Khattabi contre les Français et les Espagnols dans le Rif marocain, comme les moudjahidin marocains, tunisiens et algériens contre le colonialisme français, comme Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban.
« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » disait Clausewitz au XIXe siècle ? C’est toujours vrai.